Talya est née à Glasgow et a été élevée par sa mère principalement, ses parents ayant divorcé quand elle avait six ans, et sa sœur deux ans et demi. Sa mère avait la garde et elle voyait son père un week-end sur deux. Sa mère est née dans le nord de l’écosse. Elle a toujours été élevée à la dure par une mère qui voulait des garçons mais qui n’a eu que trois filles qu’elle a boudées tour à tour à leur naissance. Une femme qui refusait de dépenser un sou pour ses enfants, au point de leur couper les cheveux elle-même pour éviter de payer le coiffeur, ou de ne leur acheter une nouvelle paire de chaussure que lorsque l’ancienne n’avait plus de semelle. Pourtant on ne pouvait pas dire qu’ils manquaient d’argent, ils appartenaient à la classe moyenne, mais elle était très près de ses sous – dont elle ne se servait même pas pour elle-même. La mère de Talya a pris sa revanche sur la vie, travaillant dur pour se retrouver proviseure dans un grand lycée de Glasgow. Mais sans vraiment s’en rendre compte, elle a commencé à avoir le même comportement que sa mère (qu’elle disait détester pour ledit comportement) envers ses deux filles. Elle était très aimante et toujours là pour ses filles, mais elle était seule à profiter de son salaire supérieur à la moyenne, s’offrant vêtements et chaussures à tout va. Talya et sa sœur osaient rarement demander de l’argent de poche, et quand elles le faisaient, leur mère s’exécutait avec soupirs et protestations. A côté de ça et pour couronner le tout, elle avait refait sa vie avec un homme que Talya ne pouvait pas supporter. A moitié alcoolique, fumeur, il ne leur parlait que pour leur dire que les serviettes de table ne faisait pas office de décoration, qu’il fallait les mettre sur leurs genoux. Il ne partageait rien avec elles, ni repas, ni soirées dans le salon, puisque les deux demoiselles étaient fortement encouragées à aller passer la soirée dans leur chambre. De même, leurs dialogues ne se limitaient qu’à un vague « bonjour » quand ils se croisaient dans le couloir ou la cuisine le matin. Il rentrait toujours tard et une fois à la maison, il restait dans son coin.

Cette vie de famille, qui n’en était pas une, poussa Talya à sortir le plus possible avec ses amis pour passer moins de temps à la maison. Elle pouvait compter sur Oskar, son meilleur ami, pour lui changer les idées et lui faire voir le monde autrement. Elle avait l’impression de le connaître depuis toujours, ce qui était pratiquement le cas. Dès qu’il était arrivé dans la famille Hopkins, ils s’étaient retrouvés sur les bancs de l’école. Il avait un an de plus qu’elle, et ils n’habitaient pas loin l’un de l’autre. Ils ont grandi ensemble et ils se comprenaient parfaitement, toujours là l’un pour l’autre : Quand le père d’Oskar n’est pas revenu du champ de bataille, quand la situation familiale de Talya lui minait le moral. Au collège, Talya fit la rencontre de Johnathan, qui était aussi un ami d’Oskar. Ça a été le coup de foudre. Il était vraiment génial et attentif, et pour une adolescente en manque d’amour il était l’homme parfait. Après plus d’un an à sortir ensemble, peu après ses seize ans, Talya se décida à sauter le pas. John avait été patient et aimant, et elle était sûre de vouloir faire sa première fois avec lui. Elle pensait être prête, que rien ne pouvait lui arriver. Tout s’était très bien passé, les deux amoureux étaient encore plus attachés l’un à l’autre. Mais cela ne dura que quelques mois. Il avait suffit d’une seule fois. Une seule fois au cours de laquelle le préservatif a craqué. Une seule fois pour briser ce que Talya pensait solide. La jeune fille ne s’était rendue compte de rien, et John qui ne pouvait que l’avoir remarqué, avait pensé que ce n’était pas grave, ou bien il était trop paniqué pour oser dire quoi que ce soit. Talya ne le saura jamais.

Quand les première nausées et un léger gonflement sur le ventre plat de l’adolescente apparurent, John fut la première personne que Talya appela. Elle lui fit part de ses doutes. Il y eut un long silence, puis ce fut la voix de sa mère qui prit le relais. Celle-ci lui expliqua qu’il ne fallait plus qu’elle appelle chez eux, qu’elle ne devait dire à personne que John était le père, qu’il fallait se débarrasser de ce bébé. Talya se tourna alors vers sa mère, qui n’hésita pas une seule seconde. Elle la soutiendrait quelle que soit la décision que Talya prendrait. Elle se chargea personnellement d’aller voir la mère de Johnathan pour lui montrer sa façon de penser, et bien sûr tout le quartier fut bientôt au courant. John refusait de revoir Talya, ou alors sa mère le lui interdisait. Oskar, lui, l’accueillit à bras ouvert lorsqu’elle s’effondra en larmes devant sa porte. Il lui offrit un soutien sans faille durant tout le temps de la grossesse – car oui, Talya ne s’était pas sentie capable de de se séparer de cette petite chose qui se développait dans son ventre – et même après, quand le petit Aaron pointa le bout de son nez. Il était si adorable, toujours là à toute heure du jour et de la nuit. Si bien qu’à force de se rapprocher, de passer du temps ensemble, c’est une nuit qu’ils partagèrent. Chose qui ne se reproduisit pas, mais dont ils ne furent jamais gênés.

Talya dut commencer à travailler, car même si sa mère avait accepté de l’aider, elle voulait se débrouiller seule et lui emprunter le moins d’argent possible, parce qu’elle ne voulait pas que ça lui retombe dessus un jour. Elle termina le lycée avec peine, son travail dans le supermarché du coin et les besoins de Aaron lui prenant beaucoup de temps. Toutes ces épreuves la firent beaucoup changer. Elle devint beaucoup plus indépendante, moins attentive au regard des autres et des réflexions qu’elle pouvait entendre. Tout ce qui comptait désormais se résumait à Oskar et à Aaron, ainsi qu’à leur bonheur, à ce qu’ils voulaient. Et ce que Oskar voulait, c’était s’engager dans l’armée dès la fin du lycée. Cette décision attrista Talya autant qu’elle l’effraya, non seulement à cause de la disparition du père de son ami mais aussi parce que l’absence allait être difficile à supporter. Malgré cela elle l’encouragea à faire ce qu’il voulait. Ses allers-retours devinrent une habitude qu’elle accepta, elle se tenait toujours à disposition quand il voulait la voir et Aaron était toujours ravi de voir son « tonton Oskar ». De temps en temps, lorsqu’il n’était pas là, Talya rendait visite à la mère d’Oskar pour vérifier que  tout allait bien, que ce n’était pas trop difficile.
Dès qu’elle le put, la jeune femme prit un appartement juste assez grand pour deux, près du centre-ville où elle travaillait pour qui voulait bien la prendre. Elle avait une voisine adorable, seule et à la retraite, qui proposa de garder Aaron quand elle devait travailler, ce qui évita à la jeune femme d’avoir à payer une nourrice – elle avait proposé plus d’une fois de dédommager la vieille dame, qui avait toujours refusé fermement. Talya voyait sa mère le moins possible. Malgré son affection, il était impossible de la voir avec un homme aussi vide.

Lorsqu’elle avait du temps libre Talya confectionnait des pâtisseries, c’était en quelque sorte son échappatoire, et elle en servait à ses amis quand ils venaient la voir. C’est eux qui lui donnèrent l’idée d’essayer de les vendre dans son quartier, pour aider à boucler les fins de mois. La jeune maman dut se forger un caractère fort et indépendant, et toutes les épreuves qu’elle avait traversées lui faisaient prendre conscience qu’il y avait toujours plus grave que ses propres problèmes dans la vie, et qu’il fallait qu’elle s’estime heureuse de ce qu’elle avait.

Talya a été vite été prévenue de la mort de Maisie à cause des rumeurs du quartier. La jeune femme ne connaissait pas la petite sœur d’Oskar aussi bien qu’elle le connaissait lui, mais elle savait qu’elle avait eu du mal à supporter l’absence de son frère. Elle avait toujours été fragile, plutôt instable. Elle avait eu par la suite des problèmes avec son fiancé, qui la frappait, selon les dires d’Oskar. Lorsque Talya a voulu se rendre chez les Hopkins pour voir son meilleur ami et sa mère, il n’y avait qu’elle, éplorée, qui lui apprit qu’Oskar était à l’hôpital à cause de son état de choc. Elle est passée le voir une fois lorsqu’il dormait. Les visites étaient déconseillées et elle fut autorisée à le voir seulement quelques minutes. Elle vint également voir sa mère pour la soutenir. La pauvre femme fut ensuite admise en hôpital psychiatrique. La fois suivante où elle s’est rendue à l’hôpital, on lui annonça qu’il était sorti. En se rendant chez lui, elle vit que son appartement était vide. Il avait disparu sans même laisser un mot. Elle était toute seule. Il l’avait laissée dans l’incompréhension la plus totale, elle qui croyait qu’ils se soutenaient pour se sortir de toutes les épreuves. Où était-il ? Impossible de le savoir. Il ne répondait à aucun message ni appel ; il avait sûrement même changé de numéro de téléphone. La jeune femme dut continuer à vivre malgré cela, s’efforçant de se focaliser sur son boulot de serveuse du moment et son fils en pleine adolescence. Cela dura environ un an. Un an sans aucune nouvelle. Une partie d’elle-même était partie avec lui.

Enfin, un beau jour, un numéro inconnu l’appela. Elle reconnut, le cœur battant, la voix d’Oskar dès les premiers mots. Il voulait lui présenter ses excuses pour son départ si soudain. Soulagée par ses explications, elle lui en voulait un peu mais elle savait pertinemment qu’elle ne pouvait pas vivre sans lui. Elle voyait ce coup de fil comme un appel à l’aide. Elle ne pouvait pas le laisser seul et elle s’ennuyait à mourir sans lui. Elle prit donc quelques mois pour préparer son déménagement et, malgré les protestations de son ado de fils qui ne voulait bien sûr pas quitter ses amis, elle le prit sous le bras pour l’emmener avec elle à Marple Spring, lui promettant qu’ils y seraient bien mieux que sous la pluie écossaise. Le plus dur pour elle fut de s’éloigner de son père, mais elle l’appelle au moins une fois par semaine. Elle économise pour pouvoir l’inviter à passer quelques jours à Marple Spring. Aaron a finalement retrouvé un rythme normal et se plaît bien plus qu’il ne veut l’admettre à MS. Talya, quant à elle, tente d'aider Oskar à se remettre doucement. Ce n'est pas une mince affaire, mais elle ne l'abandonnera plus jamais. Il l'a incitée à vivre de sa passion et à ouvrir un salon de thé, ce qu'elle a fini par faire. Son affaire a ouvert il y a quelques mois et fonctionne plutôt bien. Se poser après des années à se faire embaucher à droite, à gauche lui fait un drôle d'effet, mais au final elle se dépense toujours autant qu'avant, elle court partout et elle se sent bien.