« C'est dégueulasse. J'mangerais pas ça. » « Majken, assit ! Je vais tuer ce gosse Symphonia. Kom tillbaka hit, skitstövel ! » « C'est pas en m'insultant que je reviendrais à côté de toi, papa ! On habite en Amérique, plus en Suède, arrête de parler suédois. » Reviens-ici petit con. C'était exactement ce qu'il m'avait dit, mais en suédois en réalité. Cette phrase était celle que j'entendais le plus dans la maison. Pourquoi ? Parce que je faisais clairement chier mon père. J'étais son seul et unique fils, et ça l'embêtait plus qu'autre chose que je ne l'écoute pas. Je n'étais pas comme mes sœurs, à parfaitement écouter qui que ce soit en réalité. C'était en réalité le total contraire. Mais au fond, et je ne comprenais pas, mes parents s'inquiétaient peut-être pour moi. Je ne mangeais presque plus rien, et quand je le faisais c'était pour m'obliger moi-même à vomir quelques minutes ou voir une heure après. Une raison ? Oui, une seule. Tout ce que je mangeais, je trouvais ça dégueulasse. Dégueulasse au point où j'avais même aucune envie à ce que ça reste dans mon corps. Je ne comprenais pas ce que j'avais, alors que toute autre personne pouvait avoir des tonnes de goûts différents dans la bouche, j'avais constamment celui de la terre, quoi que je mange. Et ça me désespérais, réellement. Seulement un jour, tout ça changea. Assit hors de chez moi avec mon meilleur ami, je finissais par me tourner vers lui, le regardant quelques instants avant de sourire. « J'ai une idée. On va faire un jeu. T'es le chasseur, je suis le vampire. Si t'arrive pas à te cacher et que je te mords, tu meurs. » Il avait sourit et avait finit par partir directement. Je m'étais levé du trottoir quelques minutes après, et je l'avais facilement retrouvé, même trop facilement. Et finalement, je l'avais attrapé par derrière avant de lui chuchoter un seul mot à l'oreille. « Perdu. » Et je l'avais mordu au niveau du cou, au sang. Il m'avait dit de le lâcher et que c'était qu'un jeu, mais je l'avais pas fait. C'était comme si dire que j'étais un vampire m'avait réellement transformé en quelque chose que je n'étais pas. Il avait finit par me repousser assez brutalement, même si je ne l'avais pas lâché et si ça l'avait ouvert au point où il se mit à perdre énormément de sang. Je le vis mettre sa main au niveau de son cou en reculant. « J'suis désolé Raven, je sais pas ce qu... » « T'es un gros malade. Mange quelqu'un d'autre si t'as faim putain, ça fait mal. » « Je sais pas ce qui m'a prit, j'aurais du te lâcher, excuse moi. » « T'excuser ? Mec, tu m'as mordu au sang, tu crois que c'est en quelques sortes facile à pardonner ça ? Pauvre con. » Me mordant finalement les doigts, je finissais par essuyer son sang de ma bouche en l'observant rentrer chez lui. La seule chose que j'espérais, c'est qu'il ne pensait pas réellement ce qu'il disait.

Je compris que quelques jours plus tard que je venais définitivement de perdre mon meilleur ami. Lorsqu'il rentrait d'une soirée, et que je l'avais pas entendu arrivé dans cette rue. Le seul mot que j'entendais fut mon nom. Uniquement mon nom. Et je réalisais alors ce que je devenais, en observant le corps de la jeune femme en sang qui était sous mes yeux, en regardant mes mains qui étaient également en sang. Et je savais que ma bouche était dans le même état. « Majken, je sais que c'est toi. C'est bon, je t'en veux plus pour ce qu'il s'est passé, on a dix-sept ans putain. On fait des erreurs, tous.. Qu'est-ce qui a ? » Me redressant finalement en m'appuyant sur le mur à mes côtés, je finissais par me tourner vers le jeune homme qui eut presque directement un air choqué, mais il s'approchait quand même de moi, attrapant mes poignets pour regarder les mains. « Tu t'es fais qu.. » Il s'était coupé en voyant la jeune femme alors que j'avais finit par fermer les yeux. « Euh.. Tu sais, quand je te disais de bouffer quelqu'un d'autre c'était une blague, t'étais pas obligé de le faire. » « Je sais pas ce qui m'arrive. » « Euh... Bah il faut que tu te fasse interner, parce que c'est grave là. Tu l'as bouffé ? » Je l'avais regardé avant d'observer la jeune femme quelques secondes. « Je crois.. » « Tu crois ? Attends. Est-ce que t'as mis une partie de son corps quelconque dans ta bouche ? » « C'est la seule chose bonne que j'ai pu ressentir depuis tout ce temps. » « Alors là c'est définitif, t'es un gros malade. » Je l'avais regardé quand il m'avait contourné pour passer à mes côtés, j'étais complètement perdu. Juste complètement, et lui il m'abandonnait déjà, aussi facilement et aussi rapidement. « Tu vas où ? » « Chercher les flics pour leur prévenir qu'un putain de zombie compte bouffer toute la ville. » Je l'avais rattrapé presque automatiquement, le plaquant assez brutalement contre le mur avant de me mettre par automatisme à pleurer. « Je voulais pas lui faire de mal Raven.. Et je voulais pas te faire de mal. » Ce fut seulement quand je le lâchais que je me rendis compte de la force que j'avais mis en le plaquant contre le mur, en voyant le sang qui s'y était accroché. Et je finissais par partir, par rentrer chez moi. Heureusement pour moi, mes sœurs étaient de sortie et mes parents dormaient déjà quand je partis dans la salle de bain pour enlever le sang de sur mes mains. Me regardant ensuite dans le miroir, je soupirais doucement en refermant les yeux, parlant doucement. « T'es normal Majken. Normal. Reste normal. »


« Arrête tes conneries un peu, il t'arrive quoi ? » « Il m'arrive que.. » Je regardais la belle blonde qui se trouvait devant moi, ma meilleure amie. Elle s'appelait Marie, elle et moi on s'était rencontré après la mort de Raven. Elle était auparavant sa meilleure amie, également, mais il n'avait jamais voulu me présenter ses autres amis. On avait passé de longues années ensemble, elle et moi. Huit exactement. Et maintenant, on en était à ce point. Au point où j'avais tellement peur de la blesser que je devais à tout prix l'éloigner, le plus possible. « Que de la merde depuis que je te connais. » « Pardon ? » « T'es une pétasse, Marie. C'est tout, faut que tu te fasse à l'idée qu'on te le dise. » Je me rappellerais je pense toute ma vie de la gifle que je m'étais prise à ce moment-là, je ressentis ce goût comme de la rouille dans ma bouche et je finissais par sourire. « Si moi je suis une pétasse, alors tes sœurs elles sont quoi ? » « Tes clientes ? J'espère que c'est toi qui les paye quand même. » J'essayais de ne pas avoir l'air doux en lui parlant, simplement parce qu'elle était trop proche de moi. Je savais que, comme à Raven, je finirais par la faire souffrir. Je savais, et je ne voulais pas la tuer elle aussi. Je l'appréciais beaucoup trop pour ça, et ça me blessait déjà de devoir faire ça. Quand elle commençait à s'éloigner, je me mordais les lèvres avant de soupirer finalement. Elle avait été la première fille à avoir mon attention, la première fille que j'avais pu aimer d'une certaine manière, destructible. Une amitié juste destructrice. Prenant ma respiration, je finissais par l'appeler avant de la regarder se tourner vers moi, ses yeux verts étaient remplis de larmes et ça me brisait totalement le cœur. « Si tu savais réellement qui je suis, tu comprendrais pourquoi je fais ça. » Elle avait hoché négativement la tête, et quand elle eut finalement disparue de mon champs de vision, j'avais finit par m'asseoir sur les marches, devant chez moi. Ce village où j'habitais avait toujours été tranquille, jusqu'à la mort de Raven. Ils continuaient constamment de chercher la cause de sa mort, de ce qu'il s'était passé. Pourquoi ça s'était passé. Et j'étais le seul à le savoir. Je savais aussi que maintenant, si je disais tout, je finirais soit en psychiatrie, soit en prison. Pour double meurtre, même si c'était doublement accidentel.


« T'es sûr que ça va ? » « Oui ça va papa. Je te le promet. » « Et tes hallucinations ? » « J'arrête peut-être pas de le voir, ça empêche pas que je sais qu'il est plus là.. » « Je suis certain qu'il serait encore avec toi s'il était toujours en vie. Ils ont déclaré que c'était un suicide.. » « J'aurais du le remarquer. J'aurais du me rendre compte que Raven allait mal. J'me sens tellement.. Coupable. » J'entendais encore mon père me dire que ce n'était pas de ma faute, que ça faisait seize ans, déjà seize ans qu'il était mort mais je m'en voulais. Je m'en voulais encore, à un point où pour arrêter d'avoir l'impression qu'il me hantait, j'avais du déménager. Je l'avais fais, j'avais déménagé dans une autre ville : Marple Spring, au bord du lac Michigan. J'y habitais depuis deux ans maintenant, et pourtant je continuais de le voir. J'avais des hallucinations, je le voyais, mais il avait l'air plus âgé. Plus âgé de seize ans. Il ne cessait pas de me dire que tout était de ma faute, que je l'avais tué. Il avait raison. Tout était de ma faute, et je l'avais tué. Je l'avais tué parce que j'avais eu peur, par accident. J'avais eu peur que tout le monde découvre la vérité, une vérité qui était encore réelle après seize ans. Physiquement, j'étais banal, tout ce qu'il y avait de plus banal. Mentalement ? Je ne l'étais pas. Je continuais depuis seize ans, exactement la même chose que ce qu'avait vu Raven. Mais en m'en empêchant le plus possible. Mon médecin m'avait déclaré en sous alimentation à cause de ça, mais j'en avais un peu rien à faire. Je préférais protéger les gens et être en mauvaise santé que ne pas les protéger, que les tuer et être en bonne santé. Puisque tuer encore qui que ce soit, ça me foutrait plus mal qu'autre chose. Que tuer encore, ça me tuerait moi-même.

« C'est des traces de crocs. » « C'est des traces de dents humains Von Rosen. » « Excuse moi, c'est qui le médecin légiste, toi ou moi ? » « Toi mais.. » « Mais quoi ? Je sais faire la différence entre dents et crocs. T'es flic, fait ce qui est de ton domaine, en occurrence une attaque d'animaux sauvages n'est pas de ton domaine. » « Je te rappelle que tu bosse pour les flics. » « Ta gueule. » Je l'avais regardé de travers en recouvrant finalement le corps de la jeune femme d'un draps blancs, enlevant mes gants et la blouse blanche que je portais. On pouvait découvrir en dessous le même uniforme que les policiers, oui parce que je travaillais réellement pour eux, j'avais la même plaque, le même uniforme, le même but. J'étais leur médecin légiste, en gros. Et je cachais, avec mon travail, mes propres crimes. C'était uniquement des crimes fait pour survivre, on aurait pu le comparer à de la légitime défense. Alors que la seule chose que c'était, c'était un crime sauvage et purement animal. J'étais clairement comparable à un animal. Un animal qui tue pour se nourrir.