Mon premier est la peur
Mon second la douleur
et mon tout me détruit.
Ils étaient deux. Deux à lui passer d'sus. Papa les avait fait venir en échange de deux-trois billets en poche. Papa n'avait aucune honte à vendre les charmes de sa fille aux voisins les plus offrants. Il savait qu'elle n'avait personne à qui parler, quand bien même elle aurait eu la force de le faire. Il était son seul point de repère. Son seul encrage au monde réel. Et il en profitait bien plus que de raison pour la détruire.  
Pièce par pièce.
Jour après jour.
Avait-elle protestée ne serait-ce qu'une fois ? Oui, mas le résultat était le même, si ce n'est bien pire, car papa n'aimait pas vraiment que l'on ose contester son autorité. Il usait alors du poing. Du balais, de la raquette, de la ceinture, qu'importe les marques sur son corps, qu'importe les cris si la belle Nell s'en trouvait plus obéissante à la fin.

Elle passa les dix-neuf premières années de sa vie ainsi. Accumulant trois fausses couches et un enfant mort-né, pour finalement s'enfuir. Un jour où papa n'était pas là. Un jour où elle avait rassemblé assez de courage. Assez de courage pour piquer les quelques billets qu'il avait laissé traîner, et claquer la porte, non pas sans un regard en arrière. Dix-neuf ans, pour s'accrocher au premier homme venu. Dix-neuf ans pour finalement ne pas être capable de tirer une leçon des expériences passées. Dix-neuf ans.


Assise dans son lit, à peine réveillée elle l'entendait hurler. Encore. Elle ferma les yeux et essaya de se rendormir, mais rien n'y faisait. Son mari était absent et ce gosse invivable. Nell, vingt-deux ans n'avait rien fait pour mériter tout cela. Elle avait épousé cet homme par dépit, mais surtout par manque d'argent. Elle se pliait à ses exigences sexuelles, faisait le ménage, elle était l'épouse parfaite. Elle s'était même fait engrosser dans l'unique but de lui faire plaisir. Le gosse était né. Le portrait craché de son père. Un garçon capricieux et beaucoup trop envahissant. Elle le détestait. Il était insupportable. Parfois elle le frappait à mains nues, parfois elle s'y prenait avec certains objets de la maison, une planche de bois, une ceinture, tout ce qui pouvait lui passer sous les doigts pourvu qu'il se taise. Son mari ne disait rien. Non, il ne voyait rien de tout cela. Il était absent, ou trop occupé.

Il grandissait, elle le voyait. 4 ans, 5 ans et enfin 6 ans. Il devenait rapidement un de ces hommes tant détestés. Elle pensait l'aimer comme une maman, mais elle le montrait rarement. Elle ne le voyait qu'à travers le regard d'une femme trahit. D'une femme détruite et haineuse. Elle ne le voyait que comme l'enfant du diable. Elle haïssait tout ce qu'il représentait, et ça, en revanche elle le montrait de plus en plus. Le petit manquait l'école fréquemment et réapparaissait parfois avec d'innombrables bleus. Certaines personnes s'inquiétaient pour lui, mais dans un quartier où les problèmes étaient quotidiens personne ne s'en souciaient vraiment, et le gamin fini par disparaître du Bronx, ses parents avec lui.

Son fils, grandit ainsi. Dans les coups d'une mère. Dans le silence d'un père. Son passé le porta et le fit devenir ce petit enfant dérangé. Ce gamin rongé par les démons d'une femme frustrée et haineuse qu'il aimait pourtant plus que tout. Sa mère le hantait et le poussait à faire des tas de choses. Il la voyait dans ses rêves. Elle lui susurrait des choses à l'oreille. Et lui écoutait, il entendait.