Le moment de sa dernière journée à Marple Spring était venu et elle ne pouvait s'empêcher de se sentir nostalgique avant même d'être partie. Assise sur le balcon de la maison de ses parents, elle repensait à tous les souvenirs qu'elle en gardait. Lilyane ne pouvait même pas dire le nombre exact d'heures qu'elle avait pu passer au Marple Square Garden ou encore au cinéma de plein air à écouter les cassettes de son père en attendant que le film commence. Bien qu'elle raffolait d'Elvis Presley et Johnny Cash, son favoris était sans aucun doute Sinatra dont la voix lui faisait, déjà à l'époque, rêver de San Francisco. C'était devenue une tradition familiale, car il s'y rendait tous ensemble à chaque vendredi. À part ses proches qui la connaissait très bien, personne n'aurait pu deviner qu'elle avait toujours eu envie d'en partir elle qui semblait pourtant adorer chaque coin de sa ville. La famille Henstridge n'était peut-être pas l'une des plus influentes de Marple Spring et ils n'occupaient pas des postes de très grande importance, mais rares étaient ceux n'ayant pas déjà vu passer l'une des trois filles de la famille dont Lily était l'aînée. Le bruit des pas de son père qui la reconduirait jusqu'à l'aéroport se firent entendre et pour une dixième fois au moins aujourd'hui, elle serait sa mère et ses soeurs dans ses bras avant de rejoindre le siège passager de la voiture. Pendant que cette dernière démarrait en direction de l'aéroport le plus près, Lily posait sa tête contre la vitre et regardait le paysage sous ses yeux. Lorsqu'ils passèrent devant le Leeloo's coffee, elle ne put s'empêcher de rire. C'était là qu'elle avait échangé son premier baiser avec un garçon qu'elle n'avait heureusement aucune honte d'avoir embrassé et duquel elle ne gardait que d'heureux souvenirs. Elle en avait vécu des choses ici et là dans cette ville et elle s'imaginait que ses soeurs cadettes devaient se consoler de la voir partir en se disant qu'elles seraient enfin libre de vivre leur adolescence car avouons le... Lily était un peu trop protectrice envers elle et elle les avait plus d'une fois rendue mal à l'aise pour son plus grand amusement. Au fond, Marple Spring allait lui manquer... Mais elle ne pouvait rester ici et être heureuse, elle en était convaincue. Elle avait besoin de nouveaux défis, de danger, de repousser ses limites et d'apprendre des meilleurs. Elle avait besoin de San Francisco...


Sa petite vie parfaite, elle l'avait eu pendant un temps. Un moment éphémère, mais un moment quand même. Elle avait passé une partie de sa vie le nez dans ses bouquins ou à pratiquer, à tenter tout ce qu'elle pouvait pour avoir les meilleurs résultats possibles. Pour obtenir une place dans le plus grand hôpital de San Francisco où elle pourrait apprendre auprès des meilleurs. Elle l'avait décroché, ce stage qu'elle convoitait tant. C'était d'ailleurs là qu'elle avait rencontré l'homme de ses rêves, assistant le médecin qui traitait en traitait la fille unique. Un homme ayant traversé de nombreuses épreuves dans sa vie, mais qui s'en était sorti plus fort. Du moins, c'était ce qu'elle croyait à l'époque. Ils avaient été heureux pendant un temps, ils s'étaient sincèrement aimés, mais tout avait dérapé dès l'instant où la fille chérie avait perdu son combat contre la maladie. À ce même moment, quelque chose était mort en lui. Si tout allait souvent très bien, il était facile de déclencher des crises chez lui et bien qu'au début ses coups atteignaient uniquement les murs de la maison, bientôt, ils trouvèrent une autre cible. Son besoin de contrôle sur toutes les parcelles de sa vie semblaient éveiller ses plus sombres instincts et elle en payait le prix fort. Elle avait peur lorsqu'elle partait travailler, peur que les embouteillages lui causent quelques minutes de retard. Elle avait peur lorsqu'elle rendait visite à sa famille, car elle savait que même lorsqu'il lui autorisait à y aller seule, il n'était pas assuré qu'il soit tout aussi ouvert lorsqu'elle reviendrait.


Elle avait fui sa ville d'enfance depuis de nombreuses années déjà, cette petite ville qu'elle croyait trop tranquille et simple. Pourtant en cet instant, c'était à Marples Spring qu'elle pensait. Elle entendait encore la voix de Frank Sinatra s'élever dans la modeste, mais chaleureuse maison de ses parents. Elle pouvait encore goûter le café du coin qu'elle appréciait tant et revoyait les pires bêtises qu'elle y avait faites pendant ses années de lycée. Dire qu'à l'époque, elle trouvait sa vie trop calme, qu'elle déplorait à quel point elle manquait de défi et d'exaltation... Fermant les yeux, elle imaginait la voix de Sinatra chanter plus fort que jamais. Elle oubliait les cris provenant de l'autre côté de la porte de sa salle de bains et les coups provenant de derrière. Elle attendait patiemment que tout cesse, oubliant tout ce qui l'entourait sauf peut-être Misty roucoulant près d'elle comme elle le faisait à chaque fois qu'elle pleurait. Lilyane savait qu'il serait bientôt l'heure pour lui de partir travailler et heureusement, il ne manquait jamais une journée de travail. Elle savait que dans mois d'une heure, elle pourrait quitter cette pièce sans blessures supplémentaires. Cette fois, c'était trop. Elle ne voulait plus de cette vie, elle ne voulait plus tenter de s'en sortir. Tout ce qu'elle voulait, c'était de fuir comme si elle n'avait jamais existé, de tout effacer et recommencer en retournant là où sa vie n'avait pas encore commencé à dérailler. Elle retournait à Marple Spring.

Le temps s'était écoulé au compte goûte et pourtant, elle avait enfin entendu le claquement de porte tant attendu. Le corps tremblant et la vision légèrement floue due aux larmes qui n'avaient cessé de couler contre ses joues, elle avait quitté le carrelage froid et avait prudemment ouvert la porte. Constatant qu'elle était bien seule, elle s'était dirigée vers la chambre en faisant bien attention de ne pas mettre les pieds sur le verre brisé qui jonchait le sol. Tentant de calmer sa voix, elle avait saisi son téléphone et avait immédiatement contacté l'aéroport afin de savoir si un vol vers détroit partant dans la journée avait toujours des places disponibles ce qu'on lui confirma heureusement tout en l'avisant qu'elle n'avait qu'une heure pour se rendre à l'aéroport et commencer le processus d'enregistrement si elle ne voulait pas risquer de le rater. Raccrochant rapidement, elle avait signalé le numéro de son père et l'avait prévenu de son arrivé prévu dans sept heures, lui demandant d'aller l'attendre à l'aéroport et de ne parler à personne de sa venue. Elle ne savait pas encore où elle travaillerait ni même où elle habiterait, mais elle refusait de vivre sous leur toit, craignant qu'il décide de venir l'y chercher. Assemblant rapidement tout ce qui était nécessaire et ce qui lui tenait trop à coeur pour qu'elle le laisse derrière, elle avait quitté la maison sans un regard derrière emportant avec elle deux valises pleines à craquer et la cage dans laquelle Misty se laissait sagement transporter elle qui détestait habituellement la simple idée de s'y retrouver coincée. Appelant un taxi, elle se laissait reconduire par se dernier à l'aéroport, tout en utilisant ses derniers moments à San Francisco pour contacter l'hôpital et s'excuser de sa démission rapide et inattendue prenant effet à l'instant.


L'allée qui menait à la petite maison de campagne qu'elle s'était procurée quelques semaines après son retour à Marple Spring était entourée d'arbres imposants au feuillage légèrement tombant. Lilyane n'avait pas longuement hésité lors de ses recherches, car dès qu'elle l'avait aperçu, elle avait décidé que ce serait ici qu'elle aménagerait son petit refuge et en plus, sa soeur vivait deux maisons plus loin. Vérifiant que rien n'avait bougé, elle tournait sa clé dans le verrou puis l’enclenchait à nouveau dès qu'elle était en l'intérieur. Ouvrant la lumière, elle retirait comme à son habitude ses vêtements de travail afin d'enfiler quelque chose de beaucoup plus confortable. Elle avait longuement hésité avant de donner son nom afin d'obtenir le poste libre de médecin généraliste disponible à la clinique de la ville, comme si elle avait peur que cette heureuse coïncidence soit un piège prêt à se refermer sur elle. Maintenant qu'elle y travaillait deux presque quatre mois, elle était ravie d'avoir choisi de saisir sa chance, car il n'y avait pas de moment où elle se sentait mieux que lorsqu'elle travaillait autant grâce à son équipe qu'elle adorait en grande majorité que pour ses patients. Elle ne savait pas encore si elle s'établissait à long terme ici où s'il s'agissait d'un arrêt pour se ressourcer avant qu'elle tente sa chance ailleurs, mais pour l'instant, elle s'y sentait bien et elle guérissait doucement... Rien ne pressait.