Par un jour pluvieux de Mai 1979, Morgana a vu le jour dans la grande et belle ville de Perth, en Écosse. Situé près de cette capitale du Council Area, le village dans lequel elle a vécu toute son enfance ainsi que son adolescence était surplombé par une petite colline sur laquelle se hissait fièrement l’un de ces célèbres châteaux écossais qui appartenait à la famille McLaren depuis bien des siècles. Grande bâtisse entourée de quelques prés inoccupés, qui accueillait parfois quelques touristes grâce au bon vouloir d’un homme prénommé Henry McLaren, qui n’était autre que le père de Morgana, ayant hérité de la demeure après son propre géniteur.
Il s’agissait d’un père très présent pour cette fillette qui faisait toute sa fierté. Elle en était d’ailleurs très proche, et était sans cesse avec lui, lorsqu’il n’était pas occupé par son travail ou par quelconque autre activité qui n’était pas faite pour une fille de son âge. En revanche, elle était moins proche de sa mère, Tracy. En effet, cette dernière était beaucoup plus occupée que son époux malgré la charge de ce dernier, et quand bien même Morgana n’avait pas autant de points en commun avec elle qu’avec son père, avec qui elle partageait déjà cette passion aussi fabuleuse qu’elle soit : Celle du cheval.
Elle était heureuse, à cette époque. Elle avait ce qu’elle voulait, bien que pas capricieuse pour deux sous, elle n’en demandait pas beaucoup. Elle vivait dans un château, ce qui lui donnait l’occasion de se pavaner un peu auprès de ses amis à l’école, et elle avait des parents formidables.
Lorsqu’elle n’était âgée que de cinq ans seulement, sa mère mit au monde prématurément la petite sœur de Morgana, tant attendue par celle-ci ; Grace. Sa naissance prématurée lui avait causé quelques soucis de santé, notamment au niveau du clapet de l’estomac qui n’était encore apte à se refermer lorsque le nourrisson était allongé. Ce qui aura valu des pleurs incessants les nuits, des visites fréquentes chez plusieurs pédiatres ainsi que beaucoup de patience de la part de chacun, mais surtout de Morgana : Car en effet, Grace avait prit tellement d’importance quant à ses problèmes de santé que l’ainée était quelque peu délaissée par ses parents. Ils s’occupaient tellement de sa petite sœur, qu’ils semblaient presque en avoir oublié qu’elle était là. Mais de son côté, elle comprenait. Et elle se disait que lorsque Grace guérirait, la vie reprendrait son cour normalement.
Mais elle se trompait, malheureusement.
Les années passèrent, et Grace fut enfin guérie. Devenue le centre d’attention de Tracy, elle était devenue une fillette modèle pour elle, tant elle présentait toutes les qualités que la matriarche avait toujours désiré chez l’un de ses enfants. Coquetterie, ambition, un contact facile avec les gens, et d’autres petites choses de ce genre qui faisaient d’elle une vraie petite princesse. Ce que Morgana, elle, n’avait pas. Ou du moins, pas autant. Elle fut alors bien vite délaissée par sa mère dont les yeux ne brillaient que pour sa petite Grace. Son père était revenu vers elle, quant à lui, ce qui compensait énormément l’absence de sa mère. Mais lui, il aimait ses deux filles aussi bien l’une que l’autre.

Les années filèrent et continuèrent sur ce chemin, jusqu’à l’adolescence de Morgana où elle a commencé à s’affirmer telle qu’elle le souhaitait. La jeune fille avait développé des gouts particuliers pour certains styles musicaux tels que le Hard Rock ou bien même le punk, et a donc commencé à s’habiller en conséquence. Blousons en cuir, jeans déchirés, bottines noires et bijoux cloutés, principalement. Ce genre de comportement avait fortement déplu à Tracy, qui ne trouvait tout simplement pas sa fille à son gout. D’après elle, Morgana n’était pas assez féminine, et n’exploitait pas ses atouts de jeune fille. Dès ce moment, elle a alors commencé à la couvrir de remarques qui en étaient presque désagréables tant elles étaient poussées contre elle. Mais la jeune fille n’en prenait pas réellement compte pour le moment, car à ses côtés, il y avait toujours son père sur qui elle pouvait compter, et qui d’autant plus avait eu une adolescence semblable, baignée dans le vieux rock de ses années de jeunesse.
Constatant que sa fille commençait à ne plus se sentir à sa place, Henry s’est rapproché d’elle jusqu’à avoir sa préférence. Il la couvrait de bonnes attention, et lui avait même offert ce qu’elle désirait depuis tant de temps : Son propre cheval, un hongre alezan nommé Rocinante, à prononcer à l’italienne. Le château possédant ses propres écuries, elle avait alors l’occasion de l’avoir à la maison, près d’elle, sans passer par le biais de son centre équestre.

La famille était désormais brisée en deux morceaux, en deux clans distincts. Les disputes entre les deux parents commencèrent bien vite à fuser dans le grand domicile, tandis que leurs deux enfants soutenaient chacun de leur côté le père ou la mère, tel un combat de boxe sans fin. Morgana ne s’était jamais vraiment entendue avec Grace principalement à cause de la place trop importante qu’elle avait occupée auprès de sa mère durant son enfance, et cela ne faisait que s’aggraver avec le temps. Les McLaren n’était plus une famille, mais deux gangs respectifs qui se faisaient la guerre sans cesse.
Par un sombre matin de Novembre, alors qu’elle était âgée de dix-huit ans, Morgana apprit une triste nouvelle qui bouleversa sa vie entière : Le décès de son père. L’homme avait succombé dans son sommeil à une attaque cardiaque qui lui fut fatale, et sa fille en avait été complètement anéantie. Elle était maintenant seule dans la bataille, qui la confrontera à sa mère et à sa sœur les jours à venir.
Mais ce n’était sans compter sur ce que l’on put appeler la cerise sur le gâteau : Henry, possédant une fortune assez élevée d’argent, ainsi que toutes les terres avoisinant le domaine, avait tout léguer à son ainée, en conséquence de cette guerre contre sa femme et sa cadette. Il avait précisé dans un testament vieux de plus d’un an qu’il souhaitait qu’elle soit heureuse, et qu’elle ait la vie qu’elle avait toujours mérité d’avoir. Ce qui déplut fortement à Tracy, qui vit alors naitre en elle un puissant désir de vengeance envers qui Morgana qui, d’après elle, ne méritait pas toute cette fortune. Sauf que jamais elle ne la mentionna lorsqu’elle continua ses remarques désagréables et le don du sale boulot à son ainée dans l’enceinte du château.

Incapable de lutter seule contre la place trop importante qu’avaient Tracy et Grace dans le foyer, Morgana se rabaissa à leurs exigences mais bien évidemment contre son hébergement au château malgré son âge. Car la jeune femme savait pertinemment que si elle refusait de faire quoi que ce soit, elle serait bien vite virée de chez elle sans aucun scrupule.
Le temps poursuivi son cour et l’absence du père de Morgana se faisait chaque minutes de plus en plus intenable, et douloureuse.
Mais un beau jour, alors qu’elle était constamment occupée par ses études, Morgana n’avait plus de temps à consacrer au seul être qu’il lui restait en souvenir de son père : Rocinante. Elle était en effet de moins en moins présente, et fut alors contrainte d’engager un groom afin de s’en occuper lorsqu’elle ne le pouvait pas. Celui qu’elle engagea alors était un jeune homme anglais un peu plus âgé qu’elle, prénommé Stan. Elle l’avait contacté par téléphone, mais cependant, une semaine se déroula sans qu’elle ne puisse le contacter, durant laquelle elle l’avait tout de même fait venir, à cause d’examens bien trop importants pour qu’elle puisse se permettre de faire un tour aux écuries. Mais un jour, alors qu'elle avait fini un peu plus tôt et qu'elle pût prendre un peu de repis, l'idée d'aller voir son cheval lui traversa l'esprit. Lorsqu'elle pénétra dans l'écurie, il était là, en train de s'occuper de la selle de Rocinante, ayant manifestement fini le repaillage. Et à partir de cet instant, Morgana sentit en elle comme une douce explosion de chaleur lorsqu'il leva les yeux vers elle. C'était quelque chose qu'elle n'avait jamais connu, et qui pourtant était plutôt agréable : Un coup de foudre, vraisemblablement. Après l'avoir salué tout en se présentant, elle prit plaisir à discuter avec lui, ressentant une certaine sensation de légèreté qu'elle n'avait connue qu'avec une seule personne auparavant : Son père.
Les jours passèrent, et Morgana s'arrangeait comme elle le pouvait pour passer à l'écurie, rien que pour voir Stan. Puis au fur et à mesure que le temps filait, une relation amoureuse vit le jour entre eux deux, au plus grand bonheur de la jeune femme qui avait enfin trouvé quelqu'un sur qui s'épauler, à qui se confier quand rien n'allait. Elle était heureuse, épanouie, malgré le fait que ce soit une relation cachée à sa mère et à toute autre personne.

Mais cela ne pouvait durer.
Un beau soir, alors que Morgana avait à nouveau rejoint Stan aux écuries, elle avait été discrètement suivie par Tracy qui, durant ces dernières années, avait bien deviné que quelque chose avait changé en son ainée. Elle était plus souriante, malgré toutes les corvées, plus vive et plus épanouie. Mais l’idée de vengeance quant à la fortune qu’elle avait reçu et qu’elle avait bien évidemment protégée était toujours là chez la matriarche, et elle comptait bien le lui faire payer. Alors sans plus attendre, elle découvrit la personne que Morgana fréquentait et qui semblait la rendre heureuse malgré les efforts qu’elle faisait de son côté pour contribuer à lui pourrir la vie. Une idée noire et malfaisante lui vint alors à l’esprit, tandis qu’elle s’absenta quelques minutes pour aller manifestement récupérer quelque chose dans l’enceinte du château.
Lorsqu’elle revint, elle surpris alors le jeune couple dans une discussion importante qui fit naitre un rictus carnassier sur son visage. Elle observa alors à travers l’un des espaces ouvert dans le bois Stan passer la bague au doigt de sa fille. Qui était alors désormais fiancée.
Mais plus pour longtemps.
Alors que le palefrenier commençait à proposer à Morgana de profiter de ces fiançailles pour s’échapper de cette vie de souffrance, Tracy fit alors une entrée brutale dans l’écurie, sifflant ces mots qui resteront à jamais douloureusement gravés dans la mémoire de la jeune femme : « Tu n’iras nulle part, Morgana. »
Et s’en suivit alors un drame auquel elle eut peine à croire, tant le coup de poignard avait été porté avec rapidité, sans crier gare, emportant son fiancé avec lui, ainsi que tout l’avenir heureux que la jeune femme aurait pu avoir. Tout ce bonheur, tout ce qu’elle avait commencé à construire s’était envolé aux cieux à cause du poignard que tenait sa mère et qui s’était enfoncé avec vivacité dans la poitrine de Stan. Tracy avait eu sa vengeance, et commençait déjà à déblatérer tout un tas de reproches concernant l’héritage à Morgana. Mais cette dernière n’écoutait pas, détruite et effondrée, serrant le cadavre de son amant contre elle en laissant ses larmes se rependre sur son visage. Elle n’avait plus rien, dès à présent. Et elle comprit enfin que jamais elle ne pourrait vivre comme elle l’entendait, tant le destin semblait s’acharner sur elle.

Le lendemain de ce drame, elle contacta la police, ce qui valut alors une arrestation de Tracy à cause des preuves qu’elle avait laissé, notamment sur l’arme du crime. Condamnée à quelques années de prison, elle était pour le moment hors d’état de nuire, mais pas la sœur de Morgana qui était en voyage pour ses études lorsque tout s’est déroulé.

Une forme de peur et de paranoïa naquit en Morgana, qui jugea alors bien mieux de partir de son pays natal, pour s’isoler en Angleterre, après avoir vendu son cheval à une bonne famille, et avoir laissé le château à l’un de ses oncles. Désormais, sa vie était devenue noire et amère, et son caractère avait quelque peu changé pour se transformer en une carapace froide et cynique. Il ne lui servait plus à grand chose d’être gentille, naïve et de se rabaisser aux autres comme elle l’avait fait après de sa mère.
Grâce à ses études, et à quelques petits stages par-ci et par-là, elle parvint à se hisser au rang de mairesse d’un tout petit village anglais, près de Londres, comptant moins de deux cents habitants. Ce village en manquait, et elle n’avait pas hésité à sauter sur l’occasion. Elle fut élue deux fois de suite, mais quelque chose manquait énormément à sa vie. Quelque chose qui, elle le savait, pouvait l’aider à supporter l’absence des deux personnes qui lui avaient été importantes dans sa vie. Sa passion des chevaux lui manquait.

Après son second mandat, elle partit alors en Amérique, souhaitant quitter l’Europe pour voir davantage d’horizons, et passa son monitorat là bas afin d’enseigner l’équitation. Après avoir parcouru beaucoup de petites annonces, elle découvrit l’existence d’une petite ville ; Marple Spring. Un endroit plutôt charmant, calme et tranquille dans lequel se trouvait un ranch qui recherchait un moniteur.
Elle avait sauté sur l’occasion sans hésitation, et s’y était rendue pour finalement décrocher l’emploi qu’elle désirait tant. Elle s’était alors acheté une petite maison bien sympathique grâce à ses économies d’argent, et avait dès lors commencé son nouveau travail, auprès de nouvelles personnes, de nouveaux paysages.

Cela fait désormais un peu moins d’un an que Morgana se trouve à Marple Spring, et elle souhaite y rester. Elle s’y plait, et malgré son attitude réservée et la solitude dont elle fait preuve, elle semble s’être faite aux individus de la ville, du moins la plupart en tout cas. Bien que pour le moment, elle n’a jamais été cernée telle qu’elle est réellement, et est toujours vêtue de cette carapace sous laquelle elle enferme une toute autre femme. Elle n'était plus la même, et ce depuis la mort de son fiancé.

Un passé douloureux qui aura fait d’elle une femme brisée, malgré ce qu’elle en laisse paraître.