Petit Camille a dix ans. Son père est sur les nerfs. Sa journée n'a pas été facile il parait... Comme à peu près toutes ces journées depuis pas mal de temps d'ailleurs. ça ne va pas. Maman n'a pas préparé le dîner, elle n'a même pas fait le ménage. C'est dégueulasse qu'il lui dit. T'es même pas capable de tenir une maison, p'tain d'incapable. Et voilà qu'il crie à n'en plus pouvoir. Il s'égosille le padre, et sa mère, elle s'affaire. Et elle se prend un premier coup, puis un second, sous les yeux du p'tit qui ne peut pas bouger. Il la frappe, l'insulte sous les yeux du gamin terrorisé. « Il va s'ramener et y'a rien de près, tu te fous de ma gueule Marie ? » Elle voudrait lui répondre, mais il ne lui en laisse pas le temps. Il cogne dans les reins et le bas du ventre, parties du corps facilement atteignable et faciles à masquer.

Puis il finit par se calmer. Il va se poser sur le canapé, bières à la main. Marie, mains sur son bas-ventre s'approche en clopinant de la cuisine et se met au travail.

On toque à la porte. « Camille va ouvrir » Le père se change, la mère aussi, faudrait pas qu'un pote, mais surtout un flic se rende compte des malentendus familiaux. « J'arrive ! » s'écria le petit avant de ranger les deux-trois bières qui traînaient encore. Une fois rangé, le gamin s'avança vers l'entrée, attrapa les clés et ouvrit. « Bonjour » dit-il timidement. « Je vous en prie, entrez, papa arrive. » Il laissa l'homme entrer, referma à double tour par habitude, et lui proposa de s'asseoir sur le canapé en attendant son père. Il s'assit en face de lui, sur un petit fauteuil en cuir. Cet homme n'avait vraiment pas l'air d'un policier, ou du moins il n'avait pas l'allure des policiers des livres que le petit pouvait lire. Dans ses livres, ils étaient gras et moustachus, dans la pure tradition du mauvais flic américain. Vous voyez l'genre? Mais lui il était pas comme ça. Il était plutôt fin et du genre athlétique. Puis en plus il semblait gentil.

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Elle le regarde avec un petit sourire accueillant et le salut gentiment, comme à chaque fois, elle fait comme si de rien n'était. Comme si, rien ne c'était jamais passé. Elle a l'habitude, c'est toujours comme ça quand quelqu'un vient à la maison. Le stress. Les coups. L'invité. Aujourd'hui voilà qu'c'est un flic. Bizarrement ça ne la rassure pas plus que ça. Au contraire même. Et s'il comprenait ? S'il voyait les marques sur son cou ? À cette idée, elle attend qu'il ait le dos tourné et remonte légèrement son col, masquant ainsi les quelques traces qui y sont encore visibles. Elle le regarde s'approcher de son fils et s'asseoir en face de lui. Elle l'aime son gamin. Si fort.
Si fort.

Le petit garçon suivit l'homme du regard, le regarda saluer sa mère, priant pour qu'il ne remarque pas les petites marques rouges sur son cou. Visiblement il ne le fit pas, ou du moins n'en dit rien. Il semblait gentil, et bienveillant, même s'il n'était pas encore certain de la signification exacte de ce mot, il aimait l'attribuer à cet homme du nom de Timothy. Tim comme il pouvait l'appeler. Il l'écoutait attentivement, acquiesçant d'un mouvement de la tête à ses quelques mots. Camille oui c'est ça. Camille. Un bon garçon ? Vraiment ? Il le remercia timidement, un peu honteux de ne pas connaitre grand-chose de lui. « Vous êtes policier » dit-il doucement. C'est tout ce qu'il savait. Tout ce que son père lui avait dit.

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Le regard de l'homme se détourna du jeune garçon pour se fixer quelques secondes sur sa mère. Il espérait qu'il n'ait rien remarqué, ou du moins qu'il se taise s'il l'avait fait, au risque que les choses soient bien pires après son départ. Très impressionné par l'homme, mais bizarrement apaisé par sa présence, Camille osa reprendre la parole, et ainsi reporter l'attention sur lui. Il avait des tas de questions à lui poser, mais c'est bien la plus importante qui sortit de sa bouche à toute vitesse. « Vous avez déjà sauvé des gens alors? » se risqua-t-il à voix basse. Bien sûr qu'il savait que c'était son métier, aidé les gens, mais le jeune garçon voulait être sûr. Certain de s'adresser à la bonne personne. Un type de confiance, tu vois. J'suis sûre que tu comprends. Camille n'avait que dix ans, mais il portait déjà un regard critique sur sa situation familiale, qui était loin de ressembler à celle de ses camarades de classe. Eux qui faisaient des sorties le week-end, qui jouaient avec leur papa au football ou a tout autre jeu. Camille n'aimait pas le foot, il n'aimait pas vraiment le sport à vrai dire. Lui, ce qu'il aimait c'était écrire, s'inventer un petit monde avec des personnages haut en couleur. C'est d'ailleurs ce qu'il voulait faire de sa vie, écrivain. « J'aimerais écrire des livres » répondit-il avec un petit sourire. « Écrire des livres ? » gronda-t-on dans les escaliers. El padre entra dans la pièce, d'un pas franc et assuré. On aurait presque pas remarqué qu'il en tenait une bonne couche. « C'pour les tapettes ça mon garçon. » balança-t-il en allant saluer Tim. Son ton n'était pas agressif, plutôt rieur, comme s'il venait de dire une bonne petite blague digne de ce nom. « Comment va ? » lui demanda-t-il en lui serrant la main, puis s'asseyant à côté de son gamin.

Camille s'enfonça dans le canapé, ravala son sourire, laissant place à une mine déconfite et apeurée. Il savait qu'il ne devait pas agir ainsi pour ne pas éveiller les soupçons, mais il était incapable de faire quoi que ce soient d'autres. Il avala difficilement sa salive, et resta silencieux, caché derrière son père. Sa mère arriva à son tour, déposant un plateau pour l'apéritif sur la table basse. Ils échangèrent un petit regard, sa mère lui sourit, lui faisant comprendre que son attitude n'était visiblement pas la bonne. Camille compris et s'avança de nouveau, un faux sourire gravé sur ses lèvres. Reprenant une légère contenance il s'avança un peu plus, attrapa une bouteille et commença à servir son père, qui lui attrapa la main un peu fortement « Les invités d'abord Camille » Il le savait pourtant, mais les vieilles habitudes avaient la vie dure. Il regarda son père, puis posa son regard sur l'officier toujours en face de lui, d'un air le plus neutre possible « Pardon, qu'est-ce que je vous sers ? »