Lorsque vous voyez le jour sous des cieux aussi cléments que celui d’Hawaii la vie vous semble bien simple et d’ailleurs c’est sous cette apparente simplicité que je fis mes premiers pas. Tout me semblait si calme et paisible. Le soleil, la mer, le bruit des vagues venant s’échouer contre le rivage … j’étais loin de me soucier de ces soucis de grandes personnes qui, plus tôt que tard, allaient finir par venir briser ces quelques illusions dans lesquelles je me berçais plutôt naïvement.

En toute innocence j’étais persuadé que mes parents menaient une vie de couple paisible, évidemment ils n’étaient pas d’accord sur tout mais néanmoins je croyais qu’ils formaient un couple uni. Arrivant à la maison et découvrant que mon père venait de se faire la malle, me laissant seul avec ma mère l’enfant qu’elle portait en elle, je compris qu’il venait de m’offrir un présent d’anniversaire dont je me serais aisément passé. Pour mon douzième anniversaire je désirais plus d’un truc mais devenir soudainement l’homme de la maison était loin d’en faire partie. Dès ce jour je me suis mis à lui vouer une haine profonde et viscérale me faisant alors la promesse de ne plus jamais lui adresser la parole.

La naissance de ma sœur me fit comprendre que je n’étais plus seul au monde et qu’il fallait que j’accepte de faire certains sacrifices. Après tout étant l’homme de la maison il était maintenant de mon devoir de protéger mes petits bouts de femmes et de m’assurer qu’elles ne manquent de rien. Mon père étant un irresponsable, et bien que je me retrouvasse à l’aube de mon treizième anniversaire, je désirais prouver à tous et chacun que je valais mieux que mon paternel quitte à accepter de supporter ce fardeau qui dans les faits n’était pas le mien.

Mon parcours de lycée terminé je m’étais confronté à un choix des plus déchirant, mon cœur me disait que ma place était auprès des miens à Hawaii mais le bon sens me disait qu’il était dans mon intérêt d’accepter cette alléchante proposition qui m’avait été faite par l’université de Berkeley afin d’aller joindre les rangs de leur programme de football. Mes valeurs familiales me freinaient néanmoins dans mon enthousiasme et c’est après avoir écouté les conseils avisés des gens qui m’entouraient que je décidai d’accepter cette offre. Après tout ce n’était pas rien, on me promettait de prendre mes dépenses en charge le temps de mes études en échange de mes prouesses sur un terrain de football. Tout le monde y gagnait après tout.

Bourse d’études en main, et fraîchement installé en Californie, je me dédiais à mon cursus tout en remplissant mes obligations sur le terrain et plus les choses avançaient plus j’en venais à croire que je pourrais éventuellement jouer au football et d’en tirer ma principale source de revenus.  Évidemment je gardais néanmoins un œil sur ce qui pouvait arriver chez moi, à Hawaii, après tout étant un homme de famille rien ne me tenait plus à cœur que le quotidien de ma mère et de ma sœur.

Bien que l’attrait d’une carrière d’athlète professionnelle se voulait des plus tentante, je me dois de l’admettre, je n’en perdais pas de vue l’importance des études. Après tout l’opulence pouvant découler d’une carrière athlétique, aussi flamboyante puisse-t-elle être, n’en demeure pas moins éphémère et il me semblait primordial de me doter d’un plan b si jamais l’aventure ne s’avérait pas à la hauteur de mes espérances c’est pourquoi je décidai de tenir bon et d’obtenir mon diplôme avant d’aller de l’avant. Ce rêve que je caressais n’allais pas s’envoler ni partir en fumée si je le retardais de quelques mois, il fallait simplement respecter certaines priorités.

Âgé de 22 ans, et possédant un diplôme en finance, je finis par me laisser séduire par la proposition que m’avait déposée la direction des Lions de Détroit (team de la NFL) et j’apposai ma griffe au bas de ce contrat qui allait être le tout premier de ma carrière professionnelle. N’ayant en rien perdu de mes valeurs familiales j’utilisai une partie de ma prime de signature afin de permettre à ma mère et ma sœur de venir me rejoindre à Détroit. Séparés depuis 4 ans nous allions maintenant pouvoir reprendre le temps perdu et puis ma sœur allait pouvoir rapidement se faire à sa nouvelle vie après tout elle n’était âgée que de 10 ans à ce moment. Une fois de plus j’étais l’homme de la maison mais cette fois j’avais les moyens de mes ambitions.

Le début de ma carrière de footballeur professionnel, ainsi que cette vie de famille nouvellement retrouvée, se déroulait sans le moindre heurt. J’accumulais des statistiques qui allaient grandement me faciliter la tâche lors de ma prochaine séance de négociation relativement à mon prochain contrat et les femmes de ma vie semblaient s’épanouir dans leur nouvel environnement. Que pouvais-je demander de plus à la vie ?

Je vais vous dire un truc que vous savez déjà : ‘’ La vie n’est pas qu’une histoire d’arc-en ciel, il y a de vraies tempêtes, et aussi forts et coriaces puisse-t-on être cette chère existence ne nous épargnera pas et c’est sans la moindre hésitation qu’elle viendra nous ruer de coups même qu’elle fera tout en son pouvoir pour nous garder au sol si on la laisse faire. Il faut donc apprendre à encaisser sans broncher tout en avançant.’’ Et c’est exactement cette leçon je tirai de la vie lorsque je subis cette blessure à la hanche, le genre de blessure qui aurait dû mettre un terme à ma carrière.  Au nom de quelle puissance cosmique j’ai réussi ce tour de force ? À vrai dire je n’en sais absolument rien.

L’adversité forme le caractère c’est bien connu et le miens fut mis à rude épreuve lorsque vint le temps de négocier les termes de mon second contrat professionnel bien que le cœur n’y fût pas. Ma mère s’étant retrouvé à l’hôpital, après avoir été renversée par un chauffard, je me devais de rassurer ma frangine qui se posait plus d’une question tout en ayant en tête ma négociation contractuelle. Disons que cette entente ne se négociait pas dans les meilleures conditions qui soient.

Le décès de ma mère, suite aux complications qu’avaient entrainée l’accident causée par le chauffard, ne fut pas sans m’affecter tant dans ma vie personnelle que professionnelle. Je savais que je me devais de me comporter en adulte raisonnable et responsable, afin d’être un bon modèle pour ma sœur, mais par moment d’étranges idées semblaient vouloir s’enraciner dans ma tête et c’est ce qui m’incita à sombrer dans l’alcool et la cocaïne.  Échouer à un test de dépistage de drogue fut la meilleure chose qui me soit arrivé puisque ce signal d’alarme me permis de me reprendre en main lors de ma brève période de suspension.

Tel un phénix ressurgissant de ses cendres j’étais de retour, comme un nouvel homme, et je comprenais que le moment était venu de m’amender … à tout le moins de livrer un message positif. Oui j’aime boire mais dorénavant il était hors de question que je le fasse en public ni pendant la saison de football. Un simple respect de mes priorités.

Je suis fier de pratiquement tout ce que je peux avoir fait dans ma vie mais s’il y a un truc dont j’ai honte c’est bien de la suite d’événements ayant conduits à mon divorce. J’aimais Sofia, de tout mon cœur, mais les tentations qui sont celles d’un athlète voyageant aux quatre coins du pays ont fait en sorte qu’un jour je finisse par céder. Étant un bien mauvais menteur je décidai de lui dire la vérité, je ne lui avais jamais menti et il était hors de question que je m’y mette, évidemment le fait d’apprendre que je m’étais permis de coucher avec une autre femme lui avait brisé le cœur et je ne lui en veux pas de m’avoir quitté … je comprends sa réaction qui se voulait des plus humaines.

Toute bonne chose ayant une fin je finis par me résoudre, au gré de mes performances athlétiques qui n’avaient de cesse que de décliner, à accepter le fait que le moment était maintenant venu pour moi de passer à autre chose. C’était le chant du cygne. Évidemment j’aurais préféré me retirer en pleine gloire, avec quelques championnats, mais si je peux me bomber le torse et m’enorgueillir d’une chose, une seule, c’est bien d’avoir été fidèle à mon club et d’avoir performé l’ensemble de ma carrière au sein de la même équipe. Pourtant les occasions de me comporter en mercenaire étaient bien présentes mais ma fidélité a toujours été accordée aux Lions même si je savais pertinemment que d’autres équipes auraient pu m’offrir de meilleures conditions salariales.

Lors de ma carrière j’ai empoché de grosses sommes, plusieurs millions de dollars, malheureusement presque tout est parti en fumée. Aujourd’hui il ne me reste que de maigres économies et je me dois de bosser comme le font le commun des mortels, il faut bien pouvoir payer les factures. J’ai donc décidé de réinventer ma carrière et de bosser en tant que conseiller financier, principalement auprès d’athlètes professionnels, afin de leur éviter les pièges dans lesquels j’ai tombé. Si je peux contribuer à les conscientiser à l’importance de planifier leur vieux jour alors mes erreurs n’auront pas été vaines.

Ayant pris ma retraite depuis maintenant 8 ans, et bossant à mon compte en tant que conseiller financier, j’ai quitté Détroit afin d’aller m’installer à quelques kilomètres de ma ville d’adoption. Ayant passé 12 belles années dans l’État du Michigan je ne voyais pas m’expatrier dans un autre coin de pays c’est pourquoi je me laissai séduire par Marple Spring. L’endroit est génial et puis ce n’est pas trop loin de Détroit, là où se trouvent mes bureaux, pour moi c’est le meilleur des deux mondes.