Assise dans son lit, à peine réveillée elle l'entendait hurler. Encore. Elle ferma les yeux et essaya de se rendormir, mais rien n'y faisait. Son mari était absent et ce gosse invivable. Nell, vingt-deux ans n'avait rien fait pour mériter tout cela. Elle avait épousé cet homme par dépit, mais surtout par manque d'argent. Elle se pliait à ses exigences sexuelles, faisait le ménage, elle était l'épouse parfaite. Elle s'était même fait engrosser dans l'unique but de lui faire plaisir. Le gosse était né. Le portrait craché de son père. Un garçon capricieux et beaucoup trop envahissant. Elle le détestait. Il était insupportable. Parfois elle le frappait à mains nues, parfois elle s'y prenait avec certains objets de la maison, une planche de bois, une ceinture, tout ce qui pouvait lui passer sous les doigts pourvu qu'il se taise. Son mari ne disait rien. Non, il ne voyait rien de tout cela. Il était absent, ou trop occupé.
Il grandissait, elle le voyait. 4 ans, 5 ans et enfin 6 ans. Il devenait rapidement un de ces hommes tant détestés. Elle pensait l'aimer comme une maman, mais elle le montrait rarement. Elle ne le voyait qu'à travers le regard d'une femme trahit. D'une femme détruite et haineuse. Elle ne le voyait que comme l'enfant du diable. Elle haïssait tout ce qu'il représentait, et ça, en revanche elle le montrait de plus en plus. Le petit manquait l'école fréquemment et réapparaissait parfois avec d'innombrables bleus. Certaines personnes s'inquiétaient pour lui, mais dans un quartier où les problèmes étaient quotidiens personne ne s'en souciaient vraiment.

A force de travail, elle en était devenue aigrie. Elle détestait cette ville autant qu'elle haïssait les hommes, c'est pour dire. Ses caisses étaient constamment vides et l'accumulation de trois boulots n'y changeait rien. Elle décida donc sur un coup de tête de changer de vie. Elle se tapa un dernier client, lui fit les poches et pris le premier train en direction de Marple Spring. Son fils était avec elle, silencieux comme à son habitude. Le voyage fut long mais les deux New-Yorkais arrivèrent enfin. L'endroit était calme et paisible, rien à voir avec la furie de Brooklyn. Les gens leur souriaient et offraient même des friandises au gamin. Nell était ravie, même si la ville était toute aussi remplie d'individus de sexe masculin. Tant pis, elle ferait avec, elle les ignorait, tenant son homme à elle par la main. Il avait maintenant treize ans et tout d'un mâle à son plus grand désespoir. Elle lui acheta une glace et paya une chambre d’hôtel avec l'argent restant. La nuit elle se fit deux-trois sous et la machine était de nouveau en route.

Son adolescence, bien que marquée par la violence accrue et incessante de sa maman, fut profondément calme. Osahar était un enfant des plus discrets, toujours assis au deuxième rang lors de ses années collège, ou dans les rues à pratiquer la magie. Marple Spring n'avait pas vraiment changé le rythme de vie de sa mère qui replongea tête la première dans ses vices. Vices qui la menèrent vite à sa perte.

La mort de sa mère l'avait transformé. L'avait détruit. Elle représentait tout pour lui, et bien plus encore. Il lui vouait une admiration sans faille et un amour sans mesure. Méfiant de tous, ne faisant confiance à personne, il voyait les monstres partout. Il n'avait pas de vrais amis. Dans sa vision confuse des choses, tout puait la corruption. De taille moyenne, desservi par un corps sec et d'un regard bleu azur, Osahar donnait l'apparence d'un homme sûr de lui et à l'aise en société. Son regard dégageait une force incroyable et son sourire une certaine chaleur. Mais cette force de caractère s'effaça rapidement, laissant derrière elle l'ombre d'un jeune homme perturbé et particulièrement méfiant. Bouffé par ses craintes, ses peurs les plus profondes. Un garçon ayant parfois des difficultés à discerner ses rêves, ses cauchemars de la réalité. Un garçon perdu dans une routine dont chaque minute était programmée.