Bref, je suis Kaelynn Hiddleston, j'ai un frère jumeau et c'est trop la classe.
C'est par une froide nuit d'hiver que j'ai vu le jour, précédée de quelques minutes par mon frère Josh. Nous ne sommes pas les premiers enfants d'Eric et Sally, car avant nous il y a eu Mary-Ann. On est loin d'avoir été des enfants à plaindre. Nos ancêtres ont fondé cette ville et nous avons un niveau de vie très confortable. A l'école je préfère jouer avec des garçons dans la boue et faire des combats d'épée imaginaire que jouer à la poupée. Les filles c'est barbant. Avec Josh on était inséparables et souvent sous mon élan, je le traîne avec moi à faire les 400 coups. Grimper dans un arbre, jouer avec un briquet et des pétards, faire des tricks en skateboard bref j'ai quand même causé quelques frayeurs à mes parents et je connais même le prénom de quelques infirmières de la clinique de la ville.

Bref, la famille s'agrandit.
A l'aube de nos dix ans d'existence, papa et maman nous ont fait la surprise d'avoir à nouveau un bébé. C'est très bizarre de se dire qu'on n'est plus les petits et qu'on va avoir un petit frère ou une petite soeur. Avec Josh, on a aidé papa pour les travaux de la chambre du bébé. Bon okay y'avait sans doute plus de peinture sur mes habits que sur les murs mais c'était super chouette ! Et puis un jour ils sont partis en voyage et sont revenus avec une petite soeur (héhé j'avais raison !!!) Je me souviens la première fois que je l'ai prise dans mes bras, j'étais tellement flippée. Leah était si petite et fragile j'avais peur de faire une bêtise, de la faire tomber... Au final ça a été. Je lui ai même changé ses couches parfois. Si ça c'est pas de l'amour je sais pas ce que c'est parce que franchement le caca de nourrisson ça pue ! Un peu plus d'un an après, Leah ne fut plus la benjamine de notre fratrie et on a gagné un petit frère Spencer. Lui aussi je lui ai changé ses couches alors qu'on vienne pas me dire que je ne suis pas une grande soeur digne de ce nom !

Bref, c'est le bordel dans ma tête.
Je pense pouvoir affirmer que mon adolescence a vraiment pourri la vie de mes parents. Je leur tenais tête sur tout et souvent pour rien. En mal de nouvelles expériences, j'ai commencé à fumer en cachette à l'âge de treize ans, j'ai fait le mur pour aller à des soirées, j'ai eu plein de passades amoureuses très courtes qui m'ont brisé le coeur à chaque fois. Je me suis battue même quelques fois avec des garçons plus grands et costauds que moi. J'ai fumé mon premier joint à quinze ans mais concernant le sexe j'ai toujours été prudente.  

Bref, j'ai trouvé ma vocation.
J'ai dix-sept ans et je viens de trouver mon premier vrai job d'été en tant que serveuse dans un petit bar de la ville. Cela m'évite la corvée de la mairie de l'année dernière, le classement des archives de la municipalité et le paternel sur le dos j'ai donné l'année dernière, merci mais non merci. Normalement, je ne suis pas vraiment censée toucher à l'alcool mais avec mon maquillage je fais plus vieille que mon âge et quand le patron n'est pas là, Andy le barman me montre quelques trucs un peu plus fun. Un soir de juillet il me montre comment servir une pression. La main mal assurée autour de la pinte, je l'incline et abaisse le levier. Je vois le liquide houblonné s'écouler dans le verre et la mousse se former un peu trop, trop, beaucoup trop. Le tout déborde, Andy se marre et moi je bloque sur ma main pleine de bière. Je réessaie quelques fois et une heure après je peux enfin servir les clients. Mais le déclic je l'ai, lorsqu'Andy me met un shaker entre les mains. Il me montre la recette du Tiki Punch un savant mélange de sirops de fruits exotiques, de rhum, de jus d'ananas et de citron vert. En somme pas quelque chose de trop compliqué selon lui. J'ai sans doute l'air cruche quand je secoue le shaker de toutes mes forces pour que tout se mélange bien avec les glaçons. Je sens le métal refroidir entre mes paumes entre deux allers-retour, preuve que ça se passe bien d'après Andy. Je verse le liquide orangé dans un verre Tiki et il me laisse faire la décoration. Je saupoudre de zeste de citron vert râpé, met une demi-tranche d'orange sur le bord du verre et le tour est joué. Je regarde ma création pendant au moins cinq minutes et je me tourne vers Andy la mine déterminée "c'est ça que je veux faire"

Autant dire tout de suite que lorsque j'ai annoncé ça à mes parents ils ont tiré des tronches de six mètres de long. Ce n'était pas tout à fait la réaction espérée mais elle ne m'a pas tellement surprise. Je sais qu'ils ont d'autres projets pour moi mais il en sera ainsi.

Bref, je suis barmaid !
Mes parents ne me soutenant pas dans ma décision de devenir barmaid, je m'en remets à Andy et son savoir faire. Il m'apprend le métier. Je passe tous les jours au bar, après l'école et j'y passe mes weekends. Je deviens progressivement la pro du shaker et des cocktails à étages, en feu et de toutes les couleurs. Pour mon dix-neuvième anniversaire m'offre un kit de flair bartending pour m'entraîne. Je m'essaie alors à cet art de jongler avec des bouteilles et des verres tout en préparant des boissons. Je vous épargne le nombre de fois où je me suis pris le verre ou la bouteille en pleine poire mais je peux vous dire que ma maladresse m'a valu quelques bosses et quelques bleus. Mais ce n'est pas grave, j'adore ce que je fais. Andy devient mon coach et il m'inscrit à des concours. Ce n'est pas toujours une réussite mais avec le temps j'apprends à gérer mon stress, gagne en technique et il me faudra trois ans pour gagner mon concours fédéral et tenter enfin le national.

Je commence à lire les livres de recettes pour fabriquer moi-même mes propres sirops, mes propres liqueurs et autres infusions pour pouvoir faire mes propres recettes.

Bref, j'ai plus de sensei.
Tout allait à peu près bien dans ma vie. Il a toujours quelques ombres au tableau et je ne m'étais pas préparé à ce que le ciel s'obscurcisse si brutalement. Nous sommes au beau milieu de l'hiver et il y a du verglas sur le trottoir et la neige menace de venir recouvrir de son manteau blanc la ville. Un soir après le service en sortant les poubelles, Andy a glissé sur cette plaque de verglas qui a échappé au salage des employés municipaux, sa tête a cogné le rebord trottoir, s'en était fini. Un si bête accident de la vie courante que je n'ai pas voulu croire quand on m'a annoncé la nouvelle. Je devais lui présenter mon tout nouveau cocktail pour la qualification au concours national. C'est tout mon monde qui s'effondra d'un coup. Je ne crois pas avoir jamais autant pleuré de ma vie. Il y a quelques années, il avait décidé de se "lancer". Quand il m'avait annoncé la nouvelle je n'ai pas réfléchi une seconde pour lâcher mon boulot pour le suivre dans cette folle aventure. Sa veuve mit le bar en vente et cela me déchirait le coeur de voir l'établissement clos avec ses affiches pour contacter l'agence immobilière en charge du dossier. Sur un coup de tête, j'ai décidé de l'acheter. Cela ne pouvait pas s'arrêter là. Être une Hiddleston a beaucoup facilité mes démarches pour obtenir un prêt à la banque pour réaliser mon projet mais je n'en ai parlé à personne, pas même à Josh. Je ne voulais pas risquer d'être découragée et de voir cette entreprise hasardeuse être tuée dans l'oeuf. De toute manière je ne cherchais l'approbation de personne. Par contre gérer un bar, si je savais m'occuper du service, de la tenue des lieux et des fournisseurs, j'étais en revanche une novice en comptabilité et dans tout ce qui concerne l'aspect administratif de la chose. J'ai donc pris la résolution de faire une formation accélérée par correspondance dans le domaine de l'hôtellerie et de la restauration. Je passe ma vie au bar. J'essaie de m'imposer une routine, cours le matin en attendant les livraisons, gérer la livraison, répétitions pour le concours national, préparation du bar pour la soirée, fin de service. Je me demande pourquoi je me suis lancée là-dedans. La réussite c'était le truc d'Andy, pas le mien. Je crois que je n'y arriverai pas. Et puis je me souviens du nombre de claques derrière la tête que m'a collé Andy, chaque fois que je pensais comme ça. Pour le geste, je me suis mise à me les coller moi-même et puis je repars. Ma consommation de cigarettes est inversement proportionnelle à mon quota d'heure de sommeil. Mais c'est parce que c'est le début, ça ira sans doute mieux après... J'espère...