Vous connaissez le proverbe : on choisit ses amis, mais pas sa famille ? Et bien pour Gabriela, c'est une sorte de réalité, puisqu'on ne peut définitivement pas la tenir responsable des décisions qui ont eu une influence sur sa vie, sans même qu'elle en ait conscience. Son histoire a commencé avant même sa naissance, lorsqu'elle était dans le ventre de sa mère, et que son père a été tout simplement accusé de viol par une petite garce frustrée de ne pas l'intéresser. Petite garce, qui a envoyé son père en prison, laissant sa mère découvrir sa grossesse alors qu'il se trouvait dans une cellule. Même lorsqu'il a été libéré, elle ne lui a rien dit... Et puis il est parti. Il n'a jamais su. Jamais compris que le ventre s'arrondissait pour donner vie à une petite fille qui aurait des yeux aussi bleus que les siens. Gabriela.

Elle s'est contentée de naître, petite perle précieuse aux yeux de sa mère, petite douceur aux yeux de sa grand-mère. Mais peut-être également une erreur, le fruit d'un violeur... innocenté, pourtant ça reste, increvable jugement que la grand-mère ne pouvait ignorer. Néanmoins, jamais elle n'a considéré Gabriela ainsi, pas après avoir vu sa bouille, et l'avoir vu grandir jour après jour dans sa maison. Deux années où trois générations furent sous le même toit, mais dont la petite fille n'a conservé aucun véritable souvenir pouvant lui permettre d'affirmer qu'elle y a habité, et non pas simplement été pour quelques jours. Ensuite, elle a emménagé avec sa mère chez le nouveau petit ami de cette dernière. Aujourd'hui, c'est l'homme que sa mère va épouser que Gabriela considère comme son véritable père, sans que jamais sa mère ou celui-ci ne la détrompe. Les choses sont plus simples ainsi. Il n'y avait pas à compliquer l'équation avec une vérité qui pourrait la faire souffrir. On ne devait y voir que la volonté d'une mère de protéger son enfant, la chose la plus précieuse qu'elle aurait jamais.

Petite fille éveillée et intelligente, son asthme ne l'a jamais empêchée de faire ce qu'elle avait envie. Sa mère un peu plus malgré tout. Elle a pourtant obtenu plusieurs choses, rien qu'en passant par des caprices, véritable petite princesse... plus maligne et manipulatrice que nécessaire. Capable de faire tourner en bourrique sa propre grand-mère, ou sa nounou rien que pour s'amuser, avant de se faire pardonner par un câlin et ses yeux si bleus. Mais on ne peut nier une chose... Gabriela adore sa mère, et c'est bien réciproque, puisque Otylie se montre très protectrice avec elle. Peut-être qu'au fond, elle sait bien que sa mère serait invivable avec ceux qui prennent soin d'elle si elle disparaissait réellement. Petites plaisanteries, jeux qui finissent toujours bien, et si ça fulmine un peu, on oublie rapidement pour celle qui possède une vie si simple, si douce... tant qu'elle ignore que son père n'est pas son vrai père, sans doute. Tant que l'illusion reste parfaite.

Mais si l'on devait s'arrêter sur un dernier évènement marquant dans son existence, c'est le futur mariage de sa mère avec celui qu'elle pense être son père. Alors forcément Gabriela est heureuse, et en même temps, elle ne peut s'empêcher d'attirer l'attention sur elle.

Marple Spring, une ville agréable, douce et chaleureuse. L'une de celle où l'on ne peut qu'aimer vivre, loin des tracas des grandes cités qui finissent par vous avaler dans une course infernale. Pour Gabriela, c'était tout simplement sa maison, la seule qu'elle ait jamais connu, l'unique dans laquelle elle grandirait, et peut-être même où elle continuerait à vivre. Mais elle avait toujours eu des rêves, elle regrettait parfois d'avoir cet asthme, même si cela ne l'empêchait pas de faire ce dont elle avait envie, quitte à devoir faire un véritable caprice pour l'obtenir. Sautillant, esquissant quelques pas de danse, tandis qu'elle entrait avec sa mère dans cette boutique, la laissant se diriger tout droit dans le rayon des bonbons, où elle retrouva l'un de ses camarades de classe, Theo. Ils se connaissaient depuis toujours, et en dehors de Marlow son lapin en peluche, c'était sans doute son meilleur copain. Peut-être qu'un jour, comme dans toutes les histoires un peu niaises, elle en tomberait amoureuse, mais pour l'instant, c'était juste Theo. Et on ne tombe pas amoureuse de Theo. Le cœur qui s'agite, elle le réservait sûrement pour un garçon qu'elle ne connaîtrait pas, pour celui qui l'embêterait et qu'elle détesterait au début. « Salut ! » dit-elle en s'approchant de lui, un large sourire aux lèvres, avant de se tourner vers les paquets de bonbons pour choisir celui qu'elle voudrait. « Gabi ! J'ai trouvé un nouvel endroit vraiment Gé-nial ! » « On connaît tous les endroits Theo. » répondit-elle en tentant d'attraper le paquet qui lui faisait envie. Voyant sa difficulté, le petit garçon à peine plus grand qu'elle le captura à sa place pour le lui tendre. « Nonnnnn ! Là c'est différent ! On va pouvoir en faire notre nouveau repère secret où personne ne nous trouvera. Il y a un arbre dont le tronc est creux ! » Elle prit le paquet, et... Un arbre avec un tronc creux, elle avait envie de voir ça, envie de voir si Theo avait raison. « Faut que tu me montres ça. » « Faudra prendre ton vélo, c'est un peu loin quand même. » fit-il remarquer en tordant sa bouche sur le côté. Aussitôt précisé, que Gabi se tournait pour s'éloigner en courant. « Mamannnnnnnn ! Theo veut qu'on aille faire du vélo, dis, t'es d'accord hein ? » commença à crier la petite fille dans la boutique en allant directement la rejoindre. « Maman ! Allez t'es d'accord, dis ?! Je ferai attention, promis ! » commença-t-elle à plaider pour tenter d'attirer son attention, prête à finir par sombrer dans un énième caprice pour obtenir gain de cause.