Je suis né à Détroit il y a un peu plus de vingt-trois ans de cela, dans les quartiers pauvres de la ville, ma mère était une simple serveuse dans un dîner à la périphérie du quartier et mon père bossait dans une usine de pièces automobiles. Wais inutile de dire que j'ai connu la pauvreté et la violence tout du long de ma vie et qu'il ne faisait pas bon traîner dans les rues le soir. Je me suis vite retrouvé être l'aîné d'une famille de trois enfants avec deux frères, j'avais deux ans quand le premier est arrivé et quatre ans pour le second. Du peu que je me souviens je n'ai jamais voulu avoir ces mômes dans les jambes, trop jeune sans doute à ce moment là. Le seul truc de positif c'est que du coup ma mère était un peu plus souvent à la maison quand ils sont arrivés même si elle était contrainte de vite reprendre le travail. Vous savez ce que c'est les aides de l'état et compagnie, ça vous nourrit pas une famille de cinq. Je crois que c'est à partir de là que les choses ont commencées à vraiment décliner du côté de mon père, qu'il a commencé à boire mais aussi à voler des pièces à son usine pour les revendre dans la rue. En fait j'en suis même sûr puisque quand j'ai eu cinq ans, il a commencé à m'emmener avec lui soit disant parce que ma bouille d'ange l'aidait à amadouer les acheteurs. Plus les mois passaient plus je pouvais entendre mes parents s'engueuler le soir et quand mes frères me demandaient ce qu'il se passait je ne faisais que hausser les épaules et leur dire que c'était des affaires de grands qu'ils feraient mieux d'aller au lit et dormir. J'avais six ans quand mon paternel s'est fait chopper par son boss et que ça a mal terminé, la toute première fois qu'il se retrouvait en tôle. Pas la dernière fois malheureusement. Il ne ressortira que durant l'été suivant mes sept ans.

Pendant ce temps là, la vie à la maison était difficile avec le seul salaire de ma mère, avoir faim presque en permanence je peux vous assurer que je sais par cœur la sensation que ça procure. Le plus difficile a été de gérer mes petits frères et de leur faire comprendre que ce n'était pas la faute de notre mère. D'ailleurs ma mère misait beaucoup sur moi pour l'aider à plein de chose malgré mon jeune âge, certains vous diront que c'était même de trop mais je l'ai fais à ma manière, j'ai pris soin d'elle et de mes frères autant que possible. C'est pendant le séjour en prison de mon père que j'ai commis mon premier vol à l'étalage. Bien sûr à l'époque je ne pensais pas comme ça, je devais absolument trouver de quoi nourrir mes frères et moi même. Oh oui j'allais malgré tout à l'école mais vous voyez le genre petite frappe qui martyrise les autres et qui en fout pas une ? Et bien j'étais déjà ainsi. Un moyen comme un autre de me faire respecter déjà à l'époque. Malgré tout je suis passé de classe en classe, sans doute parce que mes maîtresses n'en pouvaient plus de moi. Au niveau de mes camarades de classe, pas grand chose à en dire, un copain par ci, par là mais aucune vraie amitié en vue.

Une fois mon père de retour à la maison le temps à continué à passer, trois années pour être précis, trois années pendant lesquelles l'enfer s'est abattu sur notre maison. Mon paternel s'enfonçant dans l'alcool et les délits en tout genre, encore à l'heure actuelle je ne sais toujours pas comment il a fait pour ne pas se faire attraper de nouveau et par la même briser sa conditionnelle. Avec le recul je me dis que peut-être si mon vieux s'était fait avoir les choses auraient été différentes et rien ne serait arrivé. Cela n'aurait peut-être pas mené à la dispute de trop entre mes parents et à ma mère partant faire des courses avec mes deux plus jeunes frères après avoir soutiré à mon père de quoi leur acheter des manteaux. Cela n'aurait peut-être pas mené à ma mère énervée conduisant trop vite en plein hiver sur une route partiellement verglacée. Vous voyez venir la suite je suppose et vous aurez raison, ma mère a perdu le contrôle de la voiture et celle-ci s'est encastrée dans un mur. Ma mère est morte sur le coup et mes deux frères sur le chemin les menant à l’hôpital.

Je me suis retrouvé seul avec mon père qui me foutait une raclée à chaque fois qu'il me voyait les larmes aux yeux. Il avait décidé de faire de moi un homme qui ne se laisserait jamais marcher sur les pieds par une femme, je crois que c'était sa manière à lui de gérer la perte de sa femme -ma mère donc- en faisant régner la terreur dans le cœur de son seul enfant restant. Depuis j'ai compris que je lui rappelle surtout ma mère à chaque fois qu'il pose les yeux sur moi et c'est vrai que j'ai le même regard bleu qu'elle pouvait avoir. La même manière de faire passer des émotions diverses avec mes yeux plus sûrement qu'avec des mots. Dès lors j'ai tout fait pour enfouir ce que je pouvais ressentir ou ce que j'aurai pu vouloir par peur de mon paternel. Cela n'a pas passé avec le temps même encore maintenant j'ai une trouille bleue de lui et de ses jugements. J'en était à après l'accident puis les funérailles, inutile de dire qu'après cela le noël qui est venu juste après on ne l'a pas fêté, ni aucun autre depuis. Pas plus que l'anniversaire de mes dix ans quelques mois après. D'autant plus que quelques jours plus tard nous avons déménagé pour nous retrouver à Marple Spring. Un nouveau départ qu'il disait le paternel, j'ai jamais rien vu de nouveau. Quitter un quartier de merde pour un autre et tout ce qui va avec, il y a seulement les têtes des gens qui ont changées.

Rien de nouveau non plus concernant ma scolarité, nouvelle école, toujours les mêmes comportements. Cela a même été plus facile de m'imposer dans le coin et ça a continué au lycée. Petit à petit en grandissant je me suis fait mon trou me faisant une bande de gamin aussi paumé que moi. Parce que oui je sais très bien que je le suis, je sais parfaitement ce que je vaux et je sais que je ne vaux pas plus que finir en tôle comme mon père. J'y ai même passé deux mois déjà, je me suis fait choppé à mes dix-huit ans pour vol, prison saturée et libéré sur parole. La bonne blague que celle-ci, j'y ai juste gagné des contacts me permettant de me mettre à dealer une fois sorti de prison. De l'herbe, uniquement ça, sans doute un semblant de moralité qui m'empêche de vendre de la drogue dure et d'être le responsable de vies ruinées par ceci. Tout comme je vérifie toujours que c'est de la bonne qualité pas que les clients se fassent des bad trips, il manquerait plus que ça. Oh je ne vérifie pas par moi même, je n'ai jamais fumé de weed mais un des mecs de ma bande le fait pour moi. Ce qui est marrant c'est qu'entre mon père et moi on fait s'écarter les gens de nos passages, il ne fait pas bon s'en prendre à un Cromwell. Parce que oui je suis aussi un impulsif et un bagarreur, le premier mec qui me regarde ou me parle de travers...Et bien il a de grandes chances de finir à l'hosto pour un moment. Je bosse aussi en intérim dans une usine histoire d'avoir un semblant de job honnête et de ramener un peu plus de fric à la maison même si je suis de plus en plus souvent seul pour en « profiter ». Parce que oui mon paternel a repris depuis longtemps ses arnaques en tout genre et fait pas mal d'allers-retours entre la maison et la prison.

Au milieu du bordel qu'est ma vie, il y a cinq ans déjà un rayon de soleil est apparu en la personne de Matvei. Bien sûr au début je ne pouvais pas le supporter, il est tout ce que je ne suis pas, doux et gentil, calme et posé, toujours à sourire et à voir le bien autour de lui. Allez savoir pourquoi j'ai malgré tout décidé qu'il m'appartenait, que personne d'autre que moi ne pouvait le titiller ou l'emmerder. J'avais décrété que je ferais tout pour qu'il voit les gens comme ils sont vraiment et non c'est idéalisation qu'il en a. Cela a duré plusieurs années pendant lesquelles je ne me suis même pas aperçu que mes intentions envers lui évoluaient, que j'étais jaloux de son mec de l'époque. J'ai été pris à mon propre piège le jour où Matvei m'a plaqué contre un mur et m'a roulé une pelle. Non seulement j'ai répondu à son baiser mais je l'ai prolongé et tout fait pour qu'on aille plus loin. Depuis on est ensemble et je le sais, je suis foutu...

Mais je n'irais pas le lui dire alors que j'ai encore du mal à m'accepter, on est en couple oui, je ne regarde plus personne d'autre mais personne ne doit le savoir. Ni ma bande, ni mon père surtout mon paternel qui est un homophobe fini, je suis sûr qu'il me tuerait s'il le sait. Quant aux autres je n'en sais rien mais je le vois mal également. Je le sais depuis longtemps que je suis gay mais là aussi j'ai tout fait pour que ça ne se sache jamais, sortant et couchant même avec des femmes pour donner le change, pour faire comme si que. Matvei a tout chamboulé et je suis pas dans la merde, je ne suis pas prêt à m'assumer au grand jour même si je l'ai dans la peau.