Halloween, festivité païenne datée au 31 Octobre chaque année afin de célébrer le jour des morts ayant lieu le jour suivant. Automne, Terre s'effeuillant de son voile florissant, parsemait sur ses habitants un déluge de couleur somptueuse, en une caresse aux senteurs particulières. Et quelque part non loin d'une étendue bleutée, dans une ville qui semblait ne jamais trouver le sommeil, dans une salle aux allures blafardes, un couple et une tripotée de médecins et sages femmes donnaient vie à un enfant. Un enfant qui pleura dès qu'on le libéra de la forteresse chaleureuse qu'était le ventre maternel. L'enfant poussa ce cri qui signifiait qu'il était là, et serait là à jamais. Il fut posé dans les bras de sa mère, essoufflée, des diamants liquides perlant sur son front. De la pulpe de ses doigts, elle caressa la joue de celui qu'elle avait porté, le deuxième de la lignée, le petit cadet. Elle a poussé un soupire soulagé. Elle le trouvait beau cet enfant, le portrait craché de son père, affublé des traits si fins et angélique qui lui étaient propres. Elle observa son époux qui observait également le nouvel arrivant comme s'il était un trésor d'un nouveau temps. Il embrassa son fils sur le front, puis retourna dans la salle d'attente afin de pouvoir annoncer la grande nouvelle, à la famille réunie et impatiente. Mais avant de faire entrer la petite dizaine de personnes qui souhaitaient saluer le nouveau membre de la famille, l'époux fit entrer avant tout une petite fille. Celle-ci s'était avancée vers le lit maternel et posa son regard d'enfant sur la petite créature qu'elle tenait fermement dans ses bras. Ses grands yeux sombres l'observaient, elle, et elle a juste souri. L'homme posa une main sur la tête de la petite fille, geste bienveillant qu'il avait l'habitude de faire depuis longtemps. "Katelyn, je te présente Thyméo... ton petit frère."

Les années passèrent, et le couple Wilson observaient leurs enfants grandir avec une complicité telle, qu'elle en faisait pâlir les parents des fratries environnantes. Chez les enfants Wilson, il n'y avait aucune animosité quant à l'appartenance des biens des deux enfants, chacun était à sa place et respectait l'autre, jouant ensemble, la plupart du temps, comme s'ils n'avaient formé qu'un seul être, qu'un seul esprit. Le garçon aimait sa soeur, autant qu'elle aimait le garçon. Une vie paisible dans un quartier bien vivant de New York. Le monde tournait rond, dans le meilleur des monde. Le couple Wilson observait, au fil des temps, la métamorphose de ses enfants, le temps ayant constellé de tâches de rousseurs le visage étincelant du garçon, la féminité se développant telle une rose qui éclot chez la fille. Chacun prenait ses marques, développait sa personnalité propre. Différentes l'une de l'autre, différentes de celle du couple. L'une passionnée par les livres, le piano, la musique.  l'autre part le domaine artistique général. Touchant à tout, expérimentant, l'époux compris que son fils était un curieux, la femme, quant à elle, gardait farouchement les oeuvres de son enfants à l'abris dans son boudoir personnel, tiroir de table de chevet fermée à clé. Elle se surpris à l'observer durant des heures à la nuit tombée, lorsque ses cils tombaient sur ses pommettes et que le sommeil était venu le gagner. Elle s'était surprise, à plusieurs reprises, à le border à plusieurs reprises une même nuit, lorsque durant le jour, l'enfant avait montré des signes de potentielles fragilités de santé. Quant à l'époux, qui avait mis tant d'espoir en lui pour un avenir moins incertain, qu'il fut accablé, par moment, de s'apercevoir que son fils prenait un chemin glissant, un chemin dont seuls les meilleurs pouvaient se sortir de l'embarras. Un fils artiste, quelle tare, la peur au ventre qu'il ne s'en sorte pas, qu'il reste chômeur jusqu'à la fin, qu'il soit obligé de vivre sous les ponts. L'époux se voyait déjà, lorsque son fils aurait trente ans, de devoir lui donner encore la béquée, de l'argent de poche et l'engueuler pour avoir laissé trainer son téléphone à 900 dollars à minima. Puis un jour, il arrêta juste de s'en soucier, seulement déçu que ce fils aux capacités intellectuelles satisfaisantes ne les exploite pas plus intelligemment. Une tête si bien faite, pour ne laisser s'exprimer que l'artiste.

Bientôt, Thyméo entra au lycée, et en subit très vite les effets. Le besoin de liberté, une envie irrépressible de rébellion que le couple ne fut pas en mesure de gérer. Il fut conquit par une demoiselle, dont il tomba raide amoureux. Le premier amour, le vrai. Ils virent leur garçon se conduire en homme, déplacer des montagnes pour les yeux de sa belle. Jeune rouquine aux yeux émeraudes et au sourire lumineux. Il vécu ses premières fois, au dépend de la tranquillité de la famille, qui entra en guerre ouverte contre son intimité. Des claquements de portes, des hurlements, parfois des pleurs. De l'inquiétude aussi, l'époux mettant en garde son fils sur les possibilités de maladies, de procréations non désirées, et Thyméo, se plaignant que ce fut gênant, voire complètement indécent de parler de ça en toute franchise dans des instants sacrés tels que les repas du soir ou d'une soirée télévision entourée de popcorn. Cette guerre dura pas moins d'un an, et cessa définitivement lorsque soudainement, ils déménagèrent, arrachant l'adolescent à la rouquine restée à New York. Ils furent désemparés, face à la tristesse de l'enfant, frôlant presque la dépression. Au début, ils communiquaient, se manquaient terriblement, passaient des heures au téléphone, le soir, alors que Morphée était venue saisir la maison de son charme, le laissant, lui, profiter de la voix qui faisait frémir son palpitant. Et puis, un jour, elle ne répondit plus, faisant sombrer Thyméo dans un gouffre dont il ne sorti que bien plus tard, alors que son adolescence mourrait, qu'il devenait un homme. Sorti major de sa promo, le jeune adulte fut félicité par ses parents, qui lui laissèrent le choix de ses études supérieures. La mère espérait qu'il suive son amour pour les Arts, comme elle l'aurait espéré pour sa fille, tandis que l'époux, lui, priait intérieurement pour qu'il entre enfin dans une optique concrète, ce qui ne fut pas le cas, évidemment. Vie d'artiste, voilà ce qu'il avait choisi. Les Beaux Arts à Détroit, il deviendrait le maître d'un univers qui serait le sien, fourvoyant la réalité de ses oeuvres, offrant un rêve, faire naître une émotion parmi les yeux qui se poseraient sur son monde....