Je m'appelle Jacqueline Brown, mais je préfère que l'on m'appelle Jackie. C'est d'ailleurs ainsi que je me présente lorsque je rencontre de nouvelles têtes. Je vais sur mes vingt-neuf ans, même si mes cernes me donnent une bonne trentaine, à mon grand désespoir. Je suis née le douze avril 1988, dans la modeste ville de Ventura en Californie.

Dans une ancienne vie, j'étais secrétaire juridique dans un petit cabinet d'avocat de ma ville natale. Aujourd'hui, je suis en pleine reconversion: je viens d'ouvrir la Coffin, une modeste galerie d'art. Mais je gagne ma vie en tant que secrétaire à la H.I. Sinon, je suis à Marple Spring depuis moins d'un mois. Je suis donc une étrangère, une stranger in a strange land.

Depuis toujours, ma vie amoureuse est un néant: je suis célibataire et franchement attirée par personne. On pense me complimenter en me disant que je ressemble à Portia Doubleday, mais je ne suis pas sûre que ça soit vrai.

bosseuse acharnée ∾ méfiante avérée ∾ généreusement vôtre ∾ légèrement perfectionniste ∾ secrète ∾ délicieusement silencieuse ∾ tantinet jalouse ∾ très économe ∾ assez réfléchie ∾ vraie battante ∾ parfois nerveuse ∾ autoritaire ∾ ochlophobe

Jackie déteste son travail. Elle hait ce monde de prédateurs, elle ne supporte plus le fait de ne pas avoir foi en l'humanité. Elle méprise les regards condescendants de ses collègues et ceux, beaucoup plus lubriques, de ses clients. Femme dans un monde d'hommes, elle a perpétuellement sur ses épaules le poids d'une carapace en acier et, sur son joli visage, un masque tranquille d'employé modèle. Si elle est si taciturne avec ceux qui l'entourent, c'est certainement parce qu'elle n'estime n'avoir absolument rien à leur dire. Si elle est si froide, si distante, si agressive et aigrie parfois c'est peut-être parce qu'elle en a assez de subir et qu'il est grand temps pour elle de prendre les rênes. ∾ Elle n'a jamais eu beaucoup d'ambition. Elle ne s'intéresse pas à la politique et sa carrière est sans intérêt, du moment qu'elle gagne suffisamment pour vivre. La vraie passion de Jackie, c'est l'art. Les belles photos lui collent des frissons, certaines peintures la laissent en admiration des heures durant. Aussi, racheter cette galerie d'art dans l'est de la ville était une véritable opportunité qu'elle a su saisir. Même si elle n'y connait pas grand-chose, en gestion de galerie. ∾ Jackie était la petite princesse de son père, sa poupée de porcelaine. Et si son paternel la chérissait, il en oubliait d'aimer sa femme. Femme qui haïssait cette fille, fruit de ses entrailles, qui la privait de l'amour d'un époux. Depuis la mort de ce dernier, il y a presque dix ans maintenant, les deux femmes ne se sont plus revues. Et c'est peut-être mieux ainsi. ∾ Jackie n'est pas fataliste, mais son côté terre-à-terre l'empêche parfois d'avoir des rêves, ou de les concrétiser. ∾ Elle est l'heureuse propriétaire de deux combattants: un bleu et blanc nommé Ottis et l'autre, noir et bleu, répondant au nom de Toole. Des identités bien choisies à son sens pour une espèce qui tue ses semblables. Non pas qu'Ottis Toole fut son idole, loin de là. ∾ Jackie est née dans une famille croyante et pratiquante, mais elle n'a jamais été très sensible à cette coutume étrange d'habits du dimanche et d'églises. Dès qu'elle a été en âge de choisir, elle a donc cessé de suivre ses parents, n'ayant pas foi en autre force de celle de l'être humain. ∾ La jeune femme possède deux minuscules et improbables petits tatouages: une serrure plus petite encore qu'un ongle juste derrière l'oreille et une clef d'une taille semblable au creux des reins. Petite fantaisie d'adolescente qui avait fait rire son père et criser sa mère. Elle ne s'est plus jamais faite tatouer après ça, mais conserve ces deux-là avec affection, comme un souvenir de ce passé qui commence doucement à s'éloigner. ∾ Peut-être l'aurez-vous deviné en voyant sa peau pâle qui se marque facilement dès qu'elle frôle un meuble, mais Jackie a une santé fragile. Elle tombe très facilement malade: grippe, rhino-laryngite, bronchite, rhino-pharyngite, fièvre et bouffées de chaleur de façon totalement inopinée, le plus souvent des maux qui ont un lien étroit avec le simple fait de respirer. ∾ Elle n'a jamais mis les pieds en boite de nuit. Mal à l'aise dans la foule, voilà bien un lieu qu'elle se garde de fréquenter. Elle affectionne davantage les soirées-canapé, plus tranquilles mais bien plus agréables à son sens. ∾ Elle fait partie de ces quelques paranoïaques des nouvelles technologies. Comme beaucoup d'autres, elle a collé un morceau de scotch noir sur la webcam de son ordinateur portable, met son téléphone en mode avion quand elle va se coucher. Des petites choses sûrement futiles et inutiles, mais c'est une routine à laquelle elle tient. ∾ Jackie n'a pas énormément confiance en elle. Adolescente, ses quelques kilos en trop et son appareil dentaire ont eu un effet dévastateur sur le peu d'assurance qu'elle pouvait posséder. Si avec le temps son physique s'est largement amélioré, la faisant davantage ressembler à une top modèle qu'à une naine unijambiste, elle se comporte encore comme l'adolescente un peu gênée qu'elle était lorsqu'un homme s'intéresse à elle: elle l'envoie chier. ∾ Elle possède une toute petite cicatrice plus blanche encore que l'est sa peau sur toute la longueur du pouce de sa main gauche. Vestige d'un accident qui a eu lieu lorsqu'elle était petite. Comme lui avait dit sa mère à l'époque: quelle idée de vouloir faire du vélo à côté d'une véranda! ∾ Jackie chante divinement bien, mais jamais en présence d'autres personnes. Lorsque qu'elle n'est pas seule, elle se contente de fredonner diverses mélodies. ∾ La jeune femme est très tranquille et pas très loquace. Mais gare à celui qui la fera monter sur ses grands chevaux, car alors, il risque d'en prendre pour son grade. C'est bien connu, il n'y a rien de pire qu'une femme calme qui sort de ses gonds. ∾