Pour moi, il n’y avait absolument rien d’exceptionnel à venir de France, mais sans doute pensais-je ainsi, parce j’étais française. Pour les Américains, c’était sans doute un endroit incroyable, mais pour moi, qui était française, ça n’avait pas grand intérêt, excepté pour la bouffe. Il faut reconnaitre que l’on mange beaucoup mieux dans mon pays. « Pour les gens du Nord, c’est le début du Sud. Disons plutôt que nous sommes au Sud du Nord ! » plaisantais-je. J’avais l’impression qu’elle me prenait pour un guide touristique. Je comprenais qu’elle puisse se montrer curieuse, le souci, c’est qu’avec moi, elle était mal barrée. Je n’étais pas une bavarde, encore moins lorsque j’étais à table et que j’essayais de manger. « C’est l’une des plus grandes villes de France. Elle est traversée par le Rhône. Le Pont Lafayette est magnifique, tu as le quartier de La Part-Dieu qui vaut le coup, Il y a pleins de gratte-ciel, comme à Paris. Mais, l’endroit que je préfère, c’est le parc de la Tête d'or et la place des Terreaux. Notre-Dame de Fourvière est également un endroit à voir, sans parler des bouchons, des petits restaurants typiques de la ville. » expliquais-je. J’éludais le reste de sa question parce que je n’avais aucune envie de parler du fait que ma famille préférait me savoir à l’autre bout du monde, plutôt qu’à leur côté. « Je ne te permet pas de dire que je me rabaisse, tu ne me connais pas ! » répondis-je, vexée. J’avais l’appétit coupé maintenant, et je repoussais mon assiette. Je n’étais pas énervée, mais si elle s’obstinait, j’allais la planter et tant pis, si ça ne plaisait pas à mon patron. J’étais comme ça, que ça plaise ou pas.

Au fur et à mesure que j’évoquais ma ville, je me rendais compte qu’elle ne me manquait plus du tout. A mes débuts à Marple Spring, Lyon me manquait énormément. Les rues, les monuments, les spécialités, les mentalités des gens, j’avais le cafard et je voulais y retourner. J’en parlais avec les larmes aux yeux. Et aujourd’hui, ça ne me faisait plus rien du tout, comme si je m’en fichais. Si j’avais parcouru autant de kilomètres pour pouvoir voler de mes propres ailes, ça n’était pas pour rien. J’étais française et je ne le renierais pas, mais ça faisait partie de mon passer. Oui, ne plus tremper mon camembert dans mon café et manger des tripes ça me manquait, mais je ne voulais plus vivre en France. L’Amérique, c’était chez moi désormais. Et ça me faisait tout drôle de m’entendre dire que j’avais de la chance, parce que, au vu de l’enfance que j’avais eu, on ne pouvait pas appeler ça de la chance. Mais, je n’allais pas raconter tout ça à une presque inconnue. Au fond, même si elle était indiscrète, Pya était fort sympathique, elle ne pouvait juste pas deviner le nombre de casseroles que je me trimballais encore. « Non. C’est Marple Spring chez moi désormais ! » que je réponds simplement. Je ne voulais pas m’appesantir sur le sujet. Puis, je m’énervai. Pas sans raison, disons que la jeune fille s’était permis une remarque qui ne m’avait pas plus et je le lui avais fait savoir, jetant un froid dans la conversation. Un ange passe, comme mon frère disait toujours. Disons que c’était la vérité, je n’avais pas d’ambitions dans la vie, je vivais les choses au jour le jour, sans faire de plan, mais étais-se mal ? « C’est oublier ! » que je réponds, rapidement. Que pouvais-je ajouté de plus ? « Non, je n’ai plus très faim ! » ajoutais-je, avec un pauvre sourire. J’avais à peine toucher à ce que j’avais pris. En fait, elle ne pouvait pas le deviner, mais parler de Lyon, ça avait fait remonter des souvenirs douloureux à la surface et je ne me sentais plus très bien. Peut-être que si on se revoyais par la suite, que l’on devenait amies, je pourrais me confier à elle. Mais, pour l’heure, ça n’était pas d’actualité, je ne me confiai pas facilement.