« Allez file, et j’espère ne pas te revoir ici ! Bon courage. » Elle avait souri et lui avait donné son sac vieux de dix ans maintenant, quelques vieilles fringues qu’il jetterait sans doute en sortant, des clés, des babioles qui n’avaient plus aucun importance. Il l’avait regardée comme un gamin perdu au milieu du centre commercial, ne se rendant même pas compte de ce que ça signifiait, de sortir. Dix ans, dix années entières à l’intérieur de ses murs, qui avaient fini par devenir sa maison. Ici, il avait des camarades, des amis qui ne pouvaient que le comprendre, il s’était fait une place ici. En dix ans, le gamin écervelé avait changé, il était devenu un homme solide, conscient de ses erreurs, un peu brisé aussi, mais il savait qu’il avait parcouru du chemin. Il ignorait cependant ce qui lui arriverait lorsqu’il franchirait la grande porte en homme libre. La prison, c’était une forme de sécurité, il savait ce qu’il faisait chaque jour en se levant, mais une fois dehors, le hasard l’attendrait. Il prit une grande inspiration et sourit à l’une des gardiennes de la prison, qu’il avait fini par apprécier avec le temps, puis se mit à rire et courut jusqu’à l’extérieur, comme un besoin vital de s’échapper, se sentir aussi libre qu’il ne l’avait jamais été.

La porte se referma derrière lui et il sentit déjà la solitude qui l’attendait, à la fois libératrice et terrifiante. Il prit quelques minutes pour respirer l’air de la liberté et observer les environs d’un oeil totalement neuf, comme un bambin qui découvre le monde. Il n’avait aucune idée de l’endroit où il dormirait le soir-même, n’ayant aucune nouvelle de la seule famille qui lui restait, il ignorait même s’il accepterait de le laisser loger chez lui le temps de rebondir. Tout ce dont il était sûr à l’heure actuelle, c’était qu’il était enfin libre, et qu’il avait rendez-vous avec une jeune femme qui lui avait tenu compagnie de par ses courriers pendant la dernière année de son incarcération.

Il prit donc un taxi pour rejoindre la ville de son enfance, Marple Spring, afin de la rejoindre dans un café. En chemin, il découvrit déjà de nombreux changements dans l’environnement qu’il avait connu autrefois, et certaines technologies nouvelles dont il n’avait pas eu connaissance, et ce à l’intérieur de l’habitacle-même. Arrivé en ville, il lui fallut un moment pour se repérer, mais finit par trouver le café dans lequel Juliana et lui s’étaient donnés rendez-vous, attirant quelques regards de passants qui le reconnaissaient, et qu’il ignora bien volontiers. C’était la première fois depuis dix ans qu’il se confrontait aux regards extérieurs, et malgré toute sa fierté, il ne put que baisser la tête d’un air coupable en reconnaissant certaines personnes. Il entra dans le café après avoir scruté quelques instants la vitrine, puis s’installa directement à une table, ne trouvant pas la jeune femme avec laquelle il échangeait, et qu’il n’avait jusqu’à présent vue qu’en photo.

Il n’eut pas à attendre très longtemps avant de reconnaître une jolie brune qui poussait la porte du café. Il lui adressa un sourire en levant légèrement la main lorsqu’il capta son regard, sincèrement heureux de la voir en chair et en os. Il était totalement déboussolé. Sa sortie, être de retour dans sa ville natale, rencontrer Juliana, c’était presque trop pour tout encaisser. Il n’arrivait pas encore à y croire, et doutait de sa capacité à s’y habituer. Lorsqu’elle arriva à sa table, il se leva pour la saluer, tout sourire, fier de se retrouver ici. « Qui aurait cru que ce jour arriverait vraiment ?! » Il lâcha un petit rire et se rassit en même temps qu’elle. « Tu vas bien ? C’est bizarre de vraiment se voir, non ? » Il était tout excité, il ne tenait plus en place, un peu comme l’adolescent qu’il était autrefois, lorsqu’il n’hésitait pas à jouer avec la loi pour occuper ses journées. Sauf que cette fois, il était bien déterminé à rester hors de tout ennui.