Anna, fille de tout, fille de rien. Principalement fille de bonne famille, de celles qui portent un grand nom, de celles qui accomplissent de grandes choses, de celles qui restent graver sur les murs d’une petite ville où on a jamais foutu les pieds. Fille cadette de deux parents beaucoup trop jeunes, pas encore assez rassasié par la vie, du genre à courir encore après quarante ans vers des idéaux jamais atteints. Ils n’ont pas fait comme les autres à s’encroûter sur des terres qu’il revendiquaient les leurs. Ils ont goûté au monde, aux aventures, aux rêves, à la vie. Elle a grandie de l’autre côté des frontières, de l’autre côté du monde, loin de tout, loin de rien. Elle avait tout pour être heureuse, mais a échappée aux dons vertueux de ses géniteurs. Enfant turbulente, enfant dérangeante. De celles qu’on regrette un peu, mais qu’on aime pourtant. Elle a jamais marché dans les traces de son frère, elle a jamais pu se laisser faire, pourtant, dans le fond c’est une bonne enfant. Elle a jamais marché dans les traces de son frère, elle a jamais pu se laisser faire, pourtant, dans le fond c’est une bonne enfant. Curieuse de tout savoir, désireuse de tout voir. Dans l’amour généreux d’un père et d’une mère, elle a grandie sans ne jamais manquer de rien.

Puis l’adolescence est passée, puis a filé. Le fils prodige à quitter le nid pour s’envoler vers de nouveau horizons, finissant de creuser le fossé entre lui et sa soeur qui n’a jamais supporté d’être la petite dernière « ratée ». L’âge des expériences a frappé, entre amitié sincères et amours dérobés. Une petite vie de fille tout ce qu’il y a de plus banal. Entre sourires et larmes, pour quelques instants gravés à jamais dans le coeur, pour une vie qui donnait l’impression de tout juste commencée. Aucun nuage à l’horizon, seulement des tonnes d’ambitions, des millions de rêves, des millier d’illusions. Des notes de musiques sur un piano, des mots doux sur des carnets, des photos sur les murs, tant de souvenir qui promettait de rester toute l'éternité. A cette époque elle aimait la vie et tout son lot de soucis, elle aimait ses amis et ses ennemis aussi. A cette époque elle rêvait de changer, de devenir celle qu'elle était en réalité. Malheureusement, parfois, même avec toute la bonne volonté dont on peut témoigner, la vie s'avance un peu trop et vient tout chambouler. Tout s'effondre comme un château de carte, en une journée, en un instant, en un coup de téléphone. D'un battement de paupière tout est balayé, tout disparaît pour rejoindre le néant.

Disparition et dépression. Fini les sourires, fini les rires. Il ne reste plus que les larmes et le goût amer de la tristesse qui se diffuse dans la bouche. Fini la lumière et l'amour d'hier. Il ne reste plus que d'un trou béant dans la chaire, là où il y avait un coeur battant à tout rompre. Ils sont mort, mais elle avec, sombrant dans leurs tombes à l'instant même où le téléphone a sonné. Tout a changé, tout a implosé. Dans cet ouragan elle a renoncé, laissant son frêle écrin de vie se dissiper pour disparaître. Morte vivante, elle erre parce qu'on ne lui laisse pas le choix de les rejoindre. Elle erre parce qu'elle a encore son frère et ce petit morceau de famille qui n'a aucune saveur à ses yeux. Elle erre, parce qu'elle prend des trucs pour essayer de tenir le coup, des pilules aux multiples couleurs, arc-en-ciel fade de désillusion. Elle erre, mais personne ne la vois, elle crie, mais personne ne l'entend, elle pleure, mais personne ne sèche ses larmes. A trop repousser les gens, elle se sent bien seule maintenant.

Elle a tout laissé, tout quitté. Ceux qu'elle aimait, ceux qu'elle enviait. Elle a abandonner sa vie, son île, pour retourner s'enterrer là où elle est naît. Désormais tout rime avec Marple Spring et sa morosité. Petite job pour s'occuper, elle doit réapprendre à s'intégrer pour tout recommencer. Ses secrets ? Elle les garde bien caché, persuadée que porter ce fardeau seule ce n'est rien. Son frère retrouvé, rien à changé, persuadée qu'il ne pourra rien changer. Dans ce qu'elle considère un trou perdu, elle attend désespérément ce que demain pourra lui donner de mieux, mais l'espoir c'est envolé dans les volutes de fumé qui s'échappe des cigarettes qu'elle consume jour après jour, et malheureusement elle ne fait rien pour le retrouver. Elle croit livrer un combat contre le reste du monde, mais cette guerre ne ronge que son coeur sans que les autres n'en prennent conscience et sa rancoeur lui empoisonne le peu de bonté qu'il pouvait lui rester.

« C’était beau avant, là-bas, dans ce pays du bout du monde, sur cette terre qui ne t’a pas vu grandir, mais naître. C’était beau avant, là-bas, au-près d’eux, sous leurs regards bienveillant, sous leurs sourires pleins d’espoir. C’était beau avant, y’a vingt ans quand ton histoire a commencée. D’un claquement de doigt tu aimerais tout retrouver, tout revivre sans rien laisser filer, persuadée que tu serais incapable de refaire les mêmes erreurs, persuadée que cette fois tu sauras en profiter... Mais tu le sais, cette fois c'est fini Anna. Tu n’es plus en quatre-vingt quinze à Marple Spring, à voir le jour au beau milieu d’une famille aux traits parfaits, en deuxième position après le fils prodige. Tu n’est plus y’a dix ans en Nouvelle-Zélande à courir jusqu’à en perdre haleine sans te soucier du reste qui glisse sur toi comme un courant d’air. Tu n’es plus y’a quatre ans à te jeter à coeur perdu dans tes déboires d’adolescente trop insouciante. Non, toi t’es resté bloquée à cette mauvaise année, comme si rien d’autre n’avait existé, comme si ce même jour tu étais nées pour mourir ensuite. Toutes expériences, bonnes ou mauvaises, sont le lot d’une vie. Des rencontres, des pertes, des gens qui passent, des gens qui restent. Il y a surtout les expériences que l’on regrette, celles qui laissent dans la chair un trou béant, sur les lèvres un goût amer, dans le coeur une plaie putréfiante. Des expérience qui nourrissent la rancoeur, celles qui touchent l’orgueil de plein fouet, celles dont on ne peut faire abstraction. Elle suivent le trajet de la vie, collant aux pieds comme un boulet dont on ne peut se défaire facilement, chatouillant l’esprit vindicatif de chaque personne. Toi tu en veux à la terre entière, mais ce n’est qu’envers toi même que tu peux te retourner… »