Observant l'horloge qui tournait au dessus de la télévision dans le salon, alors que j'entendais mon père faire la cuisine dans la pièce à côté, je finissais par me lever sans bruit du canapé pour au final partir par automatisme dans ma chambre. J'en pouvais plus, de me mentir à moi-même. De mentir à mon père, de mentir à ma mère, à tout le monde, et de cacher ce que je ressentais pour ce garçon, trop loin de moi, que j'aimais. Soupirant doucement, je prenais mon iPhone dans ma main assez calmement avant d'aller sur mon répertoire dans les « D ». Dylan. J'appuyais simplement sur son nom. Une sonnerie. Une autre. Aucune réponse. Perturbé par le manque de réponse, je rappelais une seconde fois et une voix de femme décrochait à la seconde sonnerie. « Excusez moi, vous êtes qui ? » « Oh, désolé. Je suis la copine de Dylan, il est à la douche là. Et vous ? » « Euh.. Je suis son copain. » Il y eu comme un blanc à l'autre bout du fil et j'entendis finalement la jeune femme appeler Dylan, lui demandant s'il avait pas encore fait ce qui était prévu. Et finalement, j'entendis sa voix, à lui. Je ne su pas pourquoi, mon cœur me fit comme immédiatement mal. « Ta copine ? » « Dans le sens ma pote, Kyle. Pourquoi tu m'appelles ? » « Ta voix me manquais.. Excuse moi de te déranger. Je t'aime Dylan. » J'avais raccroché presque aussi vite, lâchant le téléphone sur mon lit avant de finalement soupirer. Quel con je faisais, quel con j'étais, totalement stupide.

Mon téléphone sonnait une fois, je ne répondais pas. Une seconde. Puis une troisième, et ce fut à ce moment que je me décidais de décrocher. Et sa voix vint à nouveau à mes oreilles. « Pourquoi tu m'as raccroché au nez ? » « Je croyais que t'étais occupé. » « Kyle. Mes occupations passent après toi. » Menteur. Je secouais la tête en m'asseyant sur le lit calmement. « C'est qui cette fille ? » « Elle s'appelle Stella et.. Kyle. Tu peux pas m'en vouloir. On a jamais rien fait, toi et moi. Et ça fait trois ans, putain, trois ans que je t'ai pas vu. J'en peux plus d'attendre. » J'avais posé ma main sur ma bouche, essayant d'être silencieux même si mes larmes se mettaient à couler sur mes joues. « Pourquoi t'es aussi silencieux ? » Essuyant mes larmes avant de souffler assez doucement, je m'apprêtais à parler quand il me posait encore une question. « Tu pleures ? » « Non tu crois ? Tu me sors juste tranquille, comme ça, que tu me trompe mais.. Putain. » J'avais une seconde fois craqué, me remettant aussitôt à pleurer alors que je l'entendais seulement respirer à l'autre bout du téléphone. « Kyle.. S'il te plaît pleure pas. J'ai juste.. Putain. Je suis un mec, j'ai vingt-deux ans et j'ai des besoins.. Et t'es même pas encore majeur. » « Si, je suis majeur, connard, t'as même pas été foutu de me souhaiter mon anniversaire. » J'avais raccroché une milliseconde plus tard, essayant de me calmer. J'avais toutes sortes d'émotions qui passaient d'un coup à travers mon cœur. La haine, la tristesse, la honte aussi. Mais une autre fut plus que les autres lorsque je reçu son message, il avait trouvé un appartement. Et il allait venir à Marple Spring pour moi. Le dégoût. Oui, il me dégoûtait. Il me dégoûtait parce qu'il jouait avec moi, il me dégoûtait parce qu'il essayait de me garder près de lui et qu'il savait que ça fonctionnerait. Il me dégoûtait parce qu'il me faisait du mal. Mais surtout, je me dégoûtais. Je me dégoûtais de le haïr de cette façon. Mais pire, je me dégoûtais de l'aimer, malgré tout ce qu'il me faisait.


En observant ces photos, allongé dans mon lit à observer les murs, je ne pus pas m'empêcher de repenser à ce qui m'avait fait devenir comme j'étais maintenant, lorsque j'avais quinze ans. Je me souvenais de Jordan, comme si c'était hier. Mon meilleur ami, depuis que j'avais dix ans d'ailleurs. Je l'avais connu des amis de mon père, ou alors de ceux de ma mère ? Il était venu en vacances chez moi et j'avais du partager mon lit avec lui, j'avais pas trop aimé ça d'ailleurs. Mais cinq ans après, j'avais demandé moi-même à sa mère si je pouvais dormir avec lui, chez lui. On avait finalement été chez Dylan, on avait bu comme des trous du cul, et il ne nous en avait pas empêché même s'il avait dix-neuf ans et qu'il était censé être responsable de nous. On était complètement déchirés, et Dylan également d'ailleurs. Et lorsqu'il avait voulu nous ramener chez Jordan, il s'était passé cette chose horrible qui avait fait que j'avais haïs ces vacances du plus profond de mon cœur. C'était le deuxième mois que je passais à Beacon Hill, chez Jordan. Et ce fut la première et dernière fois que je fis l'erreur de boire. Je m'étais réveillé dans un lit d'hôpital, dans une chambre d'hôpital même. Dans le lit d'à côté, il y avait Jordan. Il était dans un état pitoyable par rapport à moi. Et Dylan était là, à coté de moi, avec des bandages à – presque – chacune des parties de son corps. Je l'avais regardé quelques secondes, et puis je m'étais levé.

Dylan avait les larmes aux yeux en me voyant éveillé, ce fut que plus tard que j'appris le temps que j'avais passé dans cette sorte de coma. M'approchant du lit de Jordan alors que je sentais clairement que mes jambes allaient me lâcher, je prenais sa main dans la mienne doucement en regardant finalement les machines, puis posant finalement ma tête contre sa poitrine. Aucun son. Absolument aucun. « Il respire pas ? Pourquoi il respire pas ? Dylan ! » « Ses parents viennent de le débrancher... » Je m'étais redressé, essayant de comprendre ses mots alors qu'il s'approchait de moi. Finalement, je finis par entendre ce qu'il laissait passer par sa phrase. Hochant négativement la tête, je finissais par lâcher la barre à laquelle je me tenais et qui était mon seul appui. Posant ses mains à ma taille, Dylan me retint presque automatiquement en me prenant contre lui, j'étais complètement anéanti, décimé et brûlé vif de l'intérieur. La raison ? Je venais de perdre mon meilleur ami, mon frère en quelques sortes. Juste pour une connerie. Dylan m'avait gardé contre lui, me parlant doucement. « S'il te plaît Kyle, pleure pas.. Je t'en prie, ça fait dix jours que vous.. Que vous êtes comme ça. J'avais tellement peur de te perdre. »

En repensant à ça, je ne pus pas m'empêcher de me mettre à penser au reste, quand j'étais rentré à Marple Spring. Quand je ne pouvais plus tenir, que je n'avais même pas Dylan pour me dire qu'il était là, que je comptais pour lui, que je ne devais pas chuter. Je me souvenais de ce soir-là, où mon père et sa femme étaient partis au restaurant tout les deux. Et où j'avais avalé tout ce que j'avais pu trouver comme médicaments dans l'espoir que ça me tue, que ça éteigne chacune parcelle de mon corps jusqu'à la dernière. Malheureusement, ou c'est ce que j'avais pensé sur le moment même, ils étaient entrés quelques secondes avant celle où je me suis endormi, sous l'effet des somnifères. Et en voyant les boîtes vides, certainement, mon père m'avait conduit immédiatement à l'hôpital. Mais je savais pas que c'était pas un hôpital comme les autres, et en plus de ça il n'était même pas à Marple Spring, il m'avait éloigné de lui, au maximum.

Les secondes semblaient être des heures, longues et chiantes, à m'ennuyer à un point où j'en venais même à me demander si, si j'avais un stylo, j'arriverais à dessiner correctement sur la face plane qu'était le mur. Je pense que l'année que j'ai passée à l'hôpital psychiatrique était la pire de ma vie, j'aurais à la limite préféré avoir cours, même le week-end, qu'y rester une journée de plus. J'étais l'un des plus jeunes, pour ne pas dire le plus jeune, et les personnes s'y trouvant s'amusaient seulement à me frapper, voir me faire du chantage pour qu'ils puissent me prendre tout ce que j'avais. Je me retrouvais après avec deux, trois jours sans rien manger. Et j'étais mort de peur, je haïssais l'endroit où j'étais comme si j'y avais toujours vécu, j'avais tellement envie d'en sortir que j'en dormais presque plus. Mon père l'avait remarqué, quand il était venu me voir au bout de six mois. Mais il m'y avait laissé.

Et ce fut à ce moment que je commençais à me rebeller, disant tout ce que je pensais aux personnes qui étaient censées me surveiller. Ce qui faisait que je finissais souvent attaché au lit de ma chambre, sous sédatif ou alors on m'injectait des médicaments qui me shootaient totalement, qui me droguaient au point où je ne pouvais même pas dire comment je m'appelais, parce que je m'en souvenais pas. Mais quelques mois après, ils finirent par m'arrêter ce cauchemar. Mon père avait demandé à me récupérer, il m'avait surpris, mais je le fut moins en sachant pourquoi. Pourquoi ? Il trouvait que dans cet hôpital, tout le monde était, avec moi, beaucoup trop gentil.


Je finissais par me rappeler d'avant l'hôpital, les conneries que j'avais pu faire m'avaient conduit à faire des travaux d'intérêt général. Je portais tout les jours une combinaison orangée, à Beacon Hill, et je nettoyais les conneries de d'autres délinquants. Mais comment ? Avec mes mains, on me prenait pour un chien et les autres gosses qui les faisaient avec moi ne bossaient pas plus que des tétraplégiques. Cependant, ces travaux furent la cause de ma rencontre avec Dylan. Je me rappelle lorsque je l'ai rencontré, j'étais en train de nettoyer un tag sur un mur sans prêter attention aux trois autres imbéciles qui étaient censés travailler avec moi. Et il était passé, s'approchant de moi en me regardant de haut en bas, avant de me taper sur les fesses puis d'approcher son visage de moi. « Travaille, femme. T'as un joli cul mon gars, c'est un plaisir de voir ça. » « J'apprécie le compliment, j'apprécie moins tes mains, connard, bouge. » « C'est qu'il a du vocabulaire le gosse. T'as quel âge ? » « Et toi ? » « Dix-neuf ans. Je suis ravi de te rencontrer, on peut dire qu'avec ces trois cons les tâches ménagères de la ville ne se font pas. Avec un beau cul comme le tien, je pense que ça va aller plus vite ? » « J'ai quinze ans. Et si tu pouvais éviter de me draguer ça m'arrangerait. »

Il était venu le jour suivant, agissant de la même manière, puis celui d'après, et encore. Encore, et ce pendant deux semaines. Mais peu à peu, chaque jour et sans m'en rendre compte, je devenais accro à ses sentiments et à son toucher, il me rendait complètement dingue. Au point où lorsqu'il n'était pas venu, j'eus l'impression d'avoir comme un manque. Cependant le lendemain, aucun toucher mais seulement sa voix me fit comprendre qu'il était là. « Au fait, je m'appelle Dylan. » Il avait posé ses mains contre le mur, ses bras des deux côtés de mon corps, et était appuyé contre mon dos avec son visage proche de mon oreille. Un sourire apparaissant sur mes lèvres, je pus pas m'empêcher de répondre assez calmement. « T'es un gros con, Dylan. » « Je sais, mais visiblement t'aimes ça. Et toi c'est ? » « Kyle. Et qui te dit que j'aime ça ? » « Je te montrerais, dans pas longtemps, que t'aimes ça. »

Et il me l'avait montré. Quelques jours plus tard, il était venu me voir encore une fois mais n'avait pas agit comme d'habitude. Il s'était comme toujours placé derrière moi, évidemment, mais cette fois m'avait embrassé le cou pour me dire qu'il était présent. Je l'avais pas repoussé, décalant simplement ma tête en le laissant faire. Il me déconcentrait plus qu'autre chose dans mon travail, et je savais que ça n'allait pas plaire à mon éducateur. Fermant les yeux en posant mes mains contre le mur, je finissais par me mordre les lèvres quand il finissait par arrêter, prononçant un simple « Salut » qui pourtant me faisait sourire. Pour la première fois, je m'étais tourné vers lui en lâchant la brosse avec laquelle j'essayais de nettoyer le tag. « Tu veux la preuve que t'aimes que je sois un gros con ? » J'avais simplement hoché la tête, calmement, et il avait sourit. Je ne savais pas ce qu'il comptait faire et c'était justement ce qui m'attirait chez lui, je ne savais jamais ce qu'il comptait faire. Et j'étais loin de savoir que j'allais pouvoir sentir ses lèvres contre les miennes, ce jour-là. Et pourtant.


Si on remontait un peu plus dans le temps, on aurait pu également apprendre le pourquoi mon père était autant... Contre le fait que je sois gay, bien qui ne le sait et ne le saura jamais. Il m'avait tout raconté, alors que j'étais assit sur ce canapé à l'observer. Ma mère, je ne l'ai jamais réellement connue. Ou du moins ma mère adoptive. Elle était en couple avec mon père jusqu'à mes trois ans, et puis elle est partie du jour au lendemain. Mon père ne l'avait apprit que plus tard : elle l'avait lâché pour une femme et il n'avait pas apprécié. Il m'avait également expliqué que lorsqu'il était jeune, il avait eu une relation avec un homme plus âgé que lui, de cinq ou six ans. Lorsqu'il avait seulement seize ans, et inconsciemment je m'étais dit que l'histoire se répétait. Il m'avait demandé de ne pas faire la même erreur que lui, de ne pas croire les personnes plus âgées. Et je ne l'avais pas écouté.

Je m'étais demandé pendant longtemps comment ça se faisait que, même sans connaître ma vraie mère, je n'ai jamais appelé la femme de mon père « maman ». Il m'avait expliqué également que c'était parce qu'il ne le voulait pas. Il trouvait que c'était un manque de respect envers Fiona de l'appeler maman, comme la connasse qui l'avait laissé tomber avec leur fils, pour une femme de vingt ans. Mon père avait fait beaucoup d'erreur et j'en suis conscient, cependant à ce moment-là je ne savais pas que j'allais commettre exactement les même erreurs que lui, mais plus tôt. Mais sans passer par la case où mon copain me demandait de coucher avec lui parce que c'était la honte d'être puceau à quinze ans.


Quand j'avais commencé à me connaître un peu plus moi-même, j'avais commencé à essayer sans cesse de me surpasser. Je faisais énormément de sport simplement pour savoir où était mes limites avant de me rendre compte qu'elles étaient bien basses. Ce n'était pas moi, le problème dans l'histoire. Le problème, c'était que je n'accrochais pas avec l'équipe en tant que mec, on me prenait toujours pour le gosse, le gamin qui faisait partit de l'équipe et qui était là, sur un coin du banc, qui faisait la statue et qui était à part entière une partie du décor.

Ce fut que quelques mois plus tard que je me rendu compte que j'étais quand même une des causes du pourquoi ça n'allait pas. En particulier avec ce garçon. Il passait toujours à côté de moi, me regardant comme si j'étais une chose parmi d'autres et que je n'étais qu'inutile sur le terrain. Il m'obsédait, ce mec, à un point où j'en venais à rêver de lui, voir à ne pas dormir la nuit parce que je pensais à lui. Et puis est venu le jour où j'ai compris. La chose qui m'obsédait chez les garçons de l'équipe n'était pas leur performance mais leur physique, je les regarde comme si j'étais une femme. Et je finis enfin par comprendre ce qui allait pas, j'étais pas comme eux. Pas comme ce mec, obsédant. J'étais pas le pur hétéro de base qui travaillait dans une équipe, j'étais juste attiré par les mecs. J'avais pas compris, ce qui n'allait pas avec les filles. Je pensais que c'était juste qu'elles ne me plaisaient pas, mais après avoir compris ça, je me rendis compte que non. Elles ne m'attiraient juste pas, parce que j'étais gay. Et après l'avoir compris, j'avais quitté tout sport.