Tu étais ce qu'on appelle un enfant facile. Ce qu'on te demandais, tu le faisais, sans rechigner. Tu as toujours obéis à tes parents, ne rentrant jamais trop tard, mettant la table et rangeant sa chambre, faisant les courses en n'oubliant jamais les gateaux préférés de ta mère. En retour, on te laissais faire ce que tu voulais, on te soutenais même lorsque tu faisais quelque chose de mal, on te chérissais, tu faisais la fierté de ta famille, surtout que tu ramenais des bonnes notes à la maison. Bien sur, tu ne disais pas que tu avais copié sur tes voisins et demandé à tes camarades de te passer leurs devoirs. Pas besoin de savoir que tu disais. La fin justifie les moyens. Tu n'avouais pas non plus que, tu avais soudoyé ton petit voisin pour faire le ménage à ta place lorsque tes parents étaient partis pour la journée au travail. A la maitresse, tu rejetais la faute sur les autres, et eux encaissaient sans rien dire, parce qu'ils savaient de quoi tu étais capable, eux. Les adultes ne voyaient jamais rien de toute façon, préoccupés par leurs problèmes de grands. Tu ne te serais pas risqué à leur montrer que tu pouvais être très persuasif quand tu le voulais. Tout ce que tu faisais, c'était en silence, devant leurs yeux, mais avec tellement de finesse que cela passait toujours. A seize ans tu connaissais déjà les codes, ce qu'il fallait dire et ce qu'il fallait faire. Devant, tu souriais. Derrière aussi, mais c'était un sourire mauvais, un rire moqueur. Tes méthodes, tu les perfectionnais, et tu te débrouillais bien. Plutôt très bien même. Malin comme le renard et silencieux comme le serpent... Seth, le petit ange blond au sourire charmeur. Voilà ce qu'on disait de toi. Voilà naturellement ce que tu n'étais pas.

Ce n'est pas des histoires compliquées que tu vis. Tes parents sont toujours là, ta chance ne te quitte même pas. Tu as commencé des études, tu te plais bien là où tu es. Little Rock est une belle ville, grande, avec beaucoup de gens naifs à tourmenter. Tu t'es rapproché de plusieurs personnes. Tu t'es fait des amis, enfin, c'est ce qu'on croit. Tu as toujours fait cavalier seul, tu continue. Mais au moins, ils t'aident. Ils te donnent de l'argent si tu leur demande, même si tu n'en a pas besoin. Un sourire, un compliment, et tu gagne les faveurs d'une femme. Elles sont plusieurs à passer dans ton lit, et tu n'en ressort même pas les mains vides. La fille du professeur t'a donné un passe-droit pour les études, celle du banquier a permi d'augmenter le plafond de ta carte de crédit, celle du patron de restaurant t'accorde des promesses de réduction de tes déjeuners. Tes parents ne sont évidemment au courant de rien, tu continue à profiter de leur maison, et de leur vie heureuse et bien rangée. Hors de question pour toi de partir.

Tu as rencontré cette fille très récemment. Tout comme les autres, elle ne te résiste pas, elle boit tes paroles. Quand tu couches avec elle, tu la soudoies aussi. Elle est riche, son père est puissant, tu y gagne beaucoup. Tu ne te rends pas compte de son manège. Après tout, des femmes tu en as connu, et elle, elle agit comme les autres. Tu ne te méfie pas d'elle, pour toi, tu as encore toutes les cartes dans la main. Pourtant, elle te dupes, comme toi tu le fais. Tu es juste aveuglé. Elle a su te prendre à ton propre piège, elle t'a brossé dans le sens du poil, et tu t'es cru le maitre du jeu. Quand elle commence à se rebeller, c'est trop tard pour toi. Tu te rend compte que tu a perdu, et ça te mets hors de toi. Les ailes de l'ange ont brulé. Les rumeurs n'allaient pas tarder à tomber. Little Rock avait beau être une grande ville, elles pouvaient courir vite. Tu ne voulais pas être démasqué, normal, alors tu as préféré fuir. Préserver ta réputation, c'était ce qui était le plus important. Sans elle, tu n'étais plus rien. Tu en as informé tes parents. Ils ont voulu te retenir, mais tu savais ce que tu voulais. Tu as d'abord voyagé au sein de l'Arkansas mais la perfidie de cette fille t'a poursuivie même là ou tu t'étais réfugié. Aux grands mots les grands remèdes il a fallu que tu quitte tes repères en déménageant encore plus loin. Tu as a atterri à Marple Spring et enménagé chez un de tes oncles. Marple était une ville sans histoire, ou tu pouvais commencer un nouveau départ, loin de l'agitation de Little Rock. Alors tu as recommencé tes petits manèges, avec d'autres gens, d'autres collègues et d'autres faux-amis. Tu as testé ton pouvoir de séduction sur de nouvelles filles, mais tu es devenu plus méfiant, plus curieux, plus calculateur avec elles. C'est toi qui décide, c'est toi qui impose.

Toujours avec le sourire qui les fait craquer, et le physique qui va avec bien sur. Ton sourire ne marche pas avec ton oncle, tes petites actions non plus d'ailleurs. La méfiance, c'est de famille qu'on dirait. Au moins, il te laisse tranquille, et ne te pose pas de questions. Vous vous voyez peu en fait, et ça vous convient à tous les deux, d'autant que maintenant tu as déménagé pour vivre seul, avec ton compagnon félidé. En tout cas, tu te l'es juré à toi même, tu ne refera pas la même erreur qu'avec cette fille. Tu feras tout pour empêcher qu'on ne te descende de ton piédestal. Tu te le répète, encore et encore. C'est toi le meilleur. Tu es comme le roseau, tu ploies devant les autres, mais tu ne casses pas, c'est eux que tu casses, insidueusement, et avec le meilleur talent du monde. Tu sais ce qui est bon pour toi, tu sais comment t'y prendre. Les minauderies marchent avec les filles. Tu comptes surtout sur les chères courbes féminines pour parvenir à tes fins. Les hommes, tu t'en méfies. Tu n'approches que les plus faibles et les plus influencables. Tu n'es pas fou, tu sais très bien ce que tu fais. Tu courbes le dos quand il faut, après tout, la vengeance est un plat qui se mange froid. Tu ne cherche pas à te faire remarquer en tout cas. Tu avance en silence, séduit qui il faut séduire, flatte ceux qu'il faut flatter. Tu sais battre en retraite quand tu vois que les choses s'engagent mal. Tu sais approcher les gens qui pourraient te servir, tôt ou tard. C'est comme ça que ça marche. Ca ne se voit pas toujours, tu as parfois toi-même l'impression de rester au même point, mais tu te dis que peu importe le temps que ça prendra. Temps que ça va dans le bon sens, tu n'a pas de soucis à te faire.


Gare au retour de la médaille, Seth. Tu le sais mieux que quiconque, toi, que tu n'es pas le seul à jouer au jeu de la séduction et de la manipulation. Et quand on joue, on gagne ou on perd. Tu n'es peut être pas décidé à perdre, mais si tu étais seul à lancer les dés, ce serait bien trop facile.



Aujourd'hui tu as parfois les mains qui tremblent, l'esprit qui divague. Tu pense beaucoup à ton passé, mais surtout à une ou deux personnes en particulier. Extérieurement, tu es cependant resté le même homme qu'avant, aux yeux des autres, tu t'évertues à rester Seth, le Seth qu'ils connaissent ou croient connaitre. Intérieurement tu as changé. Tu acceptes moins le contact, tu es devenu plus méfiant, et tu refuses catégoriquement
de t'attacher, peu importe à qui. Tu es devenu plus froid aussi, plus calculateur, et ça ne t'embête pas, car tu ne te sens pas seul. Elle est là parfois, et elle te dit des choses, des choses qui te remontent le moral et te permettent de rester fort, en toute occasion. Elle ne te juge pas. Ca te permet de tenir, alors oui tu tiens, tu navigues encore de filles en filles, même si ton sourire charmeur disparait quelques fois lorsque personne ne te vois.