Parfois, tu tuerais pour avoir une vie banale. Du moins, que tu qualifies de banale. Une vie normale, sans grandes complications, sans personnes qui essaye de te tuer. Sans être obligé de fuir. Tu n’as jamais trop eu de famille. Ce sujet-là, a toujours été délicat chez toi. Tes parents ? Tu ne préfères même pas en parler. Dès tes huit ans, tu es allé vivre chez ton oncle et ta tante et c’est là que tout à commencé. Un gamin avec du potentiel qu’il disait. Un gamin qui en a déjà trop vu pour son âge, que la vie a abîmé, mais qui s’en sortira toujours. Tu avais du mal à réaliser, à comprendre, à saisir le sens profond des paroles de ton oncle à cet instant. T’étais juste un gosse, qui voulait grandir normalement, aller à l’école, faire de la musique et du skate avec ses copains. Tu n’as jamais vraiment décidé quoi que ce soit pour ta propre vie, excepté ta fuite. Excepté ton exil forcé loin du pays, de la famille, de cette ville que tu considérais comme chez-toi. Tu ne l’as pas de suite compris, mais ton oncle, n’était pas celui que tu pensais. Il n’était pas juste un garde du corps lambda, il était plus que ça. Il était en réalité, un agent surentrainé du Mossad. Galvanisé pour tuer, programmé pour toutes sortes de missions, plus dangereuses et sordides les unes que les autres. Tu t’en es rendu compte peu à peu. Au fil des années, de l’entraînement qu’il t’obligeait à faire. Des sports de combat, sports extrêmes jusqu’aux exercices d’informatiques, de piratages, de décryptage de code, en passant par apprendre à tirer ou encore à armer et désarmé des explosifs. Tu n’avais que dix-sept ans lorsque tu as rejoint les rangs du Mossad. T’étais un ado que beaucoup auraient pu qualifier de normal, à première vue. Tu avais le look typique du jeune homme en pleine crise. Les pantalons trop grands, les t-shirts de groupe de rock et les baskets usées. Pourtant derrière toute cette apparence, cette mine de beau gosse négligé que tu te trimballais, tu étais bien plus que ça.

Tu as alors commencé ton entraînement, mettant entre parenthèses une scolarité normale. Tu as été formé à tuer, à exécuter des ordres, à défendre des causes qui n’étaient pourtant pas les tiennes. On t’a fait suivre des études de droit comme couverture. Tu allais à la Fac, avec ton look cette fois très soignée, tes chemises impeccables et tes joues fraichement rasées. Ton sourire en faisait craquer plus d’une, et ton regard perçant lui, observait tout ton environnement, analysait chaque situation, d’un œil expert, d’un œil entrainé. Tu n’avais aucun remords à effectuer ce que tu devais effectuer. Tu as rapidement tué, apprit à torturer, à obtenir des informations par la violence. Ca ne t’as jamais fait gerber. Tu étais programmé pour ça, dès ton plus jeune âge. Tu étais désensibilisé. La violence, la douleur, ce n’étaient plus que de simples informations que ton cerveau n’analysaient plus. Tu étais devenu le parfait petit soldat qu’on voulait que tu deviennes. Tu sors malgré tout major de ta promotion à l’université. Tu te souviens de la remise des diplômes, de ton sourire fier, de ta mine enjouée, de ton regard pétillant, qui cachait pourtant, tant de souffrance. Tu n’as jamais vraiment aimé, tu as toujours été du genre à enchaîner les conquêtes. TU n’avais pas le temps, tu n’avais pas le droit, de t’attacher. C’était dangereux, autant pour celles qui partageaient une nuit passionnée avec toi, que pour ta véritable identité. Tu t’es forgé une carapace. En même temps, ta famille de substitution ne t’avait jamais appris à aimer, ne t’en avais jamais expliqué les subtilités, les plaisir, ce que cela pouvait provoquer chez toi. Alors tu ne t’es pas interrogé, tu as vécu, de passion éphémère, d’amour d’une nuit ou deux.

Tu n’as que vingt-trois ans, et déjà, la normalité tend à disparaître complètement de ta vie. Diplôme en poche, tu es embauché par une société-écran du Mossad, qui veille à ce que ta couverture soit parfaite. Mais jamais tu n’exerceras vraiment le métier que tu as étudié, que tu as appris. Non, désormais, tu étais un agent à part entière. Un agent dévoué corps et âme à la cause. Sauf que ton âme, tu l’avais depuis longtemps vendu. Ta loyauté était sans faille. Tu ne connaissais que ça. On ne t’avait appris à aimer que ça. Une grande famille, que ton oncle disait souvent. Nous sommes une grande famille. Tu enchaînais les missions. Tes résultats étaient excellents et rapidement, tu te faisais repérer par le haut commandement. Tu évoluais, allais sur des missions plus sensibles, plus dangereuses, jusqu’au jour où t’a enseigné l’art de la torture. Tu étais prêt pour ça. Tu étais prêt à apprendre toutes les subtilités de la danse de la douleur, de la chanson de la souffrance. Douce poésie aux oreilles de ceux qui maîtrisaient à la perfection cet art. Tu sombrais, peu à peu, de plus en plus, dans les tréfonds d’une vie que tu n’avais jamais voulu. Que tu t’étais contenté d’accepter, comme un destin auquel on n’échappe pas. Tu devenais plus froid, ton visage devenait plus dur et ton sang-froid, exceptionnel. Plus rien ne te troublais, ne te faisais faiblir ou vaciller. Tu étais devenu celui que tu étais censé devenir.

Mais il est impossible de tout prévoir. De prendre en compte tout les facteur, toutes les faiblesses. Tu n’en avais pas de connues, de faiblesses. On pensait que tu étais juste le parfait soldat, embrigadé pour être froid, dénué de beaucoup de sentiment. Guidé par ta loyauté envers l’agence que tu servais. On te pensait presque machine, presque robot, dont plus rien ne rattachait avec la société actuelle, avec les mœurs d’aujourd’hui. Pourtant, tu allais connaître ta première faiblesse. Celle qui bouleversera à jamais ta vie et cette dernière, se prénommait Taris. Elle aussi était agent, elle aussi avait abandonné, ou simplement jamais expérimenté nombres de choses, dans le seul but de devenir un agent parfait, vouée à servir à l’agence à tout prix. Tu avais alors vingt-cinq ans. Un historique de missions déjà conséquentes et une belle réputation. Taris, elle, n’avait que vingt deux ans, mais un parcours déjà bien rempli. Elle n’était pas aussi célèbre et efficace que toi, mais elle commençait à se faire un nom. Orpheline, elle aussi était sans histoire familiale, apriori sans faiblesse connue. Vous étiez deux machines cruelles. Tu ne saurais, encore aujourd’hui, expliqué ce qui vous a rapproché. Peut être votre histoire commune, finalement. Peut être le fait que votre cœur était vide, tristement vide et que vous aviez simplement envie de découvrir ce qui vous fascinez dans les films que vous pouviez regarder, le soir, en mission, dans un hôtel quelque part dans le monde. L’amour. Ce que cela peut faire d’aimer réellement quelqu’un, de se sentir attaché, d’être prêt à tout pour protéger cette personne. Notion qui vous paraissait si absurde, que vous ne pouviez concevoir. Pourtant, votre cœur s’est mit à battre plus fort l’un pour l’autre. Vous vous êtes aimé, à votre façon. Entre deux missions, entre deux meurtres, entre deux interrogatoires musclés. Vous vous êtes désirés, comme jamais vous n’aviez pu désirer quelqu’un. Vous vous êtes cachés, cachés du monde, cachés de Dieu. Un amour impossible, digne d’un roman. Un amour tâché de sang, de cris et de pleurs. Un amour inconditionnel, aussi fort que destructeur.

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