J’ai fait partie de ces rares enfants qui étaient très excités à l’idée de commencer l’école. J’avais soif d’apprendre et de découvrir cet environnement. Rien à redire de mes premières années. C’était parfait. J’avais des amis, j’avais des bonnes notes et j’aimais beaucoup les matières enseignées. Malheureusement plus je vieillissais et plus mes amis se sont éloignés jusqu’à me laisser complètement de côté. Je ne pourrais même pas vous dire pourquoi. De la jalousie peut-être ? J’avais des meilleurs résultats, une facilité d’apprentissage et j’étais appréciée des professeurs. J’avais douze ans lorsqu’ils ont commencé à m’intimider. Je n’avais pas une seconde de répit. On m’insultait, me bousculait, volait mes choses… J’étais complètement seule et abandonnée, car aucun enseignant ne réagissait. J’ai commencé à détester l’école. Je ne voulais plus y aller, je faisais semblant d’être malade, mes notes ont commencé à chuter. Et je n’ai jamais osé parler de cette période à mes parents. Parfois je le regrette, car ils auraient pu me changer d’école ou me scolariser à la maison… Bref, dès que je fus en âge d’arrêter, j’ai tout laissé. Je ne voulais plus me scolariser. Ce fut sans doute le plus gros regret de ma vie. Terminez vos études. Seul à la maison s’il le faut, mais obtenez votre diplôme pour ne pas vous fermer toutes les portes.


Ce harcèlement m’a forgé une immense carapace que personne ne pouvait transpercer. Il était plus facile pour moi de dire que tout allait bien plutôt que de raconter mon problème. Dire que j’ai toujours eu le goût de vivre serait de mentir. J’ai atteint le bout du rouleau. J’avais écrit ma lettre, mais je n’ai jamais eu le courage et ça aurait été la plus grosse erreur que j’aurais pu commettre. Le suicide est une solution permanente à des problèmes qui sont souvent temporaires. Je me suis tournée vers autre chose. Je me suis tournée vers le dialogue. Pas avec des gens que je connaissais, mais devant ma caméra. J’ai parlé de ma situation à des inconnus. Je n’aurais pas cru avoir autant de soutien et autant de gens dans ma situation. Je postais sur Youtube pour me faire du bien à moi, mais mes vidéos faisaient du bien aux autres. C’est ainsi que j’ai commencé à construire ma communauté.


Lorsque j’ai commencé, Youtube, je n’avais aucun objectif en tête, je ne m’étais faite aucune illusion. Je n’aurais pas cru me retrouver avec des milliers d’abonnés aussi rapidement. Avoir plusieurs milliers de personnes qui comptent sur toi, c’est une vraie pression. L’erreur n’est pas permise. J’y prenais beaucoup de plaisir, mais ça me rendait très nerveuse. Surtout que quelqu’un temps plus tard, Youtube a commencé à payer ses youtubeurs. Moi qui vivais chez papa et maman et qui n’avais jamais travaillé ça a été tout un changement. Je gagnais de l’argent en faisant quelque chose qui me plaisait plus que tout. À chaque mois, la somme augmentait ainsi que mon nombre d’abonnés. Très jeune et en quête d’indépendance, j’ai quitté le foyer familial me pensant capable de vivre seule. J’ai réussi un moment, mais un jour, j’ai arrêté de compter mes dépenses. Je me suis retrouvée rapidement à découvert et à deux doigts de la faillite. Cette période a été difficile. Je ne savais pas quoi faire pour m’en sortir… J’ai donc demandé l’aide d’un ami à moi. Je le connaissais depuis tellement longtemps et j’avais entière confiance en lui. Je n’aurais pas dû. Faites attention à vos amis. Surtout lorsqu’il est question d’argent. Il m’a fraudé. Il m’a sorti de la misère pour ensuite m’avaler des milliers et des milliers. Comme une naïve, je me suis faite avoir. Il grugeait presque tout mon capital. Je n’avais plus de quoi manger, mais il s’en fichait. Je lui étais redevable. C’est là que j’ai eu la leçon le plus importante de ma vie. Toujours se tourner vers ses parents. C’est là que j’ai compris que j’aurais tout évité si j’étais allée vers eux dès le début. […]


Après cette erreur de jeunesse, je me suis reprise en main et sous les conseils de mon père, j’ai pris un comptable. Avoir de l’argent, c’est génial, mais savoir la gérer c’est autre chose. Grâce à lui, j’ai appris à mettre de côté pour mon futur et à me limiter dans mes dépenses. Je me suis refaite et j’ai regagné confiance en moi ce qui m’a permis de continuer Youtube à 120%. J’ai pu reprendre les opérations sponsorisées sans peur de la somme gagnée. […]


Je ne l’ai jamais caché, j’ai toujours aimé les jeux vidéo. J’aurais très bien pu avoir une chaine gaming dès le début, mais j’ai préféré tester un autre milieu. Mais à force de voyager de convention à convention, je me suis rapprochée de l’E-Sport ou plutôt d’un membre de l’E-Sport. Aymrick. Le joueur DPS de l’équipe d’Overwatch des États-Unis. Ce que je pouvais aimer le regarder jouer. Il était le meilleur. Entre les matchs, on a beaucoup discuté et vous connaissez la suite. Les rapprochements se sont faits et nous nous sommes mariés quelques années plus tard. J’avais 24 ans à l’époque. 24 ans et je vivais une vie de rêve. Je vivais de ma passion et je suivais mon mari qui vivait également de sa passion partout à travers le monde. Quoi demander de mieux ? La vie parfaite.


Ce chapitre ne verra jamais le jour, mais j’avais besoin de l’écrire. Je devais l’écrire pour moi. Il est 4h33 du matin, je n’arrive pas à dormir, je n’arrive pas à passer une minute dans cette chambre que vous avons partagé. Il y a quelques mois, Aym’ est tombé gravement malade. Un cancer qui s’est développé trop rapidement pour qu’on puisse faire quoi que ce soit. Il a refusé d’en parler autour de lui. Il a demandé des longues vacances à son équipe et on est parti sur une petite Île. J’ai passé des semaines extraordinaires avec lui… Et aujourd’hui, c’est complètement seule que je suis rentrée chez moi. Je ne sais pas quoi faire. Je…. Je suis perdue. Je n’ai parlé de sa mort à personne. Même pas mes parents ou ma cousine d’amour. Personne. Je vis mon deuil seule prétendant que mon mari va bien… Mais combien de temps encore vais-je pouvoir mentir à notre entourage ? Mais surtout… Comment vais-je faire pour survivre sans lui ? Je ne sais pas comment remonter la pente. Ça me tue.