J’étais arrivée en ville depuis trois semaines. Trois petites semaines durant lesquelles j’avais appris à vivre dans une ville nouvelle, dans un pays que je ne connaissais pas, car c’était la première fois que j’y mettais les pieds. J’avais beau parlé anglais couramment, dès que j’ouvrais la bouche, il ne faisait aucun doute sur mes origines françaises. L’une des premières choses que j’avais fait à mon arrivée en ville, fus de chercher une bibliothèque ou un endroit où je pourrais lire à mon aise. Je n’aimais pas l’école, c’est vrai et c’est la raison pour laquelle je n’avais pas fait d’études, mais j’aimais lire. Ma préférence allait pour les romans policiers et les polars de toutes sortes. Avant, je lisais facilement un livre tous les deux ou trois jours, mais depuis la mort de mon frère et depuis mon arrivée à Marple Spring, je n’en ai pas ouvert un seul. Il faut bien le dire et me montrer honnête avec moi-même, je n’ai pas l’habitude des livres en anglais. Je l’ai dit, je parle couramment la langue de Shakespeare, mais pour autant, j’ai toujours lu des bouquins en français, la transition entre les deux n’est donc pas des plus facile pour moi. Néanmoins, c’est comme pour le reste, je finirais bien par m’y habituée. J’ai donc questionner mon oncle sur l’endroit où je pourrais me rendre et il m’a parlé de ce café librairie. J’y suis venue une première fois il y a quelques jours, et l’endroit m’ayant plus, je suis revenue en finissant ma journée de travail au Sushi Bar. La propriétaire a l’air sympathique, même si nous n’avons échangés que deux ou trois mots. La librairie est déserte, ce que je trouve dommage, mais avec le temps qu’il faisait, ce n’était guère étonnant et d’ailleurs, le Sushi Bar aussi était désert, nous n’avons pas eu beaucoup de clients. A Lyon, c’était pareil, quand il pleuvait, tout était désert et triste. Je n’aime pas la solitude, j’aime voir du monde. Enfin, c’était comme ça, parfois, on a pas trop le choix, n’est-ce pas ? Je déambulais dans le rayon des polars, cherchant un livre au titre accrocheur, tout en veillant à faire attention à la pile de livre qui était posé sur une table. Le problème c’est qu’en trouvant mon bonheur ; un livre justement en hauteur tout près de ladite pile ; j’ai tout fait tomber ! Je me rappelle de la bibliothèque du quartier de Lyon ou je vivais gamine et où il ne fallait pas faire de bruit et je me sens bien bête. Le boucan que j’ai fait doit s’entendre jusqu’en France il me semble. Je me baisse aussitôt pour ramasser les livres éparpillés sur le sol, je suis bien vite rejointe par la propriétaire des lieux, qui s’excuse d’avoir oublié de ranger la pile de livres. « Ce n’est rien, j’ai juste fais beaucoup de bruit. Je suis parfois maladroite ! » m’excusais-je, à mon tour.

Depuis que j’étais arrivée, trois semaines auparavant, je n’avais pas reçu de commentaires sur mon accent français, néanmoins, plus d’une personne avait grimacer en m’entendant parler. Je parle couramment l’anglais américain, certes, puisque mon père est américain de naissance, mais j’ai conservé mon accent français et apparemment, ça ne plait pas à tout le monde. Mais, je m’en moque, je suis née en France et je tiens à garder mon accent français, je ne veux pas qu’il disparaisse. C’est la seule chose de ma famille que je tiens à garder, le reste, je m’en moque. Mes parents ne m’ont jamais aimé, ils auraient préféré n’avoir qu’un seul enfant, et bien, maintenant ils n’en ont plus du tout. S’ils avaient fait attention à moi, je ne serais sans doute jamais partie, je serais resté à Lyon. Maintenant plus rien ne me retenais là-bas, et désormais, c’est sur le sol américain que je veux faire ma vie. Et puis, il y avait quelqu’un que je connaissais en ville et que je voulais absolument revoir un jour. Je m’excusais donc d’avoir fait tombée la pile de livres et la jeune femme, sans doute la propriétaire des lieux, me demanda si j’étais française, à cause de mon accent, le tout, dans un français parfait, qui me fit levée le nez, toute surprise. « Oui ! Mais j’ai des origines américaines ! » avouais-je alors, dans ma langue natale. Je demandais ensuite à la jeune femme comment cela se faisait qu’elle parle aussi bien la langue de Molière. Elle m’expliqua avoir la passion des langues et avoir habiter en France il y a un peu moins de deux ans. « Ha oui ? Ou en France ? » demandais alors, piquée par la curiosité. « Je m’appelle Elyssa ! » ajoutais-je, tandis qu’elle se présentait.

La jeune femme ramassa les livres que j’avais involontairement fait tomber dans ma hâte d’attrapé l’ouvrage qui m’intéressait et que pour le coup, j’avais totalement oublié. Il faut dire que j’avais été prise au dépourvu lorsque la jeune femme ; reconnaissant mon accent français ; c’était adresser à moi dans la langue de Molière. J’avais aussitôt précisé que j’étais mi française, mi américaine, ce qui n’était pas forcément très utile compte tenu du faire que je parlais mieux l’anglais que le français. Elle m’expliqua avoir fait un séjour en France il y a quelques années et je lui demandais aussitôt quelles villes elle avait visité. Un sourire éclaira mon visage lorsqu’elle prononça le nom de ma ville, Lyon. « Lyon, vous avez aimé ? Je suis de là-bas ! » dis-je, aussitôt. J’étais partie sans regrets, mais malgré tout, ma ville me manquait, mon quartier, me promener le long du Rhône, les bouchons. Je donnerais n’importe quoi pour manger de la saucisse en cet instant précis. Manque de chance, par ici, le saucisson de Lyon était un mythe. Je trouvais que les saucisses américaines avaient l’air d’être en plastique, mais ce n’est que mon avis sur le sujet. Elle se dit enchanté de me connaitre avant de me dire que si j’avais besoin d’aide, je ne devais pas à hésiter à le lui demander. Je secouais la tête en guise d’acquiescement, tandis qu’elle rangeait rapidement les livres que j’avais fait tombé quelques minutes plus tôt. La jeune libraire me demanda ensuite les raisons qui m’avaient poussé à partir loin de la France. « Je ne m’entends pas avec mes parents ! » dis-je, en restant vague. De toute manière, c’était la vérité. Le décès de mon frère m’avait poussé à quitter mon pays et mes racines, je n’avais plus ma place dans ma ville, car la seule personne de ma famille avec qui je m’entendais bien n’était plus de ce monde. Je savais que j’avais pris la bonne décision. Mon frère me manquait, mais que je sois en France ou ici, le résultat restait le même, il n’était plus là.

Je faisais genre que ma ville natale ne me manquait pas du tout, mais c’était faut. Lyon me manquait. C’est normal après tout, j’y était née, j’y avais grandis. Je connaissais les moindres recoins de cette ville, ses secrets, ses histoires, son passé. Oui, Lyon me manquait, mais plus rien ne me retenait là-bas. Partir avait été la meilleure des solutions et au final, je ne manquais à personne. J’avais des amis bien sûr, de très bons amis, mais ils avaient leur vie et la mienne était ici désormais. Ceci dit, ça ne m’empêchait pas d’être nostalgique de ma ville en l’écoutant me la raconter. « Vous aurez peut-être l’occasion d’y retourner un jour ? » hasardais-je. Après tout, même si je disais tout le temps que je n’y rentrerais pas, je n’en savais rien. Je pouvais très bien avoir une occasion de revenir en France et plus précisément à Lyon. Mais je sais par avance que ça ne sera pas pour voir mes parents. Ma famille, c’était mon oncle, rien d’autre. La jeune libraire me demanda alors pour quelles raisons j’étais partie et brièvement, j’expliquais ne pas m’entendre avec ma famille. Après tout, c’était la vérité, nous ne nous entendions pas. Néanmoins, j’étais bien en dessous de la vérité. « C’est le moins qu’on puisse dire ! » répondis-je à sa remarque. Non, mes parents n’étaient pas faciles. Oh, ils l’avaient été avec mon frère. Il lui suffisait d’ouvrir la bouche pour que l’on accède à ses moindres désirs, il faisait les pires bêtises qui soient lorsque nous étions enfants, moi, je n’en faisais pratiquement pas ; je mentirais si je disais que je n’en faisais jamais ; et c’est toujours moi qui trinquait. En fait, même lorsque j’étais malade, c’était moi que l’on blâmait. Je n’ai jamais eu ma place dans cette famille. La jolie blonde me demanda alors d’où je connaissais la ville. « Et bien, mon oncle, qui est aussi le frère de mon père, vit depuis toujours, et mon ami le plus proche est également de Marple Springs. Il est venu faire ses études à Lyon, parce que nous avons une très bonne université. Peut-être que vous le connaissez de nom, sa famille est l’une des familles fondatrices de Marple Springs. » répondis-je alors.

La jeune libraire ayant eu l’air d’avoir apprécié ma ville, je m’empressais de la questionné sur le fait qu’elle pourrait peut-être y retourner un jour. Je sais que dans mon cas, ça semblait impossible. Y retourner, ça revoir mes parents, et je voulais exclure cette possibilité tout comme ils m’avaient exclu de leur vie. Pourtant, je devais bien reconnaitre que Lyon me manquait, mais c’était à prévoir. La jeune femme m’expliqua qu’elle pensait y aller pour la lune de miel si elle se mariait un jour ; il est vrai que moi-même je ne savais pas si cela m’arriverait ni même si j’en avais envie ; ou pour trouver l’inspiration pour écrire un roman ; j’en déduisit donc qu’en plus d’être libraire elle était également auteure. Sinon, elle y retournerait volontiers pour ses vacances dans deux ou trois ans. « Oui, c’est une très belle ville. Je ne dis pas ça parce que j’y suis née, je le pense sincèrement. Et on y mange très bien ! » Ce n’était pas faut, d’ailleurs, c’est même la chose qui me manquait le plus, la bonne nourriture lyonnaise. Je donnerais n’importe quoi pour une quenelle de brochet, là tout de suite, maintenant. Mais je devrais me contenter de pizzas, j’en ai bien peur. La nourriture française aux Etats Unis, ça coute un bras et je n’ai pas vraiment les moyens. Mon salaire de serveuse, ne me permet pas de faire des folies, comme manger d’un restaurant gastronomique français, d’ailleurs, je ne sais même pas s’il y a en a en ville. J’évoquais brièvement ma famille, et fort heureusement, la jeune femme ne bloqua pas sur le sujet. Je faisais toujours genre que tout allait bien, alors que pas du tout et parler de ma famille de tarés, ça me faisait plus de mal que de bien, donc autant l’évité tant que je le pouvais. De toute manière, ils avaient ce qu’ils voulaient, j’étais partie, je ne trainerais plus dans leurs jambes ; c’est ce qu’ils disaient quand j’étais enfant. Elle me demanda ensuite comment est-ce que j’avais connu la vielle et je m’expliquais sur le pourquoi. « Oui, c’est lui. Lazlo ! » fis-je, radieuse. Il faut dire que dès que je parlais de lui, mon cœur s’emballait. Ce n’est pas uniquement pour mon oncle que je suis venue ici, c’est plus pour mon bel architecte. « Vous venez d’arriver vous aussi ? » demandais-je étonnée, après avoir relevé cette réplique.

Alors c’était une gourmande, cela nous faisait un autre point commun et pas des moindres. Moi aussi, j’adorais manger et c’est bien la première chose qui me manquait de ma ville d’origine. Les bonnes spécialités lyonnaises, rien que d’y pensé, j’en avais l’eau à la bouche. Je baverais presque, comme les chiens, encore heureux que je sais me tenir. Quoique, lorsque j’étais enfant, ma mère nous avais emmener, mon frère et moi, dans un marché couvert et à la vue des pâtisseries vendues à un stand, je m’étais bel et bien mise à baver, mon frère aussi, mais bizarrement, j’avais été la seule à être réprimander. Soi-disant, que j’avais fait honte à la famille, n’importe quoi. Si elle ne voulait pas de ce genre d’incident, elle n’avait qu’à pas nous emmener avec elle. Mais revenons-en à la discussion du moment. « Vous savez cuisiner ? Parce que moi non ! En revanche, je sais parfaitement manger ! » avouais-je avec un rire discret, mais sincère. Ce n’est pas non plus pour rien que je bossais comme serveuse, quoique les sushis, ça ne m’inspirait que très moyennement. Je préférais la pizza, à choisir. Par la suite, elle me demanda pourquoi j’avais choisi Marple Spring plutôt qu’une autre ville, plus connue. Je lui parlais de la présence de mon oncle et aussi d’un ami américain. Sans toutefois précisé que c’était plus à cause de la présence de mon ami américain plus que celle de mon oncle, qui faisait que j’étais ici. Puis, comme elle m’indiquait ne pas le connaitre, je lui demandait si elle aussi, venait d’arriver en ville. Elle m’expliqua alors que ses grands-parents vivaient à Marple Spring depuis toujours et qu’elle venait y passer ses vacances lorsqu’elle était enfant. Qu’elle s’y était installé pour de bon il y a deux ans, lorsqu’elle avait repris la librairie familiale. « D’accord, donc vous connaissez mieux les lieux que moi ! » constatais-je, ce qui tombait sous le sens, mais j’avais parfois du mal à trouver les mots justes. Que je m’exprime en français ou en anglais ne changeait rien d’ailleurs. Elle reprit ensuite la parole pour ma parler de Lazlo et du fait qu’il avait été absent plusieurs années lui aussi. « Oui, il a fait ses études à Lyon. C’est là-bas que j’ai fait sa connaissance ! » avouais-je.

Il est vrai que cuisiner lorsque l’on vit seul, ce n’est génial. Les recettes de cuisine sont rarement faites pour une seule personne et ce n’est pas toujours évident de trouver les bonnes proportions pour une seule assiette. Ou alors, il faut faire des boites que l’on congèle et que l’on ressort dès que l’on en a besoin. C’est ce que fait mon oncle. Il cuisine toujours pour une armée entière, alors le congélateur est plein à craquer de boîte en aluminium, que l’on peut réchauffer. Comme ça, on mange quelque chose de bon, de frais et on ne gaspille pas la nourriture. « C’est vrai que seul, c’est plus facile de se faire quelque chose de tout près ! » répondis-je alors. Comme moi, elle ajoute apprécier manger. C’est mon principal pécher, la gourmandise. Ça et la paresse, parce que j’avoue que je procrastine beaucoup trop. J’ai beau me dire qu’il faut que je fasse telle chose aujourd’hui, il y aura toujours une voix dans ma tête pour me dire que ça peut attendre un jour de plus et je ne finis pas capituler et l’écouter. Et ce qui ne devait prendre qu’un jour de plus, se transforme ensuite en semaine, voir en mois. C’est un défaut que j’ai beau essayer de corriger, il me colle à la peau. C’est une plaie dont je n‘arrive pas à me défaire, malgré mes efforts pour y parvenir. Mais des modèles de vertus, vous en connaissez beaucoup vous ? Moi, aucun, je ne suis même pas certaine que ça puisse exister. « Avec plaisir ! » répondis-je, lorsque la jeune libraire m’indique que, puisqu’elle connait bien la ville, si j’ai des doutes, elle pourra aisément me guider. Elle semble connaitre la ville sur le bout des doigts. Je lui explique ensuite connaitre Lazlo Williams, puisqu’il a fait ses études à Lyon et que je travaillai dans un restaurant situé face à l’université. Kat me demande suite si je l’ai suivie ici. La réponse est oui, mais pas complètement. Disons que c’est plus compliqué que ce qu’il n’y parait. « Oui et non, je dirais ! » je réponds après une seconde de réflexion. « Si j’ai choisi Marple Springs, ce n’est pas un hasard, c’est vrai, mais j’ai aussi de la famille ici. Le frère de mon père est natif de Marple Springs et je vis avec lui. Il m’a trouvé un boulot de serveuse au Sushi Bar. » j’explique alors.