J’avais huit ans lorsque ma mère a épousé l’autre abruti. Je n’aime pas mon père. Oh, il n’est pas méchant, mais c’est un con ! Toujours à me dire ce que je dois faire et ce que je ne dois surtout pas faire. C’est bon quoi, j’ai plus cinq ans ! Le soir, quand nous sommes à table, mes frères et moi, on doit simplement la fermer, il ne faut surtout pas les gêner quand ils discutent lui et ma mère. Je vous jure, parfois, j’ai l’impression d’avoir atterrie dans le secteur altruiste. Et vous vous douter bien que je n’ai pas l’âme d’une altruiste. Enfin bref. Je suis venue au monde le 1er octobre de l’an 2000, de ce fait, j’ai presque dix-sept ans. Ma mère avait seize ans lorsqu’elle est tombée enceinte de moi et mon père biologique, n’a pas voulu prendre ses responsabilités. Il ne se sentait pas prêt à devenir père, ma mère non plus, je dois l‘admettre. Elle aurait préféré avorté, elle me l’a déjà dit je ne sais combien de fois, mais voilà, elle avait dépassé la dix-septième semaine lorsqu’elle a compris qu’elle était en cloque. Elle a bien été obligé de me garder et finalement, on s’adore. Enfin, on s’adorait. Parce que depuis que ce con de Terrence est venu vivre avec nous, tout à changer. De mère copine, elle est devenue mère responsable. Il faut dire que ce type à presque vint-ans de plus qu’elle, et qu’à l’entendre, il a tout vu, tout apprit, tout vécu et j’en passe. Il m’a reconnue comme sa fille et de ce fait, je dois lui obéir au doigt et à l’œil et en fait, je ne serais jamais assez bien à ses yeux. Mes frères sont nés un an après leur mariage, j’avais donc neuf ans. Ils sont jumeaux, des faux jumeaux et ils ne font rien d’autres que des bêtises. Des bêtises pour lesquelles je trinque systématiquement. J’ai beau avoir d’excellents résultats au lycée, je n’ai pratiquement rien le droit de faire. Je voulais devenir cheerleader, on me l’a refusé. Alors que ça permet d’avoir des points en plus lorsque l’on veut entrer en faculté. Sauf que voilà, à ses yeux ; et maman lui donne raison ; ça n’est pas convenable. Il vaut mieux préféré faire des activités intellectuelles plutôt qu’artistique. C’est donc à cause de lui que je me retrouve à la tête du Décathlon Scientifique. Bon, ça me plait, là n’est pas le contraire, mais du coup, je me retrouve cataloguer tête d’ampoule, et jamais invité aux soirées. En même temps, même si je l’étais pas certaine que l’autre abruti accepte que je m’y rendre. En bref, en dehors du club de sciences et du lycée, la seule chose que j’ai le droit de faire, c’est de me rendre à mon travail. Parce que oui, depuis mes seize ans, je suis obligée de bosser, car Monsieur Terrence estime que lui et maman n’ont plus à mes payé mes fringues et ma musique et que je suis suffisamment grande pour pouvoir gagner ma vie. Là encore, je dois dire que ça ne me dérange pas, car les mardi soir, les mercredi après-midi, les vendredi soir et le samedi, je ne vois pas sa tronche ! Il déteste le cinéma, c’est bien pour cette raison que j’ai pris un poste de caissière au Multiplexe. Il y a une chose qu’il ne sait pas et que je me suis bien gardé de lui dire, c’est que le mardi soir, en réalité, je ne travaille pas, je vais au conservatoire prendre des cours de violon, parce que je suis passionnée par la musique. Certes, je ne vais pas en faire mon métier, mais si plus tard, le violon me permet d’arrondir mes fins de moi, je ne vais certainement pas refuser. J’ignore comment il réagira, mal sans doute, mais même s’il m’a reconnu comme sa fille, je ne serais jamais sa fille et j’entends bien le lui dire. Maman m’a imposé ce type, sans prendre la peine de savoir si je l’appréciais ou pas. Avant, elle et moi, on avait une complicité fusionnelle, et il a tout bazardé dès le moment où il a passé la porte de notre appartement. Même mon chat, j’ai dû m’en séparé, parce que Monsieur est allergique. Avant, une fois par semaine, c’était menu fast-food à la maison, mais depuis qu’il est là, c’est terminé. Pour lui, ça n’est pas de la nourriture. Lui, il veut des plats raffinés à la Bree Vandecamp-Hodge. Il se fiche pas mal de savoir qu’on aime pas ça, on doit se taire et manger, et ne surtout pas quitter la table tant que nous n’avons pas terminé notre assiette. Mes frères ne savent pas ce qu’est un happy meal, ils n’ont même jamais mangé de glace de leur vie. Voilà, j’ai passé mon temps à parler de cet imbécile, mais c’est plus fort que moi, il m’énerve. Je voudrais demander mon émancipation, juste pour ne plus avoir à la supporter tous les jours. Mais voilà, j’ai conscience que ça briserait le cœur de ma mère et je ne veux pas lui faire de la peine, alors je supporte ce con, je n’ai pas le choix. Oh, et je ne vous aie pas dit ? Ce vendredi, je ne bosse pas et j’ai réussis à me faire inviter à une soirée pour célébré le début des vacances. Evidemment, il n’est pas au courant, mais maman oui. Comme j’entre en terminale à la rentrée, je dois profiter de cette dernière année, alors elle a décidé de me couvrir. Je suis contente, c’est la première fois que je vais à une fête, ça va me changer. Et avec un peu de chance, j’arriverais à me trouver un petit copain. Même Wendy, la binoclarde mal fagotée du Décathlon en a un. Je dois être la seule fille du bahut à ne pas avoir de mec, la honte !