Etant donné que j’ai toujours voulu avoir un chien, lorsque j’ai perdu la vue et que l’on m’a demander si je souhaitais avoir un chien guide, j’ai naturellement accepté. Cela ne remplissait pas vraiment ma mère de joie, mais elle s’est fait à cette idée. C’était long, toutefois, avant d’y parvenir. Et en effet, j’ai attendu plus de trois ans, avant d’avoir enfin l’accord pour en avoir un. C’est dans un établissement spécialisé que j’ai pu choisir mon compagnon. Contrairement à d’autres personnes dans ma situation, ça à été rapide, j’ai eu un coup de foudre pour un chien dès le premier jour. Un coup de foudre réciproque, bien sûr. Un labrador mâle, de couleur noire, que j’ai intelligemment prénommé Black ; bonjours l’originalité hein ! Cela fait maintenant deux ans qu’il est avec moi et on ne se quitte pratiquement jamais. Mon chien m’accompagne partout, même à l’école. Mais, ce n’est pas de lui dont je voulais vous parler, mais de Florian. Florian, c’est un mec sympathique que j’ai rencontré au centre des guides. Il est aveugle, comme moi, et je crois qu’il venait aussi choisir le sien, ce jour-là, ou alors, il était là pour donner un coup de main, je ne sais plus. Ce que je sais, c’est qu’à l’époque, je n’étais pas bien dans ma peau. Je vivais plutôt mal mon handicap, et il m’a aider à aller de l’avant, à penser de manière plus positive et à utiliser mes autres capacités. Je ne l’en remercierais jamais assez pour ça. Et justement, l’occasion de le faire, c’est présenté très récemment, lorsqu’il m’a dit qu’il ne connaissait pas le braille. Je l’admets, j’ai été très surprise, car Flo est aveugle de naissance ; ce qui n’est pas mon cas ; donc j’aurais pensé qu’il connaissait. Alors, je lui ai proposé de lui apprendre. Moi, j’ai appris très tôt. Si je voulais continuer la musique, je n’avais pas vraiment le choix. Enfin voilà, je voulais vous parler de lui, parce que je me rends au parc pour poursuivre mes leçons. Evidement, mon fidèle Black m’accompagne. Je connais le chemin par cœur et lui aussi, donc, c’est sans trop de difficultés, que je me rends sur les lieux. Une fois sur place, je cherche un coin ensoleillé mais pas de trop, puis j’installe une couverture sur le sol avant de m’y installer. Je défais la laisse de Black, mais il reste près de moi, comme à son habitude.

Il fait beau aujourd’hui. Je sens le soleil me caresser doucement le visage. Ne plus voir les couleurs comme avant, ça me manque, bien évidemment, mais je fais avec. Bien sûr, ce n’est pas comme avec les visages. Depuis que j’ai perdue la vue, j’ai appris à voir avec les doigts. Il suffit que touche le visage des gens ; enfin quand ils sont d’accord pour me laisser faire évidement ; pour que je puisse me faire une idée. Généralement, en touchant un visage, je suis capable de « voir » à quoi ressemble la personne. Après, j’essaye de deviner la couleur de ses yeux, de ses cheveux, ce genre de choses. Je dois dire que ça m’amuse. J’accepte de mieux en mieux mon handicap, même s’il est vrai que ce n’est pas toujours facile. Quand j’essaye de m’habillé le matin et que je n’arrive pas à trouver ce que je veux, j’ai tendance à m’énerver. Même chose lorsque je sors la vaisselle du petit déjeuner du placard au-dessus de l’évier. Ma mère à encore beaucoup de mal à s’habitué au fait que je ne vois plus du tout, alors elle oublie de mettre les choses à la bonne place. Ce qui fait, que moi, comme je ne vois pas, je tâtonne et je ne trouve pas, et donc, ça m’énerve … Surtout que parfois, comme ce n’est pas à la bonne place, je le fais tomber. J’ai dû casser une bonne dizaine d’assiettes, de tasses et de verres depuis que j’ai perdu la vue. Parfois, ça agace ma mère, puis elle se rattrape, car elle sait bien que ça n’est pas de ma faute, mais de la sienne, parce qu’elle ne l’a pas remis, là où ça devrait être. Heureusement, Black m’aide beaucoup dans mon quotidien, mais malheureusement, ce n’est qu’un chien, alors il y a des choses qu’il ne peut pas faire. Mais il en fait déjà beaucoup. C’est un animal en or et je l’adore. Pour l’heure, il se repose à côté de moi. Je sais qu’il ne dort pas vraiment, qu’il surveille du coin de l’œil. Soudain, j’entends la voix de Florian, toute proche. Il demande à son chien de me trouver. Evidemment, je ne le vois pas, donc, je ne sais pas ou il est exactement, mais sa voix semble provenir de devant moi, donc il doit se trouver à un mètre ou deux de moi. « Flo ? » que je dis alors, afin de signaler ma présence. « Je suis juste en face de toi. Enfin, je crois ! » j’ajoute. On fait une belle brochettes tout les deux, mais ce n’est pas de notre faute.

Bien que j’ai eu du mal à me faire à ma nouvelle situation ; il faut dire que cet accident stupide était en partie de ma faute et je le sais très bien ; aujourd’hui, je m’y accommode sans problème. Bien sûr, lorsque je rencontre une nouvelle personne, je ne suis pas capable de savoir à quoi elle ressemble autrement qu’en lui posant des questions ou en la touchant et c’est frustrant, mais je m’y suis faite, parce que je n’ai pas le choix. Je sais que j’ai eu de la chance de voir un peu, mais d’un autre côté, le fait de savoir à quoi ressemble les couleurs et ne plus les voir, me déprime parfois. Mais, je reste une optimiste et il en faut bien plus pour me démoraliser complètement. J’ai toujours préféré voir le bon côté des choses et ce n’est pas parce que désormais, je suis privé de l’un de mes sens, que ça n’est plus cas. Quoique, parler de « voir » le bon côté des choses, dans ma situation, c’est un peu ironique, mais je pense que vous avez parfaitement compris ou je voulais en venir. Enfin voilà, j’ai rendez-vous avec Florian et un roman de la littérature classique anglaise, en braille, pour lui apprendre. Il est né aveugle et n’a jamais appris le braille, je ne lui ai jamais demander pourquoi, je suppose que la situation ne s’est pas présenté à lui ou que sais-je encore, en tout cas, il a eu l’air ravi de pouvoir s’y mettre. Nous avons déjà fait plusieurs séances et il se débrouille bien. Mieux que moi lorsque j’ai commencé. Je reconnais sa voix lorsqu’il arrive, et il m’indique que Dan, son chien, m’amène jusqu’à moi. Après quelques secondes, je le sens se laisser tomber sur la couverture. Black couine. Je suppose qu’il a dû s’assoir sur sa queue. « Bien et toi ? » dis-je, après l’avoir salué à mon tour. « Je crois que tu as dû poser tes fesses sur la queue de Black, il couine ! » dis-je alors. Bien que je ne puisse pas voir les mimiques de mon chien, je sais reconnaitre ses bruits.

Il faisait chaud, je sentais le soleil me caresser le visage et je commençais à regretter de ne pas avoir écouter les conseils de ma mère. A savoir, de prendre de la crème solaire pour m‘en étaler sur la figure afin de ne pas cramer comme une vulgaire saucisse sur un barbecue. Mais bien sûr, comme j’en avais assez qu’elle me materne comme lorsque j’avais cinq ans ; et aussi un petit peu beaucoup parce que je lui en voulais toujours d’avoir tromper mon père et d’avoir obtenu ma garde ; je ne l’écoutais pas. En même temps, j’étais peut-être aveugle, je n’étais plus une gamine, j’étais une adulte, donc j’étais parfaitement capable de m’assumer toute seule. D’autant plus que j’avais l’aide de Black. Mon ami arriva à l’heure du rendez-vous. Je remarquais que les gens porteurs de handicap comme nous, alors que nous avions de bonnes ; d’excellentes même ; excuse pour arriver en retard et bien c’était tout le contraire, nous étions toujours à l’heure. « Plutôt bien ! » que je réponds, l’air joyeux, avant de faire remarquer à Flo qu’il s’était probablement assis sur la queue de mon chien, car ce dernier couinait. Le jeune homme se décala, libérant Black, qui s’arrêta aussitôt. « Ne t’en fais pas, il le sait très bien ! » que je lui dis. C’est que, récemment, en cherchant un rouleau de papier toilettes, je lui en avais tomber trois sur le dos, alors qu’il dormait, en fait, dormait, façon de parler, disons, qu’il était coucher dans la buanderie. Le chien soupira et je devinais que mon ami le caressait, puis il se laissa tomber sur l’herbe, heureux. Les chiens n’avaient pas besoin de grand-chose pour être satisfaits. Il me demanda ensuite ce que j’avais de nouveau à raconter. Je soupirais en repensant à cette soirée à laquelle une de mes amies m’avait forcée à l’accompagner et ou j’avais servi de porte manteau. « Et bien, il m’en est arrivée une belle il n’y a pas si longtemps ! Je suis aller à une fête organisée par le conservatoire. Pour tout te dire, je n’avais pas tellement envie d’y aller, mais une amie m’en à convaincue. Bref, finalement, je me suis retrouvée assise toute seule dans un coin, parce qu’elle m’a planté sec et que personne ne faisait attention à moi ! » expliquais-je, omettant volontairement l’histoire de la pile de vêtements que j’avais eut sur moi avant que Maud ne me sorte de cet enfer.

Contrairement à mon ami, qui était né aveugle, je savais à quoi je ressemblais. J’avais sans doute un peux vieilli depuis mon accident stupide, mais j’avais toujours la même chevelure châtain et les mêmes yeux marrons. Je m’étais finalement habituée assez vite à ma nouvelle condition. Plus vite que ma famille en tout cas. Ma mère avait encore les mêmes reflexes d’allumer la lumière du salon lorsque je m’y trouvais, car, disait-elle, j’y verrais mieux. Ça me faisait pouffer, puisque, lumière ou pas lumière, j’étais désormais dans le noir, alors ça ne changeait absolument rien. Mon père lui, je ne savais pas ce qu’il en pensait, puisque, depuis le divorce de mes parents, je ne l’avais jamais revu. Au départ, il téléphonait, il m’écrivait, mais depuis l’accident, bizarrement, c’est silence radio. J’ignore si c’est parce qu’il s’en veut de ne pas avoir accepté que je vive avec lui ; il se dit sans doute que si j’avais habité avec lui je n’aurais pas perdue la vue ; ou s’il ne me considère plus comme sa fille parce que je suis handicapée et dépendante à cause de ça. Je ne sais pas, et il y a fort à parié pour que je ne le sache jamais. Étonnamment, ça ne me rend pas plus triste que ça. Je le devrais pourtant, mais non. Je prends bien les choses, parce que, de toute manière, me plaindre ne changerait rien à la situation, pas vrai ? « Black ne mord pas ! » dis-je, quand Flo m’indiqua qu’il craignait un coup de crocs. Les chiens guides d’aveugles sont dressés pour parer à ce genre de situation, ils n’en prennent donc pas des qui pourraient se montrer imprévisibles et agressifs. Encore heureux, parce que l’on ne sait pas où on va, donc marcher sur la queue de son chien sans le faire exprès, c’est malheureusement monnaie courante. Je m’assois en tailleur et j’évoque cette soirée merdique à laquelle je suis allée. « Bof. J’ai l’habitude maintenant ! » que je dis. A la limite, je suis blasée, parce que la réaction de mon amie ne me surprend même pas. C’est comme si, en acceptant de venir, je savais que ce genre d’incident arriverait.

« Bien sûr que c’est le cas ! Tu imagines, quelqu’un en fauteuil, qui roulerait involontairement sur la queue de son chien et qui se ferait mordre ? Ils savent très bien que nous avons besoins d’eux et que nous ne le faisons pas exprès ! » que je réponds. J’aimais les chiens et je crois que si je n’avais pas été passionnée par la musique, je serais probablement devenue vétérinaire. Enfin, si je ne m’étais pas brûler la rétine avec un pétard. Après tout, ça aurait rejoint mon autre passion, celle pour les cheveux et l’équitation. J’avais remporté plusieurs compétitions. Les coupes et les médailles trônaient fièrement dans mon salon parce que je ne pouvais plus les voir. Et je dois dire que mon cheval, lui aussi, savait que j’étais diminué et se montrait doux et patient avec moi. Plus que lorsque j’avais encore mes deux yeux. Voilà pourquoi j’étais persuadé que les animaux étaient bien plus intelligents que la plupart des êtres humains. La preuve, je savais que mon ami Tyler n’était pas responsable du braquage de ce restaurant, mais personne ne voulait me croire, malheureusement. Alors, je n’en parlais plus, j’évitais le sujet, parce que même si je ne voyais plus, j’étais parfaitement capable de savoir quand une personne levait au ciel en m’écoutant parler. Enfin bref, j’évoquais cette soirée idiote à laquelle j’avais récemment assisté, ce qui, bien évidemment, offusqua mon ami. Mais, j’avais l’habitude, alors ça ne me faisait plus rien du tout. « Je pense qu’ils n’ont pas l’habitude. Tout simplement. J’étais pareil avant ! » que je réponds en haussant les épaules. Je sais qu’ils ne pensaient pas mal agir, c’était juste par habitude, par oubli, mais je m’en fichais. Bon, je le reconnais que sur le moment, j’avais été furieuse et surtout dégoutée d’être prise pour un vulgaire porte manteaux, mais une fois dehors, j’avais tout oublié. « J’y penserais. Mais ça ne sera peut-être pas pour tout de suite, j’ai pas mal de compétitions pendant l’été ! » expliquais-je.

Je ne suis pas complètement idiote, même si je ne suis plus capable d’observer le monde qui m’entoure, je l’ai suffisamment vu pour savoir que plus rien ne va. Nous sommes rendu dans une société ou c’est chacun pour soi. Tu peux t’effondrer au beau milieu de la rue, personne ne viendra t’aider à te remettre sur tes pieds. C’est triste, bien sûr, mais ainsi va le monde. Se plaindre, crier, pleurer, ne servirait à rien. Je suis jeune, mais j’ai pu voir suffisamment de chose avant de perdre la vue, alors, je sais de quoi je parle. Bien sûr, on pourrait croire que je suis aigri à pensé ainsi, mais au moins, je suis réaliste. Mais, je ne m’en offusque pas. J’ai moi-même agit comme eux le fond aujourd’hui, alors je suis bien mal placé pour oser dire quoique ce soit. Je n’étais pas méchante, simplement ignorante et bien trop concentrer sur mon petit nombril pour voir autre chose que mon reflet dans un stupide miroir. J’ignore si j’ai été punie d’avoir été comme ça, mais quoiqu’il en soit, on n’efface pas le passé. C’est ce que je tente d’expliquer à mon ami, mais Flo pense que je ne devrais pas considérer comme une amie, la fille qui m’a fait venir à cette soirée, compte tenu de son comportement vis-à-vis de moi. Bien évidemment, il a raison, mais, d’un, je suis incapable de détester qui que ce soit, et de deux, j’ai beaucoup de mal à me faire des amis et à les garder. Bien sûr, j’en ai, je ne suis pas une solitaire, mais soit je les connaissais avant l’accident, soit ils sont comme moi, mal voyant ou non voyant. « Ce n’est pas dans ma nature de détester quelqu’un ! » avouais-je alors, après un haussement d’épaules qu’il ne pouvait malheureusement pas voir. Pas plus que je ne pouvais voir qu’il secouait la tête. « Et bien, maintenant, tu le sais ! » que j’ajoute, en parlant des animaux et plus particulièrement des chiens guides. Se sont des animaux précieux, tout le monde se devrait de le savoir. Je me souviens de la fois, ou, voulant me débrouiller toute seule, j’avais été cherché des papiers à l’hôtel de ville et Black m’avait échapper à cause d’un bruit qui l’avait effrayé. J’étais complètement perdue et la fille qui m’était venue e aide, avait plus l’air de trouver ça drôle qu’autre chose. Je ne suis pas certaine qu’elle est véritablement cru que j’étais aveugle, j’ai plus eu l’impression que pour elle, c’était un gag, un coup monté et que j’avais fais semblant. Sauf que ce n’était pas le cas, j’avais bel et bien perdu mon chien et ma canne et j’étais complètement démunie. Par chance, les deux avaient été retrouvé bien rapidement. Black, totalement apeuré, s’était réfugié dans la cave, avec ma canne dans sa gueule. « Je n’y manquerais pas ! » terminais-je, suite à sa proposition de se voir pour autre chose que l’apprentissage du braille.