- « Regarde ! »

Levant les yeux et tournant la tête, je me fais presque un torticolis pour essayer de voir ce que ma sœur me montre. Un instant, je pense qu'elle me pointe du doigt le lézard profitant, comme nous, du soleil sur le mur de la maison, puis je réalise que c'est la fenêtre qu'elle pointe. Papa et maman se tienne derrière, enlacés, et nous observe avec cette tendresse que seul des parents savent exprimer. Leur souriant, je leur adresse alors un signe de la main avant de fermer mes paupières et de profiter du soleil sur ma peau. Mes parents ne sont pas comme les autres, ils ne parlent pas, du moins pas avec des mots, mais ils n'ont pas besoin de ça pour nous exprimer leur amour à ma sœur et moi. Bien au contraire. Je sais que pour Sally ce n'est pas toujours facile comme situation, elle est plus petite que moi et les autres enfants ne sont pas toujours gentils, mais moi, je ne les écoute plus. Des fois, il m'arrive même de leur dire que oui, mes parents sont sourds et alors. Qu'est-ce que ça change ? Avec le temps, j'ai appris à ne plus me préoccuper de ce que peuvent penser les autres et j'espère que Sally y arrivera aussi, je n'aime pas qu'elle soit triste à cause de ce qu'ils peuvent dire, mais je ne peux pas non plus la protéger autant que je le voudrais. Elle est en primaire, moi déjà au collège et du coup, je ne peux pas être prêt d'elle dans la cours de récréation pour faire taire les moqueurs. Par contre, je suis là les soirs pour la consoler, les matins pour l'accompagner à l'école et les week-ends pour jouer avec elle et la faire sourire. C'est sûrement déjà mieux que rien non ? Sa main se glisse alors dans la mienne et serre mes doigts comme pour me confirmer que c'est déjà bien. Je souris et finis par m'assoupir, bercé par le vent.


Elle s'est disputée avec ses amies à cause de nous.

Pinçant les lèvres, je regarde ma mère sans savoir quoi lui répondre. Ce n'est pas la première fois, mais c'est le genre de nouvelle que je n'aime jamais entendre quand je rentre à la maison et que je demande ou se trouve ma sœur.Finalement, je tourne les talons et monte jusqu'à la chambre de ma sœur pour aller lui parler, mais lorsque j'en pousse la porte, je la trouve endormis à son bureau. Je redescends alors au salon sur la pointe des pieds.

Elle dort à son bureau.
Je vais monter la coucher.

Regardant mon père quitté la pièce, je me dis que ce n'est pas juste. Hier encore elle était si joyeuse quand on jouait ensemble dans le jardin et aujourd'hui, il faut que ses amis gâchent tout. Mais est-ce qu'on peut vraiment les appeler des amis en fait ? Secouant la tête, je décide de ne pas y penser. Ma mère pose alors sa main sur mon épaule pour attirer mon attention et me désigne le canapé. Intrigué, je m’assois en devinant qu'elle a quelque chose d'important à me dire.

J'ai trouvé du travail, mais on va devoir déménager.
Loin ?
Oui. Aux États-Unis.

J'ai l'impression que le poids du monde vient de me tomber sur les épaules. Déménager aux États-Unis ça veut dire, devoir dire adieu à tous mes amis, ça ne me plaît pas. Non vraiment pas. Je quitte alors rapidement la pièce pour monter me réfugier dans ma chambre. Je sais que c'est une chance pour ma mère, mais moi, je ne veux pas partir. Paris, c'est chez moi, j'y ai mes habitudes et je n'ai jamais habité ailleurs en quinze ans de vie. Pourtant, je n'ai pas le choix de suivre le mouvement et c'est le cœur lourd que, à peine un mois plus tard, je me retrouve dans un avion pour l'Amérique avec ma famille. Ma sœur n'a pas l'air forcément plus réjouis que moi, mais elle le montre sans plus.


Soupirant, j'éteins mon ordinateur et me laisse aller au fond de mon siège de bureau. Je savais que venir faire mes études à San Francisco ne serait pas facile, mais je ne pensais pas que faire des vidéos conférences avec ma famille me pèserait autant. Je pensais que ça suffirait à combler le manque de leur présence, mais finalement ce n'est vraiment pas comme les avoirs en face de moi. Soupirant de nouveau, je décide de sortir sur le campus pour me changer les idées et quitte ma chambre, pour aller faire un tour. Seulement absorbé que je suis dans mes pensées, je ne fais pas vraiment attention à ce qui se passe devant moi et je percute de pleins fouets une fille passant par là. Cette dernière en lâche à terre les bouquins qu'elle tenais dans ses bras et, furieuse, commence à m'incendier. Je n'ai même pas le réflexe de m'excuser parce que, lorsque je croise son regard, la seule chose à laquelle je pense, c'est qu'elle est vraiment belle. Tellement belle que je la prends de court en lui proposant de lui offrir un verre pour me faire pardonner. Surprise, elle se met à bafouiller et finalement accepte l'invitation pour mon plus grand plaisir. C'est ainsi qu'autour d'une boisson, j’apprends qu'elle s'appelle Katherine, qu'elle est étudiante en littérature, et… Je l'écoute parler d'elle sans m'en lasser. Une heure, un jour, une semaine, un mois… Le temps passe, mais je ne me lasse toujours pas de sa compagnie, bien au contraire et, un jour, je la demande en mariage. Ça peut sembler précipité après seulement un an de vie de couple, mais l'année suivante, je pars pour New-York et je veux qu'elle vienne avec moi, je veux qu'on emménage ensemble et je veux lui prouver que je suis prêt à m'engager avec elle. Elle accepte et, quelque mois plus tard, on se marie. Pas de grande cérémonie pour nous, ni même de préparatifs extravaguant, on fait ça dans une petite chapelle avec juste nos deux familles respectives, puis le lendemain de notre nuit de noces, on emménage ensemble à New-York. Je vais commencer intégrer une université pour faire des études de médecine et elle va bosser pour un petit journal indépendant. On a la vie devant nous et elle nous sourit.


Main fermée autour de celle de ma femme d'un côté, et de ma sœur de l'autre, je regarde le cercueil descendre en terre. Ça a été rapide, ça n'a pas prévenu, ça nous est tombé dessus et on accuse le choc. Notre mère a Sally et moi est morte d'un accident vasculaire cérébral. Je me rappelle encore du coup de fil de ma sœur, en pleine nuit, pour m'annoncer la nouvelle. Moi qui voulais les appeler le lendemain pour leur annoncer la grossesse de mon épouse, j'ai soudain beaucoup plus de mal à me réjouir de l'arrivée future de mon enfant. Bien sûr, elle ne pourra pas allaiter notre fille, mais ce n'est pas la mort n'est-ce pas. Pourtant, neuf mois plus tard, lorsque ma fille voit le jour, je ne peux que sourire en la prenant dans mes bras. Comme beaucoup de pères, je la qualifie comme le plus beau bébé du monde et je le pense sincèrement. Mais tout n'est pas rose, je le devine à l'expression de la sage-femme, si elle essaye de se réjouir avec moi de la naissance de ma petite Chloé, elle semble aussi attristée par quelque chose. Quelque chose qu'elle ne me dit pas, mais qui marque les traits de ma femme lorsque je la retrouve dans sa chambre. C'est finalement elle qui m'annonce la nouvelle. Elle a un cancer. Mon cœur se serre, mais j'essaye de positiver, ça se soigne bien à notre époque, elle va faire de la chimiothérapie et tout ira bien. Bien sûr, elle ne pourra pas allaiter notre fille, mais ce n'est pas la mort n'est-ce pas. J'essaye de rester optimiste pour deux, et ce, pendant tout le temps où elle combat la maladie. Il y a des phases où elle en a d'autant plus besoin et ou c'est difficile pour moi aussi, mais on ne baisse jamais les bras. On pense même un instant que tout va s'arranger. En effet, elle se trouve être assez en forme pour être présente au mariage de ma sœur. Mais… En tant que futur médecin, je devrais comprendre ce qui se passe. Elle est dans cette période blanche par laquelle passe tous les malades en stade terminal. Cette période plus ou moins longue au cours de laquelle ils se sentent bien, comme guéris de tout leur souci. Une période qui malheureusement ne dure jamais. Ainsi, un mois après les noces de ma petite sœur mon épouse s’éteint dans son sommeil et me laisse veuf avec une petite fille à charge. Petite fille de tout juste une année et demie.


Se remettre de quatre ans de vie commune et se reconstruire d'un décès ce n'est jamais facile. Pourtant, il me faut garder la tête hors de l'eau. Pourtant, il me faut garder la tête hors de l'eau. Heureusement, mon père est venu s'installer chez moi et m'aide. À la base, il était surtout là pour suivre un essai clinique, mais sa présence est un réel soutient. Ma vie s’agence ainsi à présent. Entre ma fille et mes études, puis mon travail et ça dure de la sorte jusqu'aux vingt-cinq ans de ma sœur, ou presque. En effet, six mois avant son anniversaire notre père décède. Je me félicite alors d'être revenu m'installer à Marple Spring ce qui m'a rapproché de ma sœur et nous permet de faire notre deuil ensemble. Ça nous permet aussi de nous entre aider. Moi, je la soutiens face à l'absence de son mari parti en mission et elle m'aide avec ma fille. Pourtant, j'ai beau faire tous les efforts du monde, je ne me révèle pas le meilleur des soutien lorsqu'on lui annonce que son mari a été blessé en mission. Si j’étaie capable de lui changer les idées en son absence, je m'en révèle incapable face à sa santé mise à mal. Elle vit alors quatre mois de cauchemars qui sont aussi quatre mois d'inquiétude pour ma part. Mais le pire reste la façon dont se clôturent ses quatre mois. Une demande de divorce. Quand je l'apprends, je ressens une irrépressible envie d'aller coller mon point au visage de mon beau-frère. Ma petite sœur vient de frôler la dépression pour lui et tout ce qu'il trouve à faire, c'est de la laisser tomber. Je bous et ça ne va pas en s'arrangeant lorsque ma sœur et ma fille ont un accident de voiture. Si la seconde s'en sort, à mon grand soulagement, avec quelque ecchymose seulement, il n'en est pas de même pour ma petite sœur. Un instant, je crains de la perdre et je crains qu'elle n'ait volontairement provoqué ce drame. Puis je me résonne en pensant qu'elle n'aurait jamais volontairement mis la vie de sa nièce en danger. Pourtant lorsqu'elle m'annonce son départ pour Paris, j'en suis heureux, enfin à moitié. D'un côté, cela veut dire qu'elle va reprendre sa vie en main, passer à autre chose, mais en même temps, ça signifie aussi qu'on va vivre sur deux continents opposés. En effet, je décide de ne pas la suivre, j'ai un travail ici, une vie et je ne veux pas faire vivre un changement de continent à ma fille. Il faut donc qu'on se dise au revoir.


Assis à mon bureau, je ressasse m'a discutions avec ma sœur pour l'énième fois. Elle rentre. Étrangement, je n'arrive pas à m'en réjouir. Bien sûr, je suis content de la revoir, mais je sais aussi qu'Harley est en ville et j'ai peur qu'il ne la refasse souffrir. Chloé, elle évolue autour de moi en chantonnant toute guillerette. Quand je lui ai dit que sa tante rentrait, elle n'a pas hésité sur la réaction à avoir elle. Soupirant, je passe une main dans mes cheveux et décide qu'il me faudra avoir une discutions avec ma sœur lorsqu'elle sera en ville. Ce que j'ai l'occasion de faire quelque semaine après son coup de téléphone seulement la conclusion de notre discutions ne me rassure pas quant à l'avenir et me persuade juste de garder un œil sur ma petite sœur.