Le coeur au bord des lèvres et les larmes aux yeux, je m'active pour poser pèle mêle mes affaires dans ma valise, ainsi que dans un gros sac de voyage. Mes bouquins de cours, mes vêtements, quelques livres, mon ordinateur et tout l'argent que j'ai pu mettre de côté sont entassés comme ça. Mon coeur bat à toute allure et j'ai réellement envie de vomir, ou de céder à la panique. En bas, ça crie encore. Mes parents se disputent depuis facilement une heure et j'ai préféré battre en retraite. Mon père parle d'avortement, et ma mère beugle que l'adoption est la meilleure chose à faire. Et moi, dans tout ça? Je ne compte pas? Pourtant, c'est bien moi qui porte ce bébé, et non eux. Mais apparemment, ils sont bien décidés à ce que je m'en débarrasse, de cet enfant. Oui, ils faut conserver les apparences. Que diraient les gens si ils me voyaient grossir à vue d'oeil, alors que je n'ai même pas encore passé mon diplôme, ni terminé le lycée? Que diraient les gens, si ils apprenaient que la petit Collins s'est faite engrossée -terme gentiment utilisé par mon cher père, au beau milieu de la dispute- et qu'elle n'est ni en couple, et encore moins mariée avec le père? Ouais, ça craint. Mais c'est comme ça. C'est arrivé et maintenant il faut faire avec. Comme si je n'étais pas déjà totalement flippéé, franchement..."Hope?" Surprise, je fait volte face et tombe sur Darian, mon frère. Oh, non. Je soupire et passe une main dans mes cheveux avant de fermer ma valise. "Si t'es là pour me dire de me débarrasser de mon bébé, j'te préviens; tu perds ton temps. J'me tire d'ici." "Quoi? Tu penses vraiment que je viens pour ça?" Je ne lui réponds pas et me contente de le regarder. Il soupire à son tour et fait les quelques pas pour combler la distance qui nous sépare. Puis, à ma grande surprise encore une fois, il enroule les bras autour de moi et viens me serrer fort. Pendant quelques secondes, je ne réagis pas forcément, puis sentant l'élan d'affection et d'amour dont j'avais besoin, je réponds à l'étreinte avec soulagement. Depuis mon aveu il y a déjà plus d'une heure, je n'ai pas eu le droit à ça. A un simple câlin. Que ce soit de la part de mon père ou de ma mère, d'ailleurs. Il a fallu que mon frère rentre spécialement du campus où il vit pour me donner pile la chose dont j'avais le plus besoin: du soutien. "Où est-ce que tu vas aller?", demande Darian en reculant après quelques instants. Mes lèvres se pincent. "Chez oncle Joshua. Je n'ai pas encore eu le temps de l'appeler, mais il m'as toujours dit que si jamais j'avais un soucis..." Darian hoche la tête. Il n'a pas besoin que je termine ma phrase. Et moi non plus, d'ailleurs. Il attrape mon énorme sac qui doit être assez lourd, le hisse sur son épaule et de sa main libre, il prend ma valise. "Qu'est-ce que tu fais?!" "J'te conduis chez oncle Josh, qu'est-ce que tu crois? T'es pas en état de conduire." Un sourire triste étire mes lèvres. "J'suis enceinte, pas mourante." Il tourne la tête pour me regarder et je ne décèle rien d'autre que de l'amour dans son regard. "C'est pas de ton état physique que je parle. T'es en colère, Hope: et j'te laisserai jamais prendre le volant dans cet état là." Il a raison. Je suis trop perdue, trop en colère et trop à deux doigts de rendre mon dîner pour ne serais-ce que poser mes mains sur un volant. Ensembles, nous descendons et passons devant le salon, où nos parents sont encore en train de parler. Pour ne pas dire de ce hurler dessus. Ils se rejettent la faute: où est-ce qu'ils ont fauté, où est-ce qu'ils se sont plantés, pour avoir un fils quasiment parfait, mais une fille maintenant disgraciée? Oui avec eux, le vingt et unième siècle n'est pas encore d'actualité. Ils ne remarquent même pas notre départ, et mon frère promet de leur dire où il m'as déposée une fois rentré à la maison pour la nuit, prêt à repartir sur le campus le lendemain. Le trajet jusqu'à la maison de notre oncle se fait dans le calme. De toute manière, il n'y a pas grand chose à dire, et j'apprécie vraiment le fait qu'il ne me bombarde pas de questions. "Est-ce que je le connais?", est la seule chose qu'il me demande. J'hausse les épaules. A vrai dire, j'en sais rien. Mon frère n'a jamais eu de mal à se faire des amis, où qu'il aille. Il doit en avoir des tas sur le campus, et ça ne m'étonnerait pas qu'il ait déjà croisé Tobias. Mais je ne préfère rien dire encore. Si son nom était révélé à qui que ce soit, Tobias finirait forcément par être au courant: hors, c'est moi qui devra lui dire. Pas une stupide rumeur, ou une tierce personne. Et connaissant mon frère, il ira lui parler: voir pire. Il voudra me protéger. Hors, je ne peux pas permettre ça, pas encore. "Peu être. J'en sais rien. Mais il n'est pas encore au courant pour...pour tout ça. Alors j'aimerai que tu garde le secret, pendant quelques temps." Darian pose sa main sur mon genou et le presse légèrement, pour me donner son accord. Bien vite, nous arrivons devant chez notre oncle. Les lumières sont encore allumés, ce qui ne m'étonne guerre: il n'a jamais eu besoin de beaucoup de sommeil, ayant longtemps fait partie de l'armée. Fébrile, je sors de la voiture et Darian s'occupe de mes affaires. Quitter la maison est bien plus dur que ce que je n'aurais cru. Mon estomac est serré, et mon coeur semble prêt à exploser. Je frappe à la porte, et entend presque immédiatement sa voix de l'autre côté, me signaler qu'il arrive. Finalement, il apparait dans l'encadrement et parait extrêmement surpris de me voir là, avec mon frère et mes valises. "Hope, Darian? Mais qu'est-ce que vous faites là? Tout va bien? Il s'est passé quelque chose?!" Pour toute réponse, je fonce dans ses bras et me met à pleurer. Foutues hormones! "On va bien. Tu peux juste...héberger Hope quelques jours?" "Bien sûr! Entrez, et expliquez moi tout."