1988, un femme arrive à l'hôpital telle une furie déchaînée par la souffrance. Son ventre gros comme le monde semble vouloir exploser, alors que de douces larmes roulent sur ses joues. Elle souffre, elle souffre tellement. Elle est jeune, si jeune. Mon dieu, son visage ne laisse paraître que souffrance et jeunesse. 22 ans. De longs cheveux bruns légèrement ondulés, un corps magnifique déformé par une grossesse doublée. Respire. Oui, respire lui dit un jeune homme plus vieux qu'elle de quelques années. Il a l'air anxieux, inquiet. Elle saigne. Ce n'est pas l'heure...Malheureusement, le destin se fou des secondes, des minutes, des jours. Il conduisait, fatigué de cette journée bien remplie. Elle, elle dormait sur le siège passager, la ceinture détachée face aux conseils de son gynécologue.  Il n'a pourtant pas fermé les yeux, enfin, juste quelques secondes. C'est ce qu'il se dit pour ne pas laisser la culpabilité prendre le dessus. Il n'a pas vu la voiture dévier, il ne l'a pas sentie jusqu'au moment ou trop tard, il réalisa son erreur. Un choc, sa femme dans le par brise, son propre corps rabattu contre le volant. Mon dieu cas -t-il fait? Il tremble, il crie, il a besoin d'aide, ils ont besoin d'aide. Ses fils pas encore né, sa femme souffrant dans ses bras. Il n'a pas attendu l'ambulance, un conducteur spectateur du désastre les a amenés ici, à l'hôpital. Elle est prise en charge, lui aussi, les médecins font une drôle de tête...Il faut provoquer l'accouchement, maintenant, avant que les jumeaux ne meurt, en souffrance dans le ventre de cette douce femme. Maman...Pourquoi n'es-tu pas resté à la maison? Pourquoi être sortie ce jour-là? Prendre un risque inutile, tu le savais fatigué. Et si il était trop tard pour nous...Lovely, regardes moi, tiens le coup j'ai mal toi aussi mais n'ai pas peur on ira loin toi et moi, main dans la main.


Un cri... un bébé vient de voir le monde Lovely. Je n'arrive pas à sortir, le coeur battant bien trop vite, bien trop fort.  J'ai mal. Je ne m'en souviendrais pas, cette douleur n'est que passagère, de lointain souvenirs.  Les minutes passent, on lui donne des indications, du courage. Elle doit pousser encore une fois. Elle est épuisée, elle veut voir mon frère mais on l'en empêche, elle doit se concentrer. J'étouffe...6 minutes s'écoulent quand je sens deux mains m'agripper alors que mon visage bleu annonce de bien triste nouvelles. Mon coeur, il a cessé de battre, déjà fragilisé achevé par l'accident. Elle hurle, je ne l'entends pas. Elles s'acharnent sur mon petit corps, je dois respirer. Il pleure, un souffle, un seul et me voilà en train d'hurler à mon tour. Nous sommes en vie.


Il est mort. Comment? Bêtement. Une chute dans les escaliers, une nuque brisée et une vie évaporée.  Je ne me souviendrais jamais réellement de son visage, gardant un vague souvenir à travers divers photos. Le destin semble s'amuser de nos vies, vies si fragiles, si précieuses. Nous avions quelques jours quand cet accident vit le jour, nous enlevant notre père, le responsable d'une tristesse étrangement lourde pour ma mère. Elle se laissa aller à la folie, à la peine, deux sentiments si semblables qui vont souvent de paire. Elle l'aimait. Mon dieu comme elle l'aimait, sans lui, tout semblait bien plus difficile. Nos hurlements la nuit, nos cris incessants alors que seule, elle devait affronter la triste réalité des choses. Elle était devenue faible, bien trop faible. Je ne me souviens pas de ses nuits ou elle nous observait dormir, les larmes roulant sur ses joues, une arme en main. Elle voulait mourir, mais lorsqu'elle voyait nos petites lèvres bouger, tout son courage semblait s'évanouir. Pour compenser ta peine tu t'es noyé dans un remède universel, l'alcool.  Nous, pauvres petites choses, nous devenions un boulet pour tes frêles épaules. Il fallu deux ans avant que ton courage reste jusqu'au bout. Un coup de feu retenti la nuit de son anniversaire. Des cris d'enfants de deux ans, deux petites années, éveillés par la dur fatalité. Plus de mère, plus de père...Juste le bébé à nos côtés, nous étions seuls. Tristement seuls.


Nous avons grandis dans une famille qui n'était au départ pas la nôtre, mais qui portant était des plus merveilleuses. Au final, ils prirent vite la place de nos parents, devenant après quelques années aux yeux de la loi, nos réels parents. Des rires, des sourires et tellement d'amour. Pourtant, nous n'étions pas comme les autres. Quelques fois décalés, quelques fois lunatiques, nous nous aimions tellement. Tu sais, de cet amour interdit, de cet amour mal vu des autres. Nous n'en avions rien à foutre, toi sans moi c'était impossible, nous sommes jumeaux, nous sommes amants, nous sommes amoureux. C'est malsain, mais après tout, avons nous été conquît par la normalité? Non. Intelligents, bien trop pour certains, nous vivions dans notre monde. Toi si douce et fragile, toi jeune fille incomprise et moi...moi jeune homme colérique et violent, explosif et incompris. Nous faisions la paire que cela plaise ou non. Pourtant, avec le temps, ils ont tentés de nous séparer et cela a fini par mal tourner. Une fuite alors que nous avions vingt ans. Il pleut, l'orage gronde dans le ciel rempli de nuages...Un accident, une voiture percutée et une fillette tuée sur le coup. Je tenais le volant, je suis responsable, je ne me le pardonnerais jamais...


Je t'ai quitté, toi ma soeur, pour fuir mes vices mais également ma culpabilité. Je suis parti de cette ville qui m'a vu grandir, qui a vu tout ce mal s'installer en moi, cette instabilité, cette douce folie. J'ai fais ma vie ailleurs, grandissant, brûlant de l'intérieur. J'ai souffert plus que de raison en t'abandonnant mais la douleur était bien trop présente. Je ne fus pas condamné, la voiture a dérapé et je ne pouvais rien évité. Cela ne m'a jamais donné bonne conscience. Ailleurs, je l'ai rencontré elle, Cathleen avec qui j'ai tenté de construire un semblant de vie. Elle connaissait tout de ma vie, elle m'acceptait tel que j'étais avec mes qualités et mes nombreux défauts. L'aimer? Non, pas assez pour t'oublier, pour oublier ceux que j'avais laissé. Ils sont morts, nos parents, pourtant, je ne suis pas allé à l'enterrement. Trop de souffrance m'attendais dans cette petite ville, trop de souvenirs, je n'étais pas prêt à l'accepter. J'ai grandis tu sais...j'ai développé un comportement étrange, instable, compliqué. J'ai tenté de vivre normalement, pourtant, une nuit elle me trouva dans notre lit avec un homme. Ma seule et unique relation physique avec une personne du même sexe, bordel, comme j'ai aimé ça. Un gout d'interdit, un gout de mensonge, comme avec toi. Elle souffre, pourtant, elle est toujours là à mes côtés, prête à me pardonner.


Je l'ai trompé à maintes reprises, toi aussi ma soeur, mais avec toi c'était normal on s'en foutait...Un coup de fil retenti un jour dans mon salon, la voix d'une enfant derrière la ligne. Une petite fille timide, une petite fille douce et si fragile. Elle dit être ma fille. Elle semble être intelligente, tout comme moi, beaucoup trop avancée pour son âge. Ce jour-là, j'ai su, j'ai compris qu'il était temps que je rentre à la maison... Il était temps que je revienne à Marple Spring ville de tout mes démons.