Lorsqu’on est gamin et qu’on voit nos copains d’école se faire reconduire par leur père, on se demande souvent qui est le sien. J’ai très souvent demandé à ma mère qui était mon père, mais à chaque fois, elle ne faisait qu’esquiver la question. À toutes les fois, elle trouvait le moyen d’attirer mon attention autre part. Étant un garçon imaginatif, je l’imaginais grand et fort comme mon personnage de bande dessinée préférée. Autrefois, mon père était pour moi le super-héros qui sauvait les femmes en détresse. J’ai rapidement compris, au fur que les années passèrent, qu’en réalité, il était la pire tête de con que la tête a pu porter. Jamais il ne m’a appelé le jour de mon anniversaire, ne serait-ce que pour me parler le jour, tout de même apprécié de tous les enfants. Jamais, il ne m’a envoyé, ne serait-ce qu’une petite carte à Noël. Je peux vous dire que le héros, n’a pas fait long feu. C’est sans doute l’absence paternelle dans ma vie qui a fait qui je suis aujourd’hui. Oui, tout est de sa faute. Laissez-moi commencer depuis le début, pour tout comprendre...

Je suis né à Chicago  un beau jour d’avril. Le neuf avril plus précisément, dans une petite chambre d’hôpital que ma mère a dû partager avec une autre maman. N’ayant pas beaucoup d’argent, elle a dû enchaîner, dès qu’elle a pu, deux boulots pour subvenir à nos besoins. Par chance, il y avait ma sœur aînée qui l’aidait beaucoup. Cela lui permettait de ne pas être dans l’obligation de payer une baby-sitter. Malgré ses nombreux efforts, ce n’était pas assez. Certes, il y avait l’aide du gouvernement qui nous était apporté, par contre, il était très difficile pour cette mère monoparentale d’élever à elle seule, ses deux enfants. Pour moi, ma mère est la femme la plus courageuse au monde. Elle nous a toujours fait passer, ma sœur et moi, avant elle. Avant ses propres désirs. Tellement que je me suis toujours promis que si je réussissais dans la vie, j’allais tout faire pour qu’elle puisse vivre comme elle l’a toujours voulu. Pourtant, tout n’a pas tourné comme je l’aurais aimé.

Je n'ai jamais vraiment pu me faire des amis dans la vie. En fait, je ne voulais pas m'en faire puisque j'ai énormément déménagé. Nous avons dû recommencer notre vie encore et encore dans une nouvelle ville à de nombreuses reprises puisque ma mère avait beaucoup de difficultés à garder un emploi. Rien de ce qu'elle trouvait était assez payant. Tout ce qu'elle était capable de nous offrir comme logis était des caravanes datant de la pré-histoire. Oui, j'exagère, mais on comprend ce que je veux dire. Alors, j'ai tout fait pour l'aider à gagner de l'argent. Vous savez ces jeunes et bonnes gens déguisés en mascottes pour inciter les passants à entrer dans le commerce ? C'est exactement ce que je faisais. En fait, une chance que je n'ai jamais eue peur du ridicule, puisque c'est vraiment le cas de dire que je l'étais. Bien rapidement, j'ai quitté le domicile familiale prétextant à ma mère que j'avais gagné un concours qui permettait à des étudiants peu fortuné de fréquenter un établissement scolaire de bonne famille. Évidemment, il n'en était rien, mais comme elle savait très bien que j'avais la tête en l'air, elle m'a cru sur parole lorsque je lui ai dit avoir perdu les papiers. Allez savoir comment j'ai fait pour la convaincre aussi rapidement de me laisser partir à l'âge de quatorze ans. Elle m'a tout de même fait promettre de lui donner des nouvelles toutes les semaines.

C'est à ce moment, lorsque j'ai atteint l'âge de quinze ans que je me suis fait découvert. Je vous arrête tout de suite, même si je pouvais facilement passer pour un mannequin, ce n'est pas par un agent d'artiste que je me suis fait approcher, mais bien par une personne qui se disait membre des red scarf. Au tout début, je n'étais pas très certain de vouloir entrer dans un gang de rues, mais j'ai rapidement compris que cela pouvait me rapporter tout de même gros. Ils m'ont initié à la vente, au vol à l'étalage, à la production de produits illicites, et même au vandalisme. Ce fut tout de même très normal que bien rapidement, les forces de l'ordre ont fini par me connaître. Nombreuses sont les fois où j'ai fréquenté le poste de police. À chaque fois où je devais contacter un membre de ma famille, c'était un membre âgé du gang peu connu que j'appelais. Tout se passait bien jusqu'à ce que la brigade des stups décide de faire une descente chez moi, dans mon petit appartement délabré sur la quatrième rue à Maple Spring. e venais tout juste d'atteindre l'âge de dix-huit ans, deux jours avant. À croire que cette conne de flic ait attendu ma majorité pour me coincer. Elle est arrivée aussi confiante que jamais et a essayé de me faire dire le prénom de celui qui était à la tête des red scarf. Le problème est que je ne l’ai jamais vu et qu’on me parlait de lui sous le nom du chef, tout simplement. Quoi de plus pathétique comme surnom, tout de même vous ne trouvez pas ? Enfin bref, ce chef en question travaillait en étroite collaboration avec la mafia italienne. Oui oui, juste ça. Je ne savais pas du tout quoi leur dire, tout de même et j’ai mis un temps fou à coopérer avec eux, jusqu’à ce que la brigade me promette quelque chose que je ne pouvais refuser. En devenant un indic pour la police, mon nom allait disparaître de la base de données après cinq ans. Ne plus avoir de casier était clairement un plus dans ma position, surtout avec ce que je me suis promis pour ma mère, ma famille si je réussissais ma vie.

J’ai donc accepté leur offre pour finalement, après de nombreux efforts, réussir à  donner la possibilité à ce flic, qui avait gagné mon respect, de mettre la main sur Don Vitto, le chef. Du moins, c’est passé proche. J’ai réussi à obtenir son nom, mais sans savoir comment il a réussi, il s’est volatilisé. Après quelques mois de dure labeur et de loyaux service avec l'agent des stups avec qui j'ai collaboré, il m’a permis d’entrer à l’université et de commencer une nouvelle vie. Une vie que je méritais, loin de la criminalité. Grâce à lui, j’ai étudié en pharmacologie. Oui, aujourd’hui, dix ans après avoir recommencé sur le droit chemin, je viens de terminer mes études pour devenir pharmacien. Je débute dans le domaine, mais je suis sur la bonne voie pour aider ma famille. J’ai d’ailleurs repris contact avec les deux femmes de ma vie.

Sans savoir ce que l’avenir me réservera, je suis fier de dire que j’ai bel et bien réussi à me sortir de l’enfer. Mon enfance est loin de ressembler à ma vie d’adulte.