« Allez M’man, tu sais bien qu’il l’a pas dit méchamment ! » Je lui fais des yeux de chaton botté tout en la suivant à travers le bar pour lever les chaises et les foutre sur les tables afin de faciliter la vie de la femme de ménage qui en a plein le dos parfois. Et je la comprends. Les gens peuvent être complètement dégoûtants ! « Il n’avait qu’à pas le dire ! » « Mais Mamounetted’amourquej’aimetoutplein… » Je trottine vers elle avec ma bonne bouille et une moue boudeuse sur le visage. « En plus, à cause de votre dispute, c’est chez moi qu’il squatte et tu sais c’que ça veut dire… ? » « Que tou subis tout cé qué je vis au quotidien ? » Je ris un peu tout en étant subjugué par son accent toujours présent. « ça eeeeet ausssiiii que j’peux pas vivre ma jeunesse correctement. » Oui bon, j’peux plus vraiment baiser comme je veux en gros, parce que du coup, c’est impossible de ramener quelqu’un à la maison.

Elle me fout une claque derrière la tête. « Pervers ! » Et je ris avec elle avant de me redresser, puis de lui attraper une caisse lourde des mains. « Allez M’man ! Pardonne-lui ! » Je vais dans la réserve déposer la caisse et commencer à tout ranger mécaniquement. « Il est dingue de toi, de qui tu es, de ton corps ! Y’a pas tout l’monde qui peut en dire autant après… J’sais pas, ça fait quoi… 25 ans de mariage ? 30 ans de connaissance ? » Je reviens vers elle. « Allez… Dis-lui que c'est bon ! » J’attrape son téléphone pour lui mettre en main. « Toi… toi tou sais comment mé parler hein ? » Elle me tire la joue avant de me l’embrasser. « Allez file, tou va mé ruiner ma journée ! Dios mios » Elle sourit, je ris et lui colle un baiser sur la joue avant de partir de là et de passer m’acheter une salade de fruits à grignoter pendant que je me promène dans la ville, casque de moto en main.

Argh….

Connerie d’animalerie.

Je m’arrête aux côtés d’une jolie blonde avant de soupirer. « C’est un business de la mort cette connerie ! Sincèrement, tu sais comment ils produisent autant de bébés ? Les mamans sont dans des usines… Et souvent, les chiots finissent à la SPA parce qu’ils ne sont pas vraiment sevrés et difficiles à dresser quand les gens n’ont pas la patience. » Je secoue la tête. « Faut adopter si tu veux  un animal. J’ai pris ma mygale et mon serpent dans un refuge qui ne savait pas quoi en faire ! » Avant de rire un peu, puis de la regarder. « J’m’appelle Jun, et toi ? » Je lui offre un beau sourire avant de tendre ma main.

Elle semble un peu gênée non ? En même temps, je suis arrivé comme un gros bourrin en commençant à scander le scandale des animaleries. Ouais, faut avouer, je suis tout sauf un prince charmant et j’m’en rends compte au moins ! C’est pour ça que je préfère éviter d’être en couple. J’imagine tellement ma copine m’envoyer pleins de signaux à la noix que je comprendrais pas comme un idiot ! Non parce que je suis doué pour aider les autres à voir plus loin que le bout de leur nez, mais alors pour mon propre bien, on repassera n’est-ce pas ?

Bref.
On s’en fout !

Je repère rapidement son accent chantant et souris en serrant sa main avant d’oser le baisemain. « Une russe ? » Dis oui ! C’est tellement sexy les russes ! « En tout cas, ton accent est fort charmant. » Bah quoi, c’est vrai de toute façon. Je me pose, le dos contre la vitrine, afin de ne plus voir l’horreur de l’intérieur, puis de repérer un starbuck au loin. Enfin, à quoi 300 mètres ? Une connerie comme ça ! « Dis, si je t’invite à boire un café, tu m’envoies chier ou tu acceptes ? » J’ai une bonne gueule non ? ça vaut bien un oui non ? Je souris de plus belle, un peu impatient de sa réponse, avant de lui pointer le starbuck du doigt pour appuyer mon idée. « Il est pas loin, et y’a un peu de monde dedans ! » J’sais pas, ça peut la rassurer non ? En mode : on sera pas tout seul, j’te violerai pas ! De toute façon, c’est tellement, tellement, tellement débile et honteux de forcer une femme. Elles sont tellement belles quand elles en ont envie aussi ! Rah, je jetterai bien tous les connards qui font ça dans un lac. « On pourra discuter d’animaux, mais pas de mygales comme ça ! » J’ai bien vu son petit rebus, elle est cool pourtant Mimi.

Yeah une russe ! J’ai jamais eu de russe dans mon lit !! Mnah ! Ah nan ! Nan, Jun, pense pas comme ça ! C’est pas un steak, c’est une charmante demoiselle qui demande toute ton attention, et de plus, ton lit est LOIN de ta gueule pour le moment, alors zen et soit mignon, du gland ! Tss ! « Je viens d’où ? » Je papillonne des yeux avec une immense envie de lui dire que je viens d’ici, après tout, j’ai l’accent de Detroit non ? « Ah ! » Puis de secouer la tête dans un sourire. « Je suis sud-coréen, j’ai été adopté ! » Je souris. Contrairement à beaucoup de gosses, je suis pas du tout malheureux d’avoir été abandonné, puis adopté. J’aime complètement ma vie ici ! Alors pourquoi maudire ça hein ? J’ai les parents les plus géniaux du monde.

Finalement, je tente la petite approche subtile. Un bon café par ce temps, ça fait toujours du bien non ? Surtout que maintenant, ils ont du lait de Soja au Starbuck ! Plus besoin de me priver de rien ! Allez, dis-moi oui Jolie Créature… Trépignant sur place, je suis limite à faire un bond en l’air lorsqu’elle accepte avant de sourire en coin. « Madame, vous me flattez ! » Je ris doucement et l’invite alors à poursuivre le chemin. « Désolé si je suis arrivé comme un cheveu sur la soupe et un peu brutalement. »

Je souris doucement, tendrement, les mains dans le dos, tenant mon casque de moto. « J’ai cette tendance à dire ce que j’ai en tête sans me soucier des conventions sociales à vrai dire. » Je hausse les épaules doucement. « On a qu’une vie, j’ai pas envie d’en perdre une miette à hésiter ! » Je la regarde longuement avant de la devancer pour lui ouvrir la porte du café et entrer à sa suite. « Prends ce que tu veux, j’invite ! » Je me commande un latte au caramel avec du lait de soja et la laisse prendre ce qu’elle veut avant de payer et de partir vers une table avec elle rapidement. « Alors Ana ! Tu fais quoi dans la vie ? Ça fait longtemps que tu es ici ? »

Ah, oui, oui en un sens, je viens de loin, mais pas vraiment dans mon histoire. Enfin, de ce que j’ai toujours su, ma mère m’avait eu à 16 ans, comme parfois ça arrive et elle avait préféré me confier à l’adoption. C’est tout. J’ai été adopté un peu tardivement, mais on était bien dans l’orphelinat quand même. Loin de l’image qu’on s’en fait. C’était pas l’idéal, mais les femmes qui s’occupaient de nous étaient vraiment gentilles. Je hausse les épaules pour toute réponse avant de poursuivre le chemin, m’excusant un peu quand même pour mon attitude de sauvageon, mais ravi de voir qu’elle partage la même philosophie. C’est assez rare de trouver des gens qui évitent de se prendre la tête.

M’enfin, avec les femmes, c’est à double tranchant, on le sait tous ! Ne faites pas les innocentes !

Un sourire amusé se dessine sur ma face et une fois nos boissons en mains, je pars à une table pour m’installer face à elle et profiter de la magie de Noël. De l’odeur du pain d’épices et de tout ça avec délices. Ça donne faim, mais nan, y’a des produits issus des animaux dans tout quasiment, alors on va éviter hein ! Ma volonté sera plus forte que mon estomac !

Je m’intéresse à elle parce que les femmes sont toutes des princesses qui aiment quand on les fait parler d’elle, qu’on les écoute et qu’on retient surtout ! Si un jour, elle te dit qu’elle aime le vieux rose et pas le rose bonbon, retiens-le ! « Un accident ? » Je penche la tête sur le côté, sourcils froncés… Elle semble aller bien pourtant. « Un accident comment ? Tu vas bien t’es sûre ? Si tu veux, je te raccompagnerai toute à l’heure. » C’est triste d’avoir eu un accident. Songeur, je bois un peu avant de retrouver mon sourire. « Ah, je suis paysagiste. » Et stripteaseur, mais ça jette toujours un froid quand j’en parle ! C’est con, m’enfin, je garde ça pour plus tard. « J’ai 22 ans, et euh… Ma mère tient un bar LGTB ici ! Je passe souvent la voir ou l’aider. » Je souris doucement.

Ah bon, bah, si elle va bien. Enfin, elle semble aller bien. M’enfin, cette histoire d’amnésie est un peu inquiétante quand même. Et si jamais elle a un mari dans un coin qui va venir me péter la gueule d’avoir pris un café avec elle ? Ou des gosses ? Elle vit vraiment ça bien ? Comment on fait quand on perd son identité ? Elle ne semble pas si perturbée en tout cas, c’est pas plus mal à vrai dire. Alors je me contente de lui sourire sagement.

Elle semble apprécier mon travail et je hoche la tête à ce qu’elle dit. « Hn ! » Un autre sourire, une autre gorgée. « Mais je déteste les fleuristes et les fleurs ou plantes en appartement. » Je suis chiant hein ? « Désolé, je dois te paraître immonde. Je serai jamais le genre de mec à offrir des fleurs. Ça me rend malade de les couper, la nature est tellement belle à sa juste place et en liberté ! » Pourtant, dans mon métier, parfois, on taille et compagnie, mais j’m’occupe du boulot le plus chiant : préparer le terrain, planter et prendre soin des espaces verts. J’évite de faire partis des coupeurs/destructeurs et ça se passe bien pour le moment, j’vais pas me plaindre.

« Dans la 8ème avenue, juste après le carrefour qu’elle forme avec East Road. C’est le Rainbow, tu peux pas le louper. » Je souris doucement tout en écoutant les chants de Noël qui passent en fond sonore. Trente ans ? Je hausse un sourcil, wow, elle est tellement belle qu’elle ne les fait pas. Je mordille ma lèvre en lui souriant. « Le bel âge, tu es magnifique en tout cas. » Je souris et bois encore un peu avant d’oser. « Hm, vendredi soir, un artiste japonais vient faire un concert à Detroit, il est génial, un musicien absolument fantastique. Ses chansons sont en anglais, tu seras pas perdue ! C’est du bon rock qui fait du bien ! »

Ouais, c’est un rendez-vous, autant y aller au culot. Elle est plaisante.

Des chocolats hein ? Je souris en coin, casant ça dans un endroit de ma mémoire. Au moins, elle avoue aimer les petits plaisirs et les gourmandises. C’est bien ! Je connais tellement de femmes qui font chier avec ça ! Ma Poésie, elle est cool au moins ! C’est une vraie fille, mais une vraie personne aussi ! Ah, elle me manque ma rousse, faut que je la voie rapidos. Je joue avec mon latte avant d’en boire encore, puis de la regarder avec attention. Coudes posés sur la table, bras croisés, je m’avance légèrement vers elle dans un éclat de rire ! « Hn ! Ils sont géniaux ! Vraiment ! » J’ai bien envie de lui dire : étant bisexuel moi-même, j’peux te dire que c’est vraiment la communauté la plus cool du monde, mais bouarf, on est pas là pour parler de ça. « J’aime tellement passer du temps avec eux ! Ils sont drôles, ils s’entraident, et personne ne juge personne, au contraire. Les mecs sont contents de pas avoir de rivales féminines et inversement ! Sauf quand y’a des bis. » Je ris encore, doucement, finissant mon café avant de me mordre un ongle par réflexe et de lui faire son compliment qu’elle mérite, parce que Mama, c’est une vraie (bonne) belle femme.

« Ça m’étonnerait aussi que tu le connaisses, mais il est génial Miyavi. Il a joué dans le film d’Angelina Jolie, Unbroken, et il a été salué pour son rôle ! Il joue un vrai bâtard, mais il le joue tellement bien ! » Je ris doucement. « Il est cool ce film ! » Je hoche ma tête pour appuyer mes dires avant de bouger un peu sur ma chaise, incapable de rester en place. « On ira au bar de ma mère après si tu veux ! C’est pas loin du concert, et puis le WE, y’a mon père et ses Dolce Girlz qui font des shows de dragqueen, c’est juste tellement cool à voir ! » Je souris longuement. « J’ai une famille bizarre, mais elle est trop cool ! » Vraiment.

Je mords ma lèvre tout en la fixant avant d’avoir un beau sourire sur ma face espiègle. « Dis Ana… » Rah, comme j’adore ce petit nom. « Y’a pas un beau brun d’un mètre quatre-vingt-dix qui va pas venir me casser la figure parce que j’invite à une soirée hein ? » Ou comment s’assurer qu’elle est bien célibataire. On sait jamais après tout.

« Je baigne dedans depuis que je suis gosse ! » Je hausse une épaule dans un sourire. « Pi j’avoue, je suis bisexuel aussi ! Enfin, plutôt pansexuel, j’m’arrête pas au sexe d’une personne. Quelqu’un me plait, c’est tout, c’est comme ça. Je cherche pas plus loin et j’envoie chier les codes sociaux ! Je suis un bisounours ! » Je ris longuement tout en la regardant, espérant qu’elle ne va pas juste me cataloguer de : copain gay trop choupinou. Parce que merci bien le nombre de Nanas qui ont pu le faire une fois mon orientation connue. Elles savaient vraiment pas c’que je vaux au lit.

« Ah, une anti-fan d’Angie, tu vas t’entendre avec ma mère et ma sœur ! Maman dit souvent que P’pa et moi, on l’aime bien juste à cause de nos hormones. » Je ris un peu. « Mais elle joue pas dans le film-là, elle l’a juste produit et réalisé ! Alors p’t’être que j’arriverai te le monter un jour ! Qui sait ! » Je souris à nouveau en la regardant avant de tapoter nerveusement du pied sur le sol, puis de mettre ma jambe en route. Argh, j’ai vraiment du mal à rester juste inactif comme ça, mais elle est tellement jolie !

Je hausse un sourcil à sa question avant de pencher la tête sur le côté. « Trouver les places ? » Je secoue mon minois vivement, laissant mes cheveux se mettre un peu en pagaille. « Je les ai déjà ! » Je souris en coin. « J’pensais proposer à ma sœur d’y aller, heureusement que j’ai rien dit encore ! » Je ris faiblement. « Alors pas de souci, dis-moi juste où venir te chercher ! Par contre… » Je montre mon casque posé sur mes genoux. « J’ai qu’une moto, alors habille-toi en fonction ! »

Elle accepte pour le bar, me rendant assez heureux et fier. Ouais, je suis fier du Rainbow, même gosse je le défendais autant que possible envers et contre tous ! Et on en a eu des putains d’attaque à la con parce qu’on défendait cette cause. Surtout que M’man, elle vient d’une famille très chrétienne, très croyante, mais elle a jamais lâché le morceau. « On a une famille géniale. » Je hoche la tête, appuyant tout ça d’un beau sourire.

Et puis finalement, la question qui tue, mais qui ne me tue pas ! J’ai le terrain libre alors ? Elle est d’accord pour se laisser séduire ? Héhéhé ! Junie, t’as encore fait mouche ! « Tant mieux alors ! » Je mordille ma lèvre avant de prendre mon téléphone qui sonne. « Holà Mama ! » Et de démarrer une conversation en espagnol avant de bouder. « Mnah… » Puis de soupirer. « Si si ! » Puis de hocher la tête et de raccrocher. « Désolé, ma mère a besoin d’un coup de mains au bar, faut mes gros muscles ! » Je ris en faisant une posture de mec bodybuildé avant de lui tendre mon téléphone. « Tu me laisses ton numéro, comme ça on peut se parler pour vendredi pour organiser la soirée ? » Je fais une petite moue de chaton botté. « J’étais… Je suis ! Je suis vraiment content de t’avoir rencontré Ana ! » Mais Mama Lopez a besoin de moi, ergh, elle a de la chance de m’avoir ma Mama.