« I've lost my goddamn mind, It happens all the time, I can’t believe I'm actually Meant to be here, Trying to consume,The drug in me is you And I'm so high on misery Can’t you see! »

Ces chants horribles capable de rendre définitivement sourd un malentendant provenait de ce petit appartement désordonné en plein milieu du quartier ouest de la ville. C'était le quartier le plus pauvre et sûrement le moins jolie de tous, mais c'est bien ici que vivait notre protagoniste. Son simple job de vendeuse dans la zone commerciale ne lui permet pas de louer un appartement luxueux, enfin si si elle renonce à toute consommation d'eau, d'électricité et de nourriture.  Une vie impossible ceci dit et puis quoi qu'il en soit, elle se sent bien dans son logement actuel, personne n'est forcé de lui rendre visite si le lieu ne leurs convient pas.
Affairée devant le miroir de sa salle de bain depuis  trente bonnes minutes, la dénommée Antonia – célèbre criminelle musicale – s'improvisait chanteuse superstar comme chaque matins, créant des chorégraphies stupides pour évidemment accompagner ses doux chants  mettant comme à son habitude plus de temps à s'amuser plutôt qu'à s'apprêter. La preuve : Encore en sous-vêtement puisque tout juste sorti de la douche, elle venait seulement de finir de se brosser les dents et de dompter sa chevelure. Autant vous dire, qu'il est réellement impossible de compter sur elle en cas de besoin urgent de la salle de bain si elle est à l'intérieur.  L'immobilisation que lui obligeait l'application de son maquillage lui demanda un effort quasiment d'ordre divin. Elle ne parvenait à retenir sa jambe droite de bouger en rythme avec le son de la musique et sa bouche ,bien que ouverte alors qu'elle tentait d'effectuer un trait eye-liner impeccable, de laisser échapper des sons totalement affreux sensés ressembler à des paroles. Vous aurez beau essayer, vous ne la changerez jamais. Après avoir effectué tout ce qu'une vrai youtubeuse beauté aurait pu faire pour un « total look glam » et finalement habillé ses lèvres  d'une couleur framboise, elle se remit à chanter à tue-tête en se dirigeant vers sa penderie. Comme si les murs ne tremblaient pas assez.

En vis à vis de son appartement, de l'autre côté de sa fenêtre, Madame Esteves, aussi vieille que frappée par l'Alzheimer, comme chaque matin se penchait sur la sienne pour effectuer son commérage quotidien et puis comme chaque jours, elle s’indignait de découvrir la jeune femme à moitié nue se dandinant dans son salon. Remarquant le regard de la vieille dame qui aurait pu être vicieux si elle aurait été un homme, Antonia se contenta seulement de lui faire un grand signe de la main en riant. La pauvre Madame Esteves, peu contrariante et accablée par la solitude, lui répondit poliment avant de retourner à ses affaires.

Après de longues minutes d'hésitation, Antonia opta pour un simple tee-shirt gris Green day accompagné d'un jean des plus basiques troué proprement au deux genoux avec une paire de van star wars totalement démentielle dégotée sur internet. Sans attendre davantage, elle enfila sa veste en cuire noir, son sac à main et les clefs de sa voiture. Un dernier vis à vis avec son reflet et la voilà partie.
Mais que fait Mademoiselle Smith dans sa voiture alors que le poste de radio braille à côté d'elle ? Elle chante. Cette fois-ci c'est My name is Stain de SHAKA PONK qui était entrain de se faire massacrer. Désespérante. Après avoir parcourut un peu la ville, ce qui lui prit peu de temps étant donné que la taille de cette dernière était fort raisonnable, la canadienne s'arrêta quelques instant sur le bas côté, prévenant Judith de sa présence par le biais d'un SMS.

Voyant son amie arriver au loin pour venir entrer dans sa voiture, elle ne put s'empêcher de laisser un sourire envahir son visage. Judith était capable par sa simple présence d'envoyer un milliards de bonnes ondes, même lorsqu'elle affiche une mine un peu énervée. Les deux jeunes femmes avaient tant de points communs - à commencer par leurs folies – que Antonia avait parfois la sensation d'avoir face à elle cet ami imaginaire parfait qu'on invente lorsqu'on est petit. «  Salut toi ! » «  Salut ! » Déclara t-elle en laissant son amie l'embrasser vivement sur la joue. Finalement et d'un geste automatique, les yeux de cette dernière se levaient sur le sommet de la tête de la rouquine : il ne lui fallut pas moins de cinq seconde pour qu'elle s'exclame soudainement totalement emballée en touchant ses cheveux doucement sans rien démonter «  - Oh mon Dieu, j'adore tes cheveux !!! » Cela aurait pu sonné clairement faux ou carrément hypocrite si ces mots seraient sortis de la bouche de quelqu'un d'autre, quelqu'un de « normal » face à une coiffure aussi folle, mais Antonia ne pouvait pas être plus sincère. Elle adorait totalement le style de son ami et pensait que ce qui se dressait sur la tête de Judith était une véritable trouvaille capillaire.

«  - Tu es prête ? » Demanda t-elle finalement après s'être remise de ces émotions disons en tournant les yeux vers la route vers Judith, puis sur la route qu'elle s'apprêtait à prendre. Aujourd'hui n'était pas un jour comme les autres, enfin si : aucun événement immense, grandioses, extraordinaire n'avaient lieu, quoique. Bref : Judith allait se faire TATOUER ! C'était un acte totalement normal et quasi banal pour Antonia et sûrement la rouquine, qui en possédait déjà pas mal et qui ne comptait pas s'arrêter là, mais pour certains c'est une croix sur le calendrier à faire. Néanmoins, malgré l'habituée qu'elle était devenue, elle était toujours aussi excitée à l'idée de se faire piquée ou de voir ses amis s'adonner aux modifications corporelles. «  - Tu verras il est réellement génial, il a un talent de malade. The best of the BEST ! Bon, il a clairement un air louche mais il est canon quand même pour un mec. Si il te propose une cigarette, accepte la seulement si tu as envie de rigoler parce que crois-moi, il n'y a pas que du tabac dedans ! » Renchérit-elle totalement emportée par ses dires, insistant carrément sur le deuxième best de sa phrase. Elle parlait en connaissance de cause. Ancienne grosse toxicomane, elle avait déjà accepté ses « cigarettes » plus d'une fois même, mais ce temps était définitivement résolu.  Elle n'avait pas passé ce long séjour horrible en centre de désintoxication pour replonger tête la première. Cette merde coûte une blinde, vous met dans des états impossibles lorsque vous êtes en rupture de stock et peu bien vous faire perdre vos proches. C'est de cette manière que Antonia a perdu le grand amour de sa vie, et le goût amer est encore bien présent, malgré les deux années passées.

Finalement, la jeune femme s'arrêta à nouveau mais cette fois face à un autre grand immeuble où logeait son ami Priam. Bippant alors ce dernier, elle commença alors sa prière pour survivre aux cris de Judith en le voyant arriver, et leurs piques incessants bien que sachant pertinemment, qu'elle rira bien à les voir se chamailler ainsi.

Antonia ne put retenir un sourire en voyant son ami entrer dans la voiture et venir lui ébouriffer ses cheveux aussi bleus que le ciel. Elle était heureuse de le voir. Priam est l'un de ses meilleurs amis, au même titre que Judith, le genre de personne pour qui elle pourrait tout plaquer, envoyer sur les roses le monde entier, peut-être même se raser le crâne ! Elle était certaine que la rousse à ses côtés n'était pas très contente de le voir, mais elle espérait tout de même qu'une partie d'elle ressente le contraire.

« - Salut Tonia. Salut la rouquemoutte ! 
- Ta gueule connard.
- Les enfants on se calme! » Déclara t-elle sur le ton de l'humour, ne pouvant s'empêcher de sourire, en reprenant la route. Detroit n'allait pas venir à nous si l'on reste là.

Tonia ne comprenait absolument pas pourquoi ces amis ne s'apprécient pas, alors que dans le fond, ils sont plutôt semblables. Elle était des premières étonnée et peut-être aussi la plus déçue. Néanmoins, fort heureusement pour elle aucun d'entre eux ne l'interdisait de voir l'autre – même si elle aurait catégoriquement refusé évidemment – comme cela aurait pu être le cas comme dans bien des amitiés. Leurs piques constant et plus terrible les uns que les autres la faisant néanmoins énormément rire. Ils s'envoyaient tellement de Punchline qu'on pouvait sortir un album de rap carrément.

« - Alors, pourquoi tu me fais sortir de chez moi de bon matin ? 
- Ju' va se faire tatouer, alors je me suis dis que tu serai heureux de la voir souffrir ! Déclara t-elle en riant un peu, tournant les yeux vers la concerné en lui tapotant doucement la joue du bout des doigts pour lui signifier qu'elle rigolait avant de regarder à nouveau la route. Non, sérieusement, j'ai l'impression que cela fait mille ans que je ne t'ai pas vu !
- J'crois que je vais lui demander une clope à ton tatoueur.
- Mais noooooooooooooon, ça tombe vous allez avoir un flash genre « WAHOU mais t'es vraiment super cool, pourquoi ne l'ais-je pas vu avant ? Rattrapons le temps perdu, viens on fait un tatouage en commun ou un piercing au tétons genre pour montrer notre amitié ? »  Bon, faut pas que ce miracle du p'tit Jésus vous fasse oublier ma présence parce que j'avoue que j'crois que je le prendrai mal vite fait, après tout n'oubliez jamais que je suis THE personne qui vous à lié à tout jamais !

Oui, Antonia était comme ça. Constamment aussi folle, tarée, déjantée, employez tout les synonymes que vous voulez. Elle était constamment un niveau au dessus des gens, elle semblait vivre tout avec beaucoup plus d'intensité, surtout depuis sa cure. La musique du poste de radio l'entraina soudainement dans une petite danse totalement improvisée et clairement ridicule. Mon Dieu, on ne peut plus rien faire pour cette âme en perdition ... Entre deux balancement d'épaule, elle demanda à son amie.

" - Alors Ju', tu m'as pas montré ce que tu voulais faire ?"