- Nous sommes le samedi quinze février mille neuf cent quatre-vingt-douze et il est sept heure, treize minutes et six secondes... sept... huit... neuf... Le temps passe vite. Nous nous trouvons dans une chambre d’hôpital dans la ville de Des Moines, dans l'Iowa. Des Moines c'est la capitale de l'Iowa. C'est sympathique là bas... Bref ! Ne nous égarons pas trop ! Nous sommes donc dans cette chambre d’hôpital et il est maintenant sept heure, quatorze minutes et vingt-cinq secondes précisément. Et toi t'es là... T'es là et tu cris ! Mais c'est bien, cris, ne t'arrêtes pas ! Remplis tes petits poumons d'airs, tu en as bien besoin. Tu devrais te voir, t'es toute petite, toute rose, toute sale, toute joufflue, toute moche mais toute mignonne quand même... La sage femme t'emmène, elle va te laver je crois... Oui c'est ça. Tu seras toujours moche mais moins sale ! Mais moche quand même... Tu ressembles à un pruneau tellement t'es fripée !- MAMAAAAAN ! Tobias m'embête ! Je peux le taper ?Voilà, ça c'est nos disputes quotidienne avec mon grand frère. Enfin c'était... Là il était en train de décrire ma naissance... Comme si je trouvais pas ça assez dégueulasse de me dire que j'étais sortie du.... de la où j'étais sortie quoi !
Dans ma famille on est trois enfants, Tobias est le premier, il a huit ans de plus que moi. Lillith c'est la plus petite, elle est née quand j'avais cinq ans. Et moi je suis entre les deux. Je m'appelle Judith Charly Addison Zimmerman et j'ai vingt-trois ans. Aujourd'hui je viens vous parler, pas que j'en ai réellement envie mais j'en ai besoin. Et vous en avez besoin vous aussi pour comprendre qui je suis et pourquoi je suis là.
Commençons par le commencement voulez vous. Comme l'a si bien Tobias à l'instant, je suis née le quinze février mille neuf cent quatre-vingt-douze dans la capitale de l'Iowa qui se trouve être Des Moines. Je ne vais pas m'éterniser là dessus parce que l'autre débile a déjà tout dit.
Petite anecdote sur mes prénoms : Judith est le nom de mon arrière grand-mère, Charly celui de ma grand-mère maternelle et Addison est celui de ma grand-mère paternelle... C'est un peu glauque quand on y pense en fait... Mais j'aime bien quand même !
Cinq ans après ma naissance, ce fût le tour de mademoiselle Lillith Amber Jodie Zimmerman, autrement dit : ma petite sœur, de voir le jour et de se remplir les poumons d'air pollué. C'est peut être débile mais ma sœur c'est ma vie. Je l'aime plus que tout au monde, bien qu'elle soit encore plus chiante que moi ! Si si je vous jure que c'est possible... On dira pas quand on la vois, elle a une bouille d'ange. C'est ça qui est énervant chez elle ! Moi j'ai tellement une tête à faire des conneries que quand c'est elle qui en fait c'est moi qu'on engueule ! Mais je fais jamais de bêtise moi... Je suis toujours sage, si on ne prend pas en compte le fait que je me sois battue; j'ai envoyé la nana à l'hopital; que j'ai volé un rouge à lèvres et un mascara, que je participais à des manifs souvent violentes etc... Autant dire que j'ai déjà un petit casier judiciaire pu trop vierge là... Pour ma défense, la nana que j'ai cogné était une vraie connasse; y a pas d'autres mots pour la décrire; avec Lillith.
"Tu la touches je montre les dents" C'est ce que je lui ai dit. Elle a pas voulu me croire alors j'ai sorti les dents... Et les poings aussi... Après tout ces petits délits (j'avais dix-sept ans à l'époque), on m'a envoyé en maison de redressement pendant un an. J'ai pas le sentiment que ça m'a beaucoup changé mais bon. En tout cas en rentrant chez moi après cette année d'absence rien n'était plus pareil. J'avais l'impression d'être un monstre aux yeux de mon père et de ma mère. Surtout de mon père en fait. Avec lui c'était tendu comme un string. Il me détestait je crois.. Bah tant pis pour lui j'ai envie de dire ! Je vais pas ramper à ses pieds pour qu'il me pardonne hein... Tobias lui il se moquait de moi en permanence mais rien de bien méchant.
D'ailleurs la relation que j'avais avec mon frère était étrange. On se disputait tout le temps et pourtant il ne m'a jamais laissé tomber. Quand il a commencé ses études de droits il m'a dit avec un sourire moqueur :
"Comme ça je pourrait te défendre pour tes prochaines conneries". Au début je l'ai mal pris puis après j'ai réfléchit et je me suis dit qu'en fait il voulait juste m'aider.
Le douze septembre deux mille treize je suis rentrée chez moi comme tous les autres jours depuis que j'étais à la FAC. Sauf que ce jour il était pas comme les autres. J'étais passé prendre ma sœur à l'école. Nous sommes rentrées et comme à notre habitude nous sommes montées voir notre père (notre relation allait déjà mieux). Je suis entrée en première. Ce que j'ai vu m'a terrifié. Je ne pouvais plus bouger, j'étais pétrifiée, comme paralysée. La chose qui m'a fait revenir à moi c'est le cri strident de ma petite sœur qui était en larmes agenouillée auprès de corps sanglant de mon père. Je l'ai tiré pour la sortir de la pièce. J'ai allongée ma sœur qui était en pleine crise d'angoisse après avoir appelé les autorités.
"Shhh respire... Compte avec moi...". C'était une des techniques pour la calmer, la faire compter...
"1...2...3...4...5...6...7..." Je l'écoutais en caressant ses cheveux, perdue dans mes pensées. Je revoyais encore l'image de mon père, la cervelle explosée et du sang partout dans la bureau. Pourquoi lui ? Qu'est qu'il avait fait ? Je me suis mise à pleurer en serrant Lillith contre moi. Quelque chose l'a tirée hors de mes bras et j'ai hurlé. Quoi ? Elle aussi on allait me la prendre ?
J'ai rouvert les yeux un peu plus tard dans un hôpital... encore un hôpital... Crise d'angoisse mélangée à l'asthme qui disait le médecin. Il me fallait sois disant du repos. Renafout' du repos ! J'ai arraché mes perfs, je me suis rhabillée et j'ai réveillé mon frère qui était censé me surveiller mais qui c'était assoupi dans un des fauteuils.
"Bouge toi on s'casse". J'crois qu'il n'a pas tout compris mais il m'a ramené à la... maison ? Heu je sais pas où on était mais c'était pas chez moi... Ma mère m'a expliqué qu'elle ne pouvait plus vivre dans la maison familiale après le meurtre de mon père. J'ai rien demandé de plus, c'était une excuse tout à fait probable et compréhensible.
Nous voila donc un an et demi plus tard. C'est la quatrième fois que nous déménageons. Nous sommes arrivés à Marple Spring il y a sept mois. J'ai racheté avec l'aide de ma mère une petite boutique de la ville. On l'a transformé en salon de thé/librairie. On trouve que le principe est sympa. Les gens viennent se détendre un peu autour d'un livre, d'un bon thé, chocolat ou café et de délicieuse pâtisserie made in Lillith. Oui ma petite sœur travaille avec moi. En fait, elle elle s'occupe de tout ce qui se mange et se boit et moi je m'occupe de toute ce qui se lit. Ma mère finance. Et mon frère est devenu avocat, au cas où je ferait encore des bêtises... Nous avons appelés notre petite librairie le "Mille Feuilles" pour plusieurs raisons. La première c'est que c'était la pâtisserie préféré de notre père. Et la deuxième c'est que justement, ce nom évoque ET les livres que l'on vend ou que l'on met à l’emprunt ET les sucreries que l'on sert... Au plaisir de vous y voir bientôt !
- Judith Charly Addison Zimmerman -