Mon nom est Romy. Oui, Romy comme Romy Schneider, ma mère était une grande fan. Je suis née à Detroit, une grande ville des États-Unis, dans l'État du Michigan. J'ai aujourd'hui dix-sept ans, mais ça n'a pas toujours été le cas. J'ai grandi dans ce que l'on appelle communément un bordel, oui c'est ça une maison close. Ne vous méprenez pas, non, je n'étais pas une esclave du sexe, loin de là, j'aime à me considérer comme une princesse déchue, éduquée par de nombreuses sœurs et un homme différent des autres. Un homme évoluant selon son propre code.




Grande demeure tout fraîchement restauré, le Happy Pussy a ouvert ses portes il y a de ça vingt et un ans. Ancien hôtel de grand standing il a laissé place à une maison close renommée et hautement fréquentée. L'homme qui dirige l'établissement n'est autre qu'Esteban Ramirez, plus connu sous le pseudonyme de Pepe. Âgé de quarante ans il gère le bordel d'une main de fer. Homme d'affaire né, il a vite laissé tomber le commerce de voitures volées pour ouvrir son propre commerce du plaisir, bien plus plaisant d'après ses dires. Une quinzaine de filles y bossent âgées de quinze à quarante-sept ans pour satisfaire le plus grand nombre. Bibine, Jasmine, Minou et la petite dernière, Lula, la fille de Bébé.

Aujourd'hui est un grand jour pour bébé. Malade comme un chien depuis une semaine il n'en fallut pas plus à Pepe pour comprendre que la charmante demoiselle était en cloque. Manquait plus qu'ça. Il s'assit sur son fauteuil en cuir et appela la réception. Minou répondit. Ramirez lui expliqua la situation et la jolie blonde s'occupa du reste. Quelques heures plus tard le médecin était devant la porte du Happy Pussy, attendant poliment qu'on vienne lui ouvrir. La quarantaine bien entamée, un crâne dégarnit et un tic nerveux qui le faisait cligner des yeux bien plus souvent que la moyenne, voilà donc le chargé de mission, Monsieur Smith, le docteur le plus proche. Il entra et se planta devant la réception, visiblement mal à l'aise de voir la réceptionniste en string léopard, il baissa le regard et lui parla sans jamais ré-hausser les yeux.  « Hmm » toussota-t-il pour marquer sa présence. « Oh pardon je ne vous avais pas vu ! » s'empressa d'ajouter la demoiselle derrière le guichet d'accueil. « Vous êtes le médecin c'est ça ? Venez, suivez-moi. » Sans oser relever la tête le docteur suivit Minou à travers deux escaliers et une bonne dizaine de couloirs. « Nous y sommes. Bébé est dans la 24ème, au fond à gauche. » L'homme acquiesça et avança d'un pas prudent vers la chambre du fond. Ce qu'il y découvrit le dégoûta au plus profond de lui-même. Bâillonnée, attachée, condamnée à un avortement de force. La jeune femme se trouvait ainsi nue sur le lit placé au milieu de la pièce. L'homme chauve inspira un grand coup et ferma la porte derrière lui. Il conclut un accord avec la jeune fille qu'il tenait dans ses bras, et ne pratiqua pas l'avortement.


Elle déambule entre les cris de désir et de désespoir. La petite Lula n'a que huit ans et se complaît déjà  dans cette vie qui s'offre à elle. Petite protégée du plus grand artisan du sexe des environs elle est loin d'imaginer ce que la vie lui réserve, et pour l'instant elle s'en fiche bien, car elle est heureuse. L'école lui est dispensée par les filles du bordel, qui se relaient et lui apprennent des tas d'trucs intéressant, la cuisine est faite par Bibine, une ancienne alcoolique et le ménage c'est elle qui s'en charge. Nettoyer, balayer, astiquer, casa toujours pimpante comme aime à lui rappeler Jasmine, la deuxième plus jeune du Happy Pussy. La dizaine de filles logeant à demeure sont pour elle comme des sœurs, des mamans, depuis que la sienne est décédée. Lula ne connait pas la cause de sa mort, mais ici tout le monde le sait. Pepe est un homme strict. Un homme de parole. Un homme avec qui on ne plaisante pas, et Bébé avait franchi les limites. Elle avait désobéi et s'était royalement foutu de sa gueule avec la complicité de cet abruti de médecin. Elle devait donc payer. Elle devait servir d'exemple à toutes ces autres pétasses.



Assise par terre, elle pleurait à chaudes larmes. Épuisée, respirant difficilement elle essaya de se relever mais n'y parvint pas. Sa jambe était sans doute cassée à cause de ce dernier coup, plus violent et plus puissant que les cinq autres. Lula se trouvait dans sa propre chambre, son visage, son si beau visage, d'habitude si fin, enfantin était boursouflé à force de coups. Ses cheveux d'un blond si clair se retrouvaient parsemés de taches rouge sombre. Son instinct lui disait qu'il n'était pas loin, mais qu'il n'allait pas revenir, non ce n'était pas aujourd'hui qu'il allait en finir avec elle, ce n'était pas son heure. Personne n'était censé la toucher avant ses dix-huit ans sous ordre du patron de l'établissement. Personne. Ramirez avait été clair. Il serait le premier à poser ses mains sur elle. Le premier à l'effleurer et la chevaucher. Les filles s'étaient chargées de son cas. Ce fou furieux ne remettrait plus jamais les pieds ici.

Cela fait maintenant dix-sept que Lula vit ici. Dix-sept années qu'elle ne serait qualifier. Sont-elles les plus belles de sa vie, ou bien les pires ? Elle n'en a pas la moindre idée. Mais ce dont elle est sûre, c'est que les filles vont lui manquer. Cet endroit dans son entièreté va lui manquer, aussi horrible soit-il.
Les filles lui ont fait ses valises. Lula doit s'enfuir. Il en va de sa vie et de son bien être. Elle doit partir, seule. Pas forcément loin, une petite ville juste à côté suffirait. Marple Spring serait la ville parfaite, il paraît que l'ont y vit bien, que la vie y est facile.