L'enfance nous prépare à l'avenir.
Des parents, nous en avons tous, enfin normalement. Oui, car pour Oskar la chose est un peu plus compliquée. Évidemment qu'il a un père et une mère, mais la vie à fait qu'il ignore qui ils sont. Il ne se souvient pas de grand-chose de son enfance si ce n'est qu'il a été jusqu'à ses cinq ans balloter dans diverses familles d'accueil. Mais ça encore, c'est un vague souvenir, une chose lointaine dans son esprit d'adulte. Entre ses 5 et 6 ans, il tomba dans la famille Hopkins, charmante famille, une femme caissière dans un super marché et un homme militaire haut gradé. Wesley, le nom que lui ont donné les services sociaux écossait, tomba dans cette famille alors. Que quelques mois en attendant de trouver mieux, de trouver des parents qui pourraient être présent tout le temps. Mais Oskar, du prénom que les Hopkins lui donnèrent se plaisait chez eux. Mr. Hopkins était un homme droit fier, intelligent et en même temps, c'était un homme simple et heureux de la vie qu'il menait ici auprès de sa femme. Il vivait chaque instant comme le dernier. Lieutenant d'une brigade spéciale à l'armée. De longs mois, parfois, se passait sans qu'il ne voit le ciel gris d'Écosse. Et puis Mme Hopkins, femme charmante et brave, tout aussi simple que son mari l'était. Aimante, elle s'était faite à cette vie un peu particulière, même si à chaque séparation était difficile. Elle avait su au travers d'Oskar combler un vide que son mari laissait alors. Confié officiellement aux Hopkins vers ses 7 ans, Oskar fut un heureux petit garçon pour la première fois de sa vie. Il put enfin faire savoir au monde qu'il avait une mère et un père. Chose qui jusque-là lui était inconnue.
Un an s'écoula avant que Maisie, une petite-fille de 2 ans rejoigne la maisonnée. Petite abandonnée par des parents drogués, laisser là, dans un squatte délabré, elle avait été vite confiée aux bons soins des Hopkins, qui avaient fait part de leur envie d'avoir deux enfants à charge. Ainsi petit à petit, la vie de famille prenait forme. Oskar fut ravi de cette arrivée. Pour lui ce rêve de toujours, avoir une famille, enfin se concrétisait réellement. Aux petits soins pour sa sœur, grand garçon fier, il aidait cette mère parfois un peu dépassée quand elle était seule par cette nouvelle famille si vite agrandit.
La vie se faisait simple dans un petit pavillon de Glasgow, en Écosse. Oskar était bon élève, bien qu'un peu turbulent comme beaucoup de gamins de son âge. Enfant modèle pour cette mère si souvent seule et bon fils pour ce père fier de ses enfants qui grandissait bien trop vite pour lui. Il y eut ce jour, Oskar avait 12 ans et Maisie 6, la petite faisait un gâteau avec leur mère dans la cuisine pendant qu'Oskar jouait au hockey sur béton, dans la rue du quartier résidentiel avec quelques autres enfants. Oskar monté sur ses rollers laissa le palet lui filer entre les jambes alors qu'une belle voiture noire remonta la large et longue allée. Comme un pressentiment, ses yeux bleus avaient suivi le véhicule faire quelques mètres avant de foncer à sa poursuite. Roulant à tomber et s'écorcher voilement un coude et un genou. Mais la douleur était autre, son souffle court, il avait rejoint la maison familiale à l'autre bout de l'allée. La belle voiture noire était garée devant et de dos, il reconnut un officier en uniforme. Sans ralentir, malgré la douleur, il avait foncé au plus près et s'était arrêté derrière l'homme qui s'était alors retourné. Cette image, son visage, sa mère agenouillée au sol, les larmes sur son visage si triste. Jamais Oskar ne pourra oublier cela. Les yeux de cet homme qui s'étaient alors mis à sa hauteur, une main sur son épaule.
« Tu es l'homme de la famille maintenant. Sois fière de ton père, c'était un héros. Tu seras comme lui un jour. Un héros. Prends soin de ta mère et de ta sœur. » L'officier laissa alors un carton dans les bras du jeune Hopkins, qui laissa enfin couler une larme sur ses joues. L'homme d'un geste tendre la repoussa d'une caresse douce. Avant de saluer d'une façon militaire et de reprendre la route. Oskar laissa tomber la boîte pour se précipiter dans les bras tendus de sa mère, qui serrait déjà Maisie. Et tous trois alors pendant de longues minutes avaient pleuré ce père certes si souvent absent, mais qui à présent le serait à jamais.
Un avenir tortueux.
L'année qui suivit fut très compliquée pour la petite famille Hopkins. Soutenues par un voisinage compatissant, les enfants firent garder souvent ici et là le temps que cette mère, cette épouse à présent veuve fasse son deuil. Même si au fond jamais elle ne réussit à le faire réellement. Mais elle se devait de garder la tête haute pour ses jeunes enfants. Oskar, le plus grand, l'homme de la famille à présent comme l'avait si bien dit l'officier. Était fort, il l'avait été pour ses deux femmes, les deux femmes de sa vie. Malgré le chagrin, malgré la douleur et ce vide immense que son père avait laissé en lui, il gardait la tête haute. Et quand sa faible et fragile mère, alors, n'arrivait plus à assumer, il la relevait. Sa sœur plus jeune, s'en rendait moins compte, et elle n'arriva pas à réaliser ce qui était arrivé. Demandant encore pendant de longs mois quand son papa reviendrait, ce qui déchirait le cœur rafistolé de cette mère qui, alors s’effondrait de nouveau à chaque demande.
Les années, doucement, passaient, apaisant cette douleur vive toujours présente. Oskar à 16 ans fit part à sa mère de son envie de s'engager dans l'armée, comme son père. Une nouvelle qui ne l'enchanta pas vraiment, mais en un sens, elle comprenait. Elle comprenant que ce petit garçon plein d'espoir, rêvait lui aussi d'être un héros, d'avoir la chance de suivre les traces d'un père si adulé et aimé. Alors elle ne fit que le mettre en garde, lui confier ses réticences et ses craintes, mais elle ne l'empêcha pas, au contraire de suivre ses envies, ses rêves et son chemin. Elle lui demanda juste de terminer sa scolarité normale, comme tout autre enfant avant de s’envoler pour une formation militaire au cœur du pays.
À 18 ans passés donc il quitta le nid familial, s'éloignant des deux femmes qui comptaient le plus pour lui. Mais ce départ ne fut pas sans conséquence. Non, car Maisie, 12 ans, jeune fille jusque-là discrète un peu trop même. S'éleva, comme si soudain, elle avait subi un abandon de trop. Pourtant depuis de longs mois Oskar avait préparé ce départ, il savait que la famille était fragile. Que leurs cœurs seraient blessés par cette séparation, certes pas si lointaine. Mais ses deux ans de formation, bien qu'avec quelques retours pendant des permissions et vacances furent très compliqués du côté de la maisonnée. Maisie plongeant dans un cercle presque vicieux, bien jeune. Ses notes chutèrent, son comportement se dégrada vite et puis la cigarette, l'alcool dans un premier temps et puis la drogue ensuite. Oskar stoppa sa formation après deux ans pour retourner auprès de sa mère dépasser et démunie face à tout cela. Pendant quelque temps Oskar s'occupa donc de sa famille, de sa sœur, la sortant doucement de ses mauvais pas et la remettant dans un chemin plus correct. En parallèle, il travaille ici et là, fait quelques cours du soir afin de se cultiver.
C'est à 25 ans qu'enfin Oskar peu de nouveaux entrevoyaient l'espoir de reprendre sa formation militaire. Sa sœur semble sortie d'affaire, et même si elle reste à surveiller, elle a grandi et semble enfin comprendre certaines choses. Wesley, donc, repart en formation, se spécialisant dans le pistage et la traque des personnes. Une formation longue et fastidieuse qui l'amène rapidement à partir dans des pays encore presque sauvages pour se former sur le terrain. S'éloignant davantage de sa mère et sa tendre soeur tant aimée. Mais enfin loin de tous, loin de se passer, il semble fouler les pas de son père et cela semble lui donner un second souffle. Sa formation terminée, il n'eut pas beaucoup de temps de revoir sa famille puisque peu après son retour en Écosse, il fut appelé pour un déploiement au Moyen-Orient. À 28 ans donc le voilà plongé au cœur d'une guerre qu'il ne comprend pas, mais pour son pays, il ferait n'importer quoi, comme son père le fit autrefois.
Et à un présent anéantit.
Un an après son déploiement Oskar reçut un appel urgent d'Écosse. Sa sœur refaisait une rechute et sa mère de nouveau totalement dépassé et à bout de nerfs avait fini par craquer et faire une dépression nerveuse sévère. Malheureusement, Oskar ne pouvait rien d'où il était. Une permission de quelques jours lui permit de faire un simple aller-retour jusqu'à Glasgow où il installa sa mère dans une maison de repos et mit quelques points sur les I. avec sa sœur. Malgré tout l'amour qu'il portait à sa sœur et toute la détresse qu'elle dégageait Oskar ne pouvait plus, et ne voulait plus mettre sa vie entre parenthèses pour elle. Son travail, c'était sa vie à présent et elle devait apprendre à avancé et à se débrouiller, elle avait 22 ans passés à présent, il était temps qu'elle vive sa vie. Retournant au cœur de son travail dans lequel il était plutôt doué, les mois s’écoulaient. Prenant souvent des nouvelles de sa famille, sa mère encore très fatiguer et fragile resta un moment en maison de repos. Quant à sa sœur, elle sembla enfin se ranger, se trouvant un petit ami avec qui elle emménagea.
Le fiancé de Maisie, tranquillement, assit sur le canapé, une bière en main, devant un match. Oskar le regard noir se planta devant lui. L'homme surpris ne sut plus trop où se mettre et baragouina quelques excuses pitoyables. Il n'avait rien fait, elle était tombée, etc. Oskar n'était pas idiot, son métier était d’observer, de sortir des gens de situations souvent similaires à celle-ci. Soulevant l'homme dû dis canapé sans difficulté aucun, il toucha à peine le sol alors que le militaire le plaqua contre un mur. Les hurlements de sa sœur derrière, le suppliant de se calmer.
« J'espère pour toi que c'est la première fois. Et crois moi cela sera la dernière. » Tenant toujours le fiancé d'un bras, il ouvrit la porte de la maison et jeta littéralement l'homme au-dehors. Il contesta que ce fût chez lui. Oskar referma simplement la porte. Et sans un autre mot, il monta à l'étage, s’empara d'une valise y enfouirent quelques affaires de sa sœur qu'il prit par le bras et mena quelques rues plus loin dans la maison familiale.
Oskar dus repartir quelques jours pussent tard, mais au moins il s'assura que sa sœur était en sécurité auprès de leur mère. Du moins, c'est ce qu'il pensa. Quelques mois à peine après cet épisode, Oskar eut le droit de rentrée pour plusieurs mois. Les missions qui lui avaient été confiées ayant été accompli ou suspendu pour le moment. Il retourne donc à Glasgow, il prend lui-même un petit appartement entre chez sa mère et chez sa sœur qui est retourné vivre avec son fiancé qui semble avoir compris la leçon à ses dires et aux dires de leur mère qui veille soit disant. Mais Oskar se méfie, un homme qui tape une femme une fois, la tapera deux fois et plus encore. Il y a un peu plus de deux ans maintenant, un jour Oskar reçoit un coup de téléphone qui va changer sa vie pour toujours.
« Au secours. » C'est tout ce que la voix dit, faible, presque méconnaissable, mais il sait, c'est elle, sa sœur, sa vie. Il ne prend même pas le temps de raccrocher le téléphone que le voilà déjà dans la rue. Il n'y a qu'un pâté de maisons à parcourir, un seul, ce n'est pas loin. Il court à toute vitesse, de ses longues jambes fines. Il bouscule des gens, sans s'excuser. Mais il s'en fout, ce n'est pas important, il doit la sauver. Il entre sans difficulté dans la petite maison de sa sœur et son compagnon. Silencieux, trop silencieux. Il s'engouffre dans le long escalier qui mène à leur chambre, sa gorge se noue, comme s'il savait... La porte est entrouverte. Il entend sur son côté droit des mots prononcer, mais presque insaisissable. Il le voit, contre un mur, la tête dans les genoux, se balançant, se demandant ce qu'il a fait. Oskar entre plus alors que le grincement de la pore fait détaler le fiancer. Mais Wesley s'arrête net aux abords du grand lit, ses yeux s'embuèrent, elle est là, bleu, livide, étranglée, rouée de coups. C'est à ce moment précis que sa vie, c'est arrêter. Bien des heures plus tard, c'est une voisine qui appellera les secours alors qu'il est resté allongé aux côtés de sa sœur, tout près d'elle, lui caressant les cheveux, lui chantant une berceuse, comme il l'avait si souvent fait autrefois. En état de choc, il fut conduit à l'hôpital où il passa plusieurs jours.
Cette tragédie envoya alors Madame Hopkins déjà fragiliser dans un hôpital psychiatrique. Et Oskar lui boucla bagage jusqu'aux États-Unis, à l'autre bout de l'Atlantique. Abandonner sa carrière prometteuse mais trop embrumée de militaire, obtenant sans grands soucis sa retraite. Il choisit de s'installer dans une petite ville, Maple Spring où il mit les pieds lors d'un trop court voyage. Ici, la vie semble comme arrêter dans le temps, loin des massacres de la guerre, loin des regards compatissants du voisinage, loin de tout, simplement. Oskar est à présent un autre homme, brisé, sans attache. Son seul plaisir est de jouer parfois dans des bars et petites salles de spectacles de Detroit, la grande ville la plus proche de Marple. Depuis deux ans à présent, il survit plus qu'il ne vit, mais à quoi bon vivre si c'est pour perdre tous ceux qu'on aime après tout.