J'écoutai attentivement le récit somme toute très succinct de la vie de Lilly-Rose. Comme présumé, une vie banale, tout ce qu'il y avait de plus normal. Son léger boitillement lorsqu'elle se déplaçait, pas si évident à déceler trouva une explication par une chute dans la pratique de la gymnastique. Lorsque la belle brune se mit à l'évoquer, mes yeux descendirent légèrement sur son corps une nouvelle fois et je devais bien le dire, elle avait une silhouette assez mince, certainement le vestige d'un corps beaucoup plus affûté par le passé. Cela n'enleva rien à son charme même si elle boitillait, ça lui donnait toutefois un côté qui me fit un peu de peine. Si seulement elle avait été bien soignée, peut-être serait-elle toujours en train de pratiquer. La pratique d'un sport était toujours bénéfique pour un corps et un esprit, peut-être que si elle se remettait à faire une activité même quelque chose de simple comme de la marche ou un footing adapté, ça lui redonnerait la pêche ? Je me promis de lui en reparler une prochaine fois ou ici, pour une autre occasion.

Je notai de plus, qu'elle évoqua une vie commune avec un homme durant une décennie. Cela ne manqua pas de m'étonner légèrement, dix ans avec la même personne... Il y avait de quoi avoir le tournis, je n'arrivai à concevoir qu'on puisse passer autant de temps avec quelqu'un. Cependant, la légèreté et la désinvolture avec laquelle elle en parlait m'interpella. Ces dix ans de vie commune avaient dû se terminer avec pertes et fracas et ne pas lui laisser que de bons souvenirs. Je me demandai qui était cet homme et ce qu'il avait pu devenir après la rupture. Une décennie dans une vie, ce n'était pas rien, c'était le laps de temps que j'avais donné pour servir sous les drapeaux. C'était dommage pour elle. Malgré tout, elle me restait attachante et rassurante. Par ailleurs, je n'avais même pas senti sur le coup, la main de la brunette se glisser dans la mienne. Je baissai le regard pour regarder sa main alors qu'elle rit et instinctivement, je vins contre elle. Dans un accès d'affection, je posai ma tête sur son épaule, mes lèvres frôlant son vêtement et je serrai sa main doucement dans la mienne, contente d'avoir une présence ici.

Non du tout, ça ne l'est pas, c'est un parcours bien plus normal que le mien et ça me rassure. Tout comme toi. Je te remercie d'être là, Lilly-Rose, ça me fait du bien et ça me rassure aussi...

Je fermai les yeux un instant en frottant doucement ma joue contre son épaule avant de relever le regard vers elle pour capter le sien et vite me plonger dedans.

J'ai confiance en moi, Lilly-Rose. Je suis capable de faire parler un suspect, de mettre sous les verrous une raclure qui échappe à la police, d'atteindre une cible mouvante à cents mètres avec un fusil d'assaut ou d'arrêter un terroriste qui menace un otage. Je sais obtenir ce que je veux et je sais ce dont je suis capable. Je m'étonne même moi-même de ce que j'ai été capable de faire lorsque je devais déloger des talibans d'une cahutte dans les montagnes afghanes ou de faire sauter une planque de terroristes à Nadjaf. Mais on est pas parfaite donc non draguer je sais pas faire, c'est... une chose où j'ai du mal, il me faut de l'aide si je veux mettre une femme dans mon lit ou lui demander de se lier à moi. Je connais mes capacités mais aussi mes limites et je préfère savoir où elles sont plutôt que de me surestimer. Dans l'armée ou même la police, se surestimer équivaut à avoir toutes les chances de se faire tuer ou humilier, c'est aussi une philosophie que j'ai dans ma vie. En travaillant également pour les repousser.

Je me détachai de Lilly-Rose et je lui lâchai la main en effleurant sa peau avant de reprendre ma boîte de nourriture et de la finir, l'appel du ventre était encore le plus fort. Pendant qu'elle me répondit, j'avalai donc les derniers grains de riz qui marinaient dans le bouillon au curry puis je reposai la boite enfin vide de sa nourriture. Une nouvelle rasade de bière se chargea de faire passer ce que je venais de bouffer et j'eus un regard pour ma chambre, non loin de là. Je me mis en tête d'aller lui chercher quelque chose dans ma chambre mais j'attendis d'abord qu'elle eut fini de me parler. Par politesse, je réprimai un rot qui passa incognito.

Ah, Lilly-Rose voulait déjà partir... C'était dommage, j'avais espéré que la soirée se prolonge un peu et ne se termine pas aussi rapidement à mon goût. Mon regard vers ma chambre avait été évocateur, non pas pour planifier de comment j'allais mettre la belle brune dans mon lit mais parmi les quelques photos qui trônaient sur mon bureau dans ma chambre, je pensais lui montrer une photo de mon unité prise en Irak quelques semaines avant que Jimmy ne se fasse tuer. Elle aurait pu voir le visage de ce jeune soldat encore au début de sa carrière militaire et j'aurais pu lui montrer les hommes avec qui j'avais servi durant de longs mois dans le désert du Moyen-Orient. Apparemment, mon manque d'expérience en relations personnelles et amoureuses faisait rire ma jolie invitée, c'était mieux que de subir des moqueries de sa part. J'aurais de toute façon perçue la moindre raillerie dans sa voix, elle l'aurait sentie passer et je l'aurais sûrement mise dehors. Mais je ne pensais pas qu'il était dans la personnalité de Lilly-Rose de plaisanter de cette manière. Moi au contraire, j'étais capable de me répandre en moqueries et quolibets mais seulement si je connaissais vraiment bien la personne et si j'étais sûre qu'elle ne le prendrait pas mal voire, qu'elle comprendrait que c'est du second degré. Pour Lilly-Rose, je ne la connaissais pas encore si bien que ça donc ce genre de dérision n'était pas le bienvenue. Qu'importe, j'espérai pouvoir connaître mieux cette séduisante jeune femme, peut-être même qu'il pouvait y avoir des personnes intéressantes parmi ces colocataires. Pour le coup, je me demandais bien qui elle pouvait avoir dans son entourage proche qu'était celui de son logement. Je verrai.

Je ne te retiens pas alors si tu veux partir. J'espérai que tu restes plus longtemps mais comme tu le sens. Eh viens là...

L'on échangea une nouvelle fois une étreinte avant que je ne sorte le dessert du dernier paquet dans le sac et j'accompagnai Lilly-Rose jusqu'à ma porte. Alors qu'elle partit, je lui fis un baiser que je lui envoyai ensuite dans un souffle avant de lui faire un clin d'œil. Je rougis de mon geste avant de sourire un peu bêtement.

Rentre bien, Lilly-Rose.

HRP: