Sara a dix-sept ans, jeune et jolie, elle virevolte au bras de son cavalier. Il la complimente sur son apparence. Tu es belle, tu es ravissante, viens allons un peu plus loin, dans un endroit plus calme. Sara est amoureuse, elle le suit sans réfléchir, sans jeter un regard en arrière. C'est son anniversaire et il lui a promis le plus beau des cadeaux. Il lui tient la main un peu fort mais elle s'en fiche, elle ne veut pas le perdre dans la foule. Elle court presque maintenant. Ça y est ils y sont. Où ? Oh, Sara ne sait pas trop. Mais c'est un coin qu'elle aime bien. Certes l'air y est un peu frais, mais ça ne la dérange pas plus que ça, car elle est avec lui. Lui. Thomas. Thomas Clarenton. Ils sont ensemble depuis... Depuis combien de temps déjà ? Un an. Oui un an. Ça lui paraît incroyable. Un an et ils n'ont encore jamais rien fait. C'est elle qui le lui a demandé. Et il ne l'a pas poussé à le faire. Non, il s'est montré patient et respectueux, comme peu de jeunes de son âge auraient pu le faire. Elle l'aime ça c'est indiscutable. Elle glousse encore et se frotte contre lui. Elle plonge son regard dans le sien. Un regard bleu azur à en faire crever de jalousie toutes les autres filles du lycée. Mais elle sait qu'il est à elle. Thomas l'aime et elle aussi. Plus que tout. Son cœur bat à tout rompre, sa gorge se serre et sa main à lui se fait de plus en plus insistante. Ses doigts dansent sur sa cuisse pour arriver à l’élastique de sa culotte. Mais Sara n'est pas prête. Sara veut attendre. Thomas lui, a pourtant jugé que l'attente avait assez duré. 

Il grandissait, elle le voyait. 4 ans, 5 ans et enfin 6 ans. Il devenait rapidement un de ces hommes tant détestés. Elle pensait l'aimer comme une maman, mais elle le montrait rarement. Elle ne le voyait qu'à travers le regard d'une femme violé. D'une femme détruite et haineuse. Elle ne le voyait que comme l'enfant du diable. Elle haïssait tout ce qu'il représentait, et ça, en revanche elle le montrait de plus en plus. Le petit manquait l'école fréquemment et réapparaissait parfois avec d'innombrables bleus. Certaines personnes s'inquiétaient pour lui, mais dans un quartier où les problèmes étaient quotidiens personne ne s'en souciaient vraiment.
Il était 18 heures, Sarah appela Oscar, c'était l'heure du bain. Une éclaboussure sur son chemisier l'a mis dans un état de colère immense. Il continuait cependant. Éclaboussait encore et encore. Il tapait sur l'eau faisant gicler une à une les gouttes sur le sol, le miroir et son chemisier. Sara n'en pouvait plus. Ce gosse était insupportable. Un vrai petit démon, si ce n'est le diable en personne. Il ne cessait de crier, de brayer, de pleurer. C'était invivable un gamin comme ça. Il lui tapait sur le système. Elle voulait le faire taire, alors elle criait plus fort que lui, s'égosillant à plein poumon sans pour autant obtenir le moindre résultat. Elle le giflait. Il pleurait. Elle le secouait. Il gémissait. Elle n'en pouvait plus. Sara lui attrapa la tête et la lui cogna contre le coin de la baignoire. L'enfant poussa un petit cri et s'évanouit. La pièce était enfin calme.

A force de travail, elle en était devenue aigrie. Elle détestait cette ville autant qu'elle haïssait les hommes, c'est pour dire. Ses caisses étaient constamment vides et l'accumulation de trois boulots n'y changeait rien. Elle décida donc sur un coup de tête de changer de vie. Elle se tapa un dernier client, lui fit les poches et pris le premier train en direction de Marple Spring. Son fils était avec elle, silencieux comme à son habitude. Le voyage fut long mais les deux New-Yorkais arrivèrent enfin. L'endroit était calme et paisible, rien à voir avec la furie du Bronx. Les gens leur souriaient et offraient même des friandises au gamin. Sara était ravie, même si la ville était toute aussi remplie d'individus de sexe masculin. Tant pis, elle ferait avec, elle les ignorait, tenant son homme à elle par la main. Il avait maintenant treize ans et tout d'un mâle à son plus grand désespoir. Elle lui acheta une glace et paya une chambre d’hôtel avec l'argent restant. La nuit elle se fit deux-trois sous et la machine était de nouveau en route.


C'était un solitaire qui aimait les femmes autant qu'il les détestaient. La mort de sa mère l'avait transformé. L'avait détruit. Elle représentait tout pour lui, et bien plus encore. Il lui vouait une admiration sans failles et un amour sans mesure. Méfiant de tous, ne faisant confiance à personne, il voyait les monstres partout. Il n'avait pas de vrais amis. Dans sa vision confuse des choses, tout puait la corruption. De taille moyenne, desservi par un corps sec et d'un regard bleu azur, Oscar donnait l'apparence d'un homme sûr de lui et à l'aise en société. Son regard dégageait une force incroyable et son sourire une certaine chaleur. Très souvent, il n'en fallait pas plus pour qu'il obtienne des femmes ce qu'il désirait. Snowfield les détestait toutes. L'une ne valait pas mieux que l'autre. Il savait combien elles avaient pu coûter à son père. La prison à vie, puis finalement la mort après quelques années de réclusion. Elles étaient toutes des traînées, abusant du sexe pour assouvir leurs besoins malsains. Elles profitaient des hommes et de leur argent. Mais lui savait. Il savait à quel point elles étaient mauvaises.

Le contrôle. Voilà par quoi sa vie est rythmée. Avoir le pouvoir sur les autres, les contrôler est sans doute la chose qui lui importe le plus. Oscar les choisi souvent plus jeunes, ou assez faibles et émotives. Il veut les reconstruire, les sentir en confiance, sentir qu'il contrôle les choses, que tout se passe suivant son plan. Lorsqu'elles commencent à se défendre, ou opposer une certaine résistance, le brun est du genre à ne pas faire dans le demi mesure. Vous comprenez, le pouvoir est la clé, et ne plus l'avoir est un échec des plus profonds. C'est ce qui s'est passé avec la jolie et douce Poésie. La pauvre. Oh elle était si jeune à l'époque. Mais ne faisons pas de ce cas une généralité, la plupart du temps les choses se passent sans encombre.