ça fait déjà deux heures que je suis plantée là devant l'écran de mon ordinateur incapable d'écrire quoique ce soit. Parler de vous. Comme si j'en étais capable, moi je ne parle pas de moi, je parle des autres, j'écris des romans sur une feuille morte sous un arbre, mais je ne sais pas aligné deux mots concernant ma petite personne. Que dire ? Que faire franchement ? J'inspire fortement et je vais aller me faire un café l'inspiration me viendra-t-elle peut-être. Je masse ma nuque douloureuse avant de revenir. Parler de moi. Très bien.

Indianna Babe Dixon est née quelque part, dans un hôpital miteux, auprès d'une mère trop jeune pour être mère et d'une sage femme accablée par la douleur sur le visage de ma mère. Mon père finit surement son service dans le café où il avait l'habitude de travailler. Ma naissance reste un pan flou de mon histoire, je n'ai rien concernant cette période de mon histoire, pas de photos, aucun récit de ma mère. Je sais juste que mon père s'est barré, avant même que je ne vois le jour, c'est pas franchement super drôle.

Pff, je peux pas faire ça, parler de moi, je vais passer pour la dépressive de service à me plaindre de mon enfance merdique, de mes connaissances dévastatrices, de ma maladresse destructrice. non, franchement, je peux pas parler des licornes et des pokémons ?

Ma mère a accumulé les emplois et les prises de médoc, oscillant entre moment clean et d'autre moins cool. J'ai connu pas mal de beaux pères imparfaits, de connards de première, de salopard et des mecs biens. J'ai fait pas mal d'école avant qu'on ne vienne à vivre pour de bon dans une petite ville pas trop laide. J'ai réussi à avoir une vie normale durant quelques années. Le lycée, les premières amitiés et toutes ses conneries qu'on rencontre quand on vit en Amérique, ou ailleurs. Je me suis passionnée pour la littérature, pas besoin de faire un descend là-dessus, c'est comme toutes les histoires qu'on connait. Je suis rentrée à l'université puis ma mère à fait la dépression de trop, et a fini par avaler trop de pilule.

PUTAIN ! Je peux pas faire plus impersonnel que ça, merde je parle de la mort de ma mère. Je soupire, une forte envie d'effacer tout ce que je viens d'écrire. Non, je n'ai pas le droit, je dois tout raconter et expliquer mon détachement vis à vis de ce drame.

Ma mère est morte le jour où elle est arrivée complètement défoncée au médocs le jours du bal de promo. Je portais cette robe super cher, emprunté au magasin, j'avais encore l'étiquette pour pouvoir la lui rendre. Elle hurlait comme quoi je n'étais qu'une trainée de fille, indigne, j'ai eu la honte de ma vie. Je suis allée vers elle et je l'ai ramené à la maison et j'ai nettoyer ses conneries. Elle m'a vomi dessus, je m'en souviendrais toute ma vie. Alors quand j'ai appris sa mort, je n'ai pas réussi à avoir la larme à l'oeil, parce que ma mère, elle était merveilleuse, mais uniquement dans mon esprit. Fière et saine. Elle n'était pas ce fantôme squelettique. J'ai galéré, pas mal... On avait pas vraiment d'argent alors j'ai fait comme j'ai pu, j'ai travaillé, accumulant les jobs médiocres vivant comme on pouvait vivre. Survivre plus exactement. Durant deux longues années, il faut avouer. Puis j'ai rencontré Ryan, mon espoir...

Silencieuse, je regarde l'écran et je me demande si je dois vraiment parler de cela, je devrais plutôt raconter que je suis tombée amoureuse d'un homme formidable qui m'a aimé d'un amour parfait. Que nous aurions pu vivre une vie parfaite s'il n'avait pas eu l'ambition de faire de l'humanitaire et me laisser seule ici. Mais ce serait un mensonge. Il était beau et énigmatique, il était passionné mais très violent. Trop autoritaire et j'ai failli plusieurs fois me retrouver dans un état. J'ai jamais cédé à ses avances, il avait cette malsaine tendance à vouloir préserver ma vertus. J'ai fui le drame de ma vie, j'ai fuis cet homme le jour où je l'ai menacé de se taire avec un couteau. J'ai finalement pris mon courage, j'ai quitté toute cette merde et je suis partie.

Ma vie ici à Detroit est différente, je suis étudiante et je travaille en même temps comme serveuse au Steak House. Je ne parle jamais de mon passé, il n'intéresse personne, pour les gens, je suis une petite provinciale qui vient dans cette grande ville, je mêle plusieurs jobs, et je travaille plutôt bien. J'écoute de la musique et je suis dans les nuances tout le temps. Et ça me va très bien comme cela, j'ai fais une rencontre dernièrement qui me laisse sans mot, je ne sais pas quoi en penser. Peut-on aimer une personne rien qu'en écoutant ses chansons ? Peut-on fuir toute sa vie les sentiments pour ne pas souffrir ? Je n'ai pas la réponse, mais je crois bien qu'il faut arrêter de se plaindre. Ma vie n'a pas été si pathétique que cela, les épreuves de la vie m'ont rendu plus forte et je pense être capable d'avouer que c'est un mal pour un bien.

Je tape le point final et je me jure de ne plus jamais relire ce genre de torchon. Je me dis intelligente, mais ce n'est pas le cas. Je devrais surement recommencer. Mince, il est déjà tard, je dois prendre mon service, ça attendra, demain. Crapule, tu gardes tout ça, je file... Telle une tornade, vers ma vie.