Vu la couleur de mes cheveux on pourrait croire que je suis né en Écosse ou encore en Irlande. Et pourtant il n’en est rien puisque je suis venu au monde en Russie, à Moscou pour être plus précis. Et oui je n’en ai absolument pas l’air et pourtant je suis bien Russe voyez-vous. D’ailleurs on m’a souvent raillé à l’école alors que j’étais haut comme trois pommes. Tout ça parce que voir un roux dans ce pays est hyper rare. Alors les surnoms du genre de poils de carotte sont vite arrivés. Si ça n’était que ça, ça aurait encore pu aller. Sauf que voilà c’est bien connu, les gamins sont cruels entre eux et bon nombre de fois j’ai entendu les autres me dire que j’avais été adopté, que c’était la seule explication possible. Ces paroles me touchaient énormément, me blessaient un peu plus chaque jour. Jusqu’à ce qu’un jour en rentrant de l’école je sois allé trouver ma mère. Je m’étais mis devant elle, j’arrivais à peine à la hauteur de ses genoux. J’ai levé la tête pour la regarder droit dans les yeux, j’avais les larmes qui étaient sur le point de couler et très sérieusement je lui ai demandé. « Maman, c’est vrai ce que disent les autres à l’école ? » Elle s’est baissée pour se mettre à ma hauteur, m’a regardé droit dans les yeux en me demandant. « De quoi tu me parles mon ange ? » Les larmes sortant finalement je lui avais dit avec des sanglots dans la voix. « Je suis adopté ? » Ma mère choquée me serra contre elle, me souleva et me porta contre elle, tout en me berçant. « Bien sûr que non mon bébé, tu n’as pas été adopté. Ton frère et toi êtes bien les enfants de papa et maman. Ne les écoutes pas mon cœur, tu es bien un Goussarov quoi qu’en disent les autres. » J’avais reniflé et avais posé ma tête contre son cou. « Pourtant ils disent que je suis forcément adopté vu que j’ai les cheveux oranges. » Oui à cet âge-là les autres enfants et même moi ne savions pas qu’on appelait ça le roux lorsqu’on parlait d’une couleur de cheveux. Ma mère caressa mes cheveux. « Ça arrive mon ange que des enfants aient des différences avec leurs parents. On ne sait pas dire pourquoi mais ne t’inquiètes plus. Moi je te le dis tu n’as pas été adopté. N’en doute plus jamais. » Sur ces mots, j’ai hoché positivement de la tête et ma maman m’a embrassé sur la joue, après avoir essuyé mes larmes.

Arrivé vers l’âge de huit ans j’ai commencé à ressentir des choses étranges envers un autre garçon prénommé Dmitrii. Celui-ci était nouveau en ville et également nouveau dans mon école. Il avait mon âge et était devenu mon voisin puisque la maîtresse l’avait placé juste à côté de moi. Au fil des jours, des semaines il est devenu un bon ami à moi. Lorsque je ne le voyais pas j’étais malheureux comme tout. Quand il n’était pas là il me manquait. Bref je ne jurais que par lui. Pendant très longtemps (plusieurs années) j’ai cru que je ne ressentais que de l’amitié pour lui mais je m’étais trompé. Tout simplement parce que quand il a commencé à fréquenter les filles j’étais de plus en plus mal, j’étais jaloux. Oui j’aurais aimé être à leur place, être dans ses bras et l’embrasser. Tout ceci je m’en suis rendu compte alors qu’on était âgé de 11 ans. Ça a été le moment des grosses remises en question. Surtout que je connaissais clairement le point de vue de mon père sur les hommes qui aiment ceux du même sexe. Alors tant bien que mal à la maison j’essayais de le cacher, ne voulant pas décevoir mon paternel, ayant même peur de sa réaction. Malgré qu’on se battait souvent avec mon frère, je ne savais pas vers qui d’autre me tourner alors je suis allé le voir pour lui expliquer ce qui m’arrivait. J’étais rentré dans sa chambre sans même prendre la peine de frapper, complètement paniqué. J’avais couru pour rentrer de l’école. Essoufflé j’étais arrivé devant lui. Il râlait parce que je n’avais pas toqué mais ça m’était complètement égal. « Mad, je, je crois que je craque pour mon ami Dmitrii. » Avais-je dit tant bien que mal à bout de souffle et affolé par tout ce qui me passait par la tête. Suite à cette phrase s’en était suivie une longue conversation. Tout simplement parce qu’au départ je pensais qu’il serait fou de rage, dans le même trip que notre père mais en fait je m’étais trompé sur toute la ligne. À la maison je faisais profil bas et évitais soigneusement de montrer mes préférences à nos parents.

Un jour alors que j’étais invité à dormir chez mon meilleur ami Dmitrii, ce dernier avait mis la télévision dans sa chambre. Il était déjà tard mais nous n’avions pas envie de dormir ni l’un ni l’autre. Alors il a décidé de zapper jusqu’à ce qu’il tombe sur un film porno lesbien. Je ne peux pas vous dire tout ce qui m’est passé par la tête cette nuit-là. J’ai juste trouvé ces deux filles complètement dégueulasses, affreuses. Mon ami lui semblait appréciait vu les commentaires qu’il me faisait. Moi j’avais juste envie de vomir. D’une part parce qu’on avait à peine 11 ans et demi. D’une autre part parce que clairement non ça ne m’excitait pas le moins du monde. Mon ami avait dû remarquer mon silence puisqu’il se tourna vers moi. « Hey Mat’ ça va ? » Mal à l’aise, grimaçant, ayant du mal à cacher mes émotions j’avais répondu. « Ouais tout va bien… » Dmitrii avait tiqué. « Me sors pas de mytho, t’as vu la tronche que tu tires ? » J’avais tourné le regard vers lui. « Ouais ben quoi ? » Il désigna la télévision du doigt. « Ça te plait pas le film ? » « Si si ! » Avais-je répliqué aussitôt. Il se marra un bon coup en me disant. « Oh arrêtes Mat’ je vois bien qu’il y a un truc qui cloche. Elles t’excitent pas les deux bombasses là avec leurs gros nichons ? » Complètement blasé j’avais fini par avouer. « Non pas le moins du monde ! » Il semblait surpris et me fixa de ses grands yeux. « T’es sérieux ? Ça te fait rien du tout ? » J’avais haussé les épaules en répondant. « Que dalle mec ! » « Ben merde alors ! » S’était-il contenté de répondre. J’avais roulé des yeux, comprenant qu’évidemment lui il était excité devant ce film. N’en pouvant plus et étant clairement dégoûté je m’étais levé du lit et avais commencé à partir jusqu’à ce qu’il me rattrape dans le couloir. « Mat ! Mat tu vas où ? » Il m’avait rattrapé et m’avait obligé à lui faire face. Sans trop savoir pourquoi j’avais baissé le regard jusqu’à voir son caleçon, où je remarquais une bosse, signe que ce con avait été vraiment excité par ce film. J’avais soupiré en relevant le regard vers lui. « Je rentre chez moi ! » Il ne comprenait pas, ça se voyait clairement. « Mais pourquoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? » J’avais fermé les yeux un instant le repoussant. « J’ai pas envie de te voir bander devant des gonzesses ! » « Mais qu’est-ce qui t’arrive Mat ? » *Il est con ou quoi ?* Avais-je pensé. « Putain t’as pas encore compris que je kiffe les mecs ? » Il était abasourdi, moi j’avais roulé des yeux et avais commencé à tourner les talons. Une fois de plus il m’avait retenu. « Et alors ? Ça change quoi ? » Je m’étais retourné en lui disant. « Tu le fais exprès ou quoi ? » « Exprès de quoi ? » « De pas comprendre bordel ! » « Comprendre quoi ? » Énervé et n’en pouvant plus de tourner autour du pot vu qu’il était idiot pour le coup, je m’étais rapproché de lui et avais posé mes lèvres sur les siennes. Je n’avais pas eu le temps de faire quoi que ce soit de plus qu’il avait reculé. « Mat ! » Toujours énervé j’avais répondu. « C’est bon t’as compris maintenant que je suis en kif sur toi ? » Il n’avait rien répondu mais j’avais compris dans son regard ce qu’il ne disait pas… Alors cette fois j’étais parti de chez lui et il ne m’avait pas retenu. Depuis ce jour un énorme fossé s’était creusé entre nous. Mon moral en avait pris un coup mais mon frère avait été là pour moi, pour m’épauler et m’aider à assumer mon homosexualité. Même si Dmitrii m’avait cruellement repoussé je n’avais jamais eu honte d’être attiré par les garçons.

Refroidi par cette expérience avec mon meilleur ami, je n’avais pas eu envie de tenter quoi que ce soit avec un autre type, me contentant de mater des films de cul. Je ne savais pas si c’était normal pour un gamin de mon âge mais je m’en foutais. Après tout Dmitrii le faisait lui aussi puisqu’il m’en avait montré un. La seule différence était que moi, je matais des hommes. Et il n’y avait clairement plus aucun doute pour moi au sujet de ma sexualité. Oui j’étais homo et rien d’autre. Sauf que pas malin pour deux sous à cet âge-là je n’avais pas pensé à vider mon historique de navigation sur l’ordinateur de ma chambre. Et malheureusement pour moi, mon père avait fouillé dans mon pc mais également dans celui de Maddox. Inutile de vous dire comment ça s’est passé pour nous. On s’est fait incendier au plus haut point, se faisant traiter de tous les noms par notre paternel. Il était fou de rage après nous. Notre mère heureusement était plus ouverte d’esprit que lui et a pris notre défense. Pourtant vu notre âge, surtout le mien, elle aurait pu hurler rien que pour le fait qu’on matait ce genre de trucs sur internet. Mais non pourtant elle ne l’a pas fait. Probablement qu’elle voulait surtout calmer notre père et ne pas rajouter de l’huile sur le feu. Suite à cet évènement je me suis fait encore plus petit que d’ordinaire à la maison, ne souhaitant pas m’attirer une nouvelle fois les foudres de mon père. Je m’étais senti très mal, je l’avais déçu au plus haut point, lui que j’admirais par le passé. Il avait honte de moi et ça me tuait… Ma mère elle aussi n’allait pas bien, il suffisait que je la regarde pour le comprendre. Je m’en voulais d’avoir brisé notre famille, les espérances de mon père. D’autant plus que ma mère souffrait à cause de moi. Elle se disputait souvent avec notre père à cause de mon frère et moi. Plus les jours passaient et plus je sombrais dans la tristesse et le mal-être. Je n’arrivais clairement pas à remonter la pente. Je me sentais trop coupable pour aller mieux. Coupable d’être homosexuel alors que je n’avais rien fait de mal. Mais voilà dans quel état avait réussi à me mettre mon père.

Quelques mois plus tard alors que je venais de fêter mes douze ans, ma mère mon frère et moi avons quitté Moscou et même la Russie, laissant mon père derrière nous. De toute façon ce dernier ne pouvait plus nous voir en peinture et puis ce n’était pas plus mal qu’on recommence notre vie ailleurs. Loin d’ici, en Amérique dans une ville du nom de Marple Spring. Là-bas la vie est vite devenue plus simple pour moi. Au moins je n’étais plus jugé sur le fait que j’étais un Russe roux. Non ici je passais quasiment inaperçu dans le paysage et ça me convenait tout à fait puisqu’on ne me faisait plus chier. En gros les States c’était la belle vie.

L’année de mes 14 ans j’ai connu ma première relation. En fait lors d’une soirée j’ai rencontré un type plus vieux que moi, il avait à peu près l’âge de mon frère. Il m’avait clairement tapé dans l’œil ce soir-là et ce que je n’osais imaginer est arrivé. Il est venu me voir, on a beaucoup discuté tout en buvant ensemble. C’était la première fois pour moi que je buvais de l’alcool mais ça je ne lui avais pas dit. Sauf qu’il avait dû s’en rendre compte au fil de la soirée vu que je m’étais retrouvé complètement bourré. Si je n’ai pas tous les souvenirs de cette soirée, je me rappelle puisqu’il m’en a parlé par la suite. Ce soir-là il a été un véritable gentleman puisqu’il m’a raccompagné jusque chez moi, sans rien tenter. Ce n’est que quelques jours plus tard qu’on s’est revu et que nous sommes sortis ensemble. Avec lui j’étais heureux, je me sentais vraiment épanoui. Il avait été mon premier vrai baiser, mon premier petit-ami, celui qui m’avait dépucelé. Notre relation n’a pas duré très longtemps mais elle a été intense pour moi. Il m’a quitté pour une femme, à croire que tous les mecs que je peux kiffer préfèrent les femmes. Là j’ai de nouveau sombré dans la dépression. Mais plus intensément que celle que j’avais connue à cause de mon père. En effet là j’en étais arrivé au stade de ne plus me nourrir, inquiétant ma mère et probablement mon frère par la même occasion vu qu’il me montrait qu’il était là pour moi et me soutenait. Je n’avais plus trop envie de sortir, ou alors si je le faisais c’était pour aller en soirée, picoler jusqu’à oublier ma peine. Le plus clair de mon temps, en dehors du lycée, je le passais sur mon ordinateur à jouer, regarder des vidéos ou encore à discuter avec d’autres jeunes de mon âge.  La plupart se sentant mal comme moi. Il paraît que l’adolescence est une période charnière pour beaucoup de jeunes, il faut croire que c’est vrai…

En presque trois ans j’ai réussi à tirer un gros trait sur mon premier petit-ami. En même temps au fil des années je me suis rendu compte que ce n’était qu’un putain de beau parleur, un manipulateur qui se jouait des gens pour les mettre dans son pieu. En gros je n’avais été qu’une proie pour lui et j’étais venu allonger la liste des personnes qui ornaient son tableau de chasse, pitoyable ce mec ! J’espère bien ne jamais retomber sur un connard pareil parce que jouer de moi ou de mes sentiments ça va une fois mais sûrement pas deux ! Actuellement je suis célibataire et ça me convient. Je n’ai pas envie de me précipiter si c’est pour connaître une nouvelle mésaventure. À côté de ça, je ne sais pas où ça va me mener mais depuis trois ans je discute beaucoup sur un forum avec un garçon de mon âge. On s’entend hyper bien même si on ne s’est encore jamais rencontré IRL. Je ne sais même pas à quoi il ressemble en fait. Tout ce que je sais c’est qu’il habite lui aussi à Marple Spring. Affaire à suivre…