La lignée Brunelli est vaste, c’est une souche tsigane originaire d’Italie qui s’est dispersée à travers le globe durant les siècles et au fil des événements historiques. La branche dont est issue Ava réside aux Etats-Unis depuis trois générations, de lointains ancêtres désireux de trouver la paix quelque part en terre inconnue au milieu d’autres familles gitanes désœuvrées. Ainsi s’installèrent-ils à Marple Spring. La ville était une terre promise pour fonder une famille, qui s’agrandit et se développe au fil des décennies.

Ava Brunelli voit le jour le 22 aout 1986 à l'heure du crépuscule. Elle possède un frère ainé, Isaac, et une sœur cadette Mina. Comme elle, ils sont nés dans leur salon, mit au monde par les femmes de la famille comme le veut la tradition. Chez les Brunelli, il n’y a rien de plus important que le sang et la famille. Chacun de ses éléments se doit d’agir pour le bien de la communauté, au risque d’être banni s’il ne le fait pas. C’est un principe immuable qui s’ancre dans la postérité, aussi important que le devoir de mémoire, ces traditions et légendes de la famille qui se passent de génération en génération.

Ava a donc toujours baigné dans cette doctrine, c’est une tzigane de corps et d’âme, qui aussi réfractaire qu’elle puisse être sur certains sujets, n’abandonnera jamais les siens. Elle grandit dans le bar familial du quartier, le Brunelli’s. C’est un endroit anthologique pour qui veut déguster une bière brune de la meilleure qualité. C’est l’arrière-grand-père d'Ava qui a fondé l’établissement, et la gérance de l’endroit est un héritage qui se passe dans la famille. Si la salle principale sent surtout le rhum et le cigare, l’arrière-salle respire plutôt les billets de banque. C’est la seconde partie des activités Brunelli, celle qui rapporte. Au début, il s’agissait d’une distillerie où se tenait un commerce d’alcool illégal, pour devenir progressivement une salle de jeu clandestine particulièrement lucrative. Qui arrive à s’y faire une place peut tenter sa chance au poker ou au black jack si son esprit résiste aux torpeurs de l’alcool. Chez les Brunelli, on a le sens du commerce et un client satisfait est un client généreux. Les affaires sont prospères et la discrétion de la famille n’attire pas l’attention des autorités, qui passent même parfois prendre un verre.

Ava évolue au milieu de cette atmosphère éternellement festive, ancrée dans la sphère familiale que représente cette lignée nombreuse. Mais très vite, la brune se distingue par sa force de caractère et sa volonté d’indépendance. Elle entretient des rapports très mitigés avec son père, un homme inconstant et colérique, autant qu’elle tente toujours de surpasser son frère, l’ainé de la famille ; il est l’héritier, le privilégié. Et ça elle ne peut le concevoir. Pour autant, Ava demeure très proche de sa mère et sa jeune sœur qu’elle protège inlassablement des éclats de leur père. L’enfant laisse place à une adolescente qui ne vit pas toujours des heures heureuses. Ava évolue avec le sentiment de ne pas être à la place où elle le devrait. Elle a soif de la vie et faim d’aventure. Son échappatoire c’est la lecture, mais Ava finit par ne plus y trouver gout.

L’occasion de s’émanciper se présente alors qu’elle arrive à l’aube de ses vingt-et-un ans. Son père décède des suites d’une cirrhose du foie foudroyante, résultat d’une consommation outrancière de liqueur durant toute sa vie. La famille ploie sous le poids de cette perte et les heures qui suivent sont confuses. Mais pour Ava, cette soudaine absence d’autorité patriarcale est une aubaine pour tenter le plus fou. Le lendemain des funérailles de son père, elle s’envole, laissant derrière elle une lettre à sa mère. Il est temps pour elle de réaliser sa vie et la brune compte bien rattraper le temps perdu.

La tsigane pose ses valises à Chicago. Le rêve américain s’ouvre à elle et Ava est gourmande. La jeune femme trouve rapidement un emploi de barmaid dans le casino de la ville, infestée par la pègre et la corruption. C’est l’une des figures de la mafia qui tient d’ailleurs l’établissement de jeux, un homme riche et puissant dont Ava finit par s’attirer les faveurs après s’être faite remarquée à ses yeux. De simple courtisane elle grimpe vite au rang de favorite, finissant par se faire passer la bague au doigt deux ans plus tard. C’est un mariage calculé, qui sent le fric et un statut social assuré, tout ce dont elle a besoin. Et pour cela, Ava est prête à essuyer les colères et le masochisme de son mari ; patience, son heure viendra.

Cette union fut le fruit de multiples passions et péchés interdits durant trois ans. Officiellement, elle est la belle plante qui se tait. Officieusement, elle est l’intrigante qui écoute, fait des alliances et construit son influence. Un matin, Ava est appelée par les secours français pour apprendre que son mari a fait une chute mortelle durant son excursion du week-end dans les Alpes. Un bien triste accident, avait-elle simplement répondu. Et c’était vrai, un bien triste accident, qui ouvrait le champ des possibles néanmoins. Jamais il n’avait été prouvé une quelconque implication de sa part dans la disparition de son mari, mais les rumeurs s’alimentent vite en ville… Et rien ne prouve le contraire.

Ava ne perd pas de temps et saisit la chance de sa vie. Elle reprend la direction des sbires de son défunt époux et de ses affaires. Ce tremplin lui accorde également les faveurs de sa famille avec qui elle reprend contact. Il faut que dire que les siens avaient très mal digéré son départ, et son union à un homme ne faisant pas parti de la communauté gitane. Mais c’est son frère qui a repris les affaires de la famille en ville, et ce vénal ne peut renier un membre de sa lignée à la réussite aussi stupéfiante. Elle est désormais une femme libre et respectée, qui a gagné au prix du sang et du labeur.

Mais il y a un mois de cela, ava apprend la disparition de son frère. Ce dernier n’est pas reparu en ville depuis dix jours, laissant sa famille dans la tourmente. En le concours de cette absence, elle devient l’ainée, celle qui doit guider. Sa mère est âgée et malade, autant que sa sœur est jeune et a besoin de cadre. Les affaires doivent tourner et la famille a besoin de structure. Ainsi rappelée à ses devoirs familiaux, Ava s’absente de Chicago pour retourner là où tout a commencé. Elle est à Marple Spring depuis quelques semaines, occupée à gérer le Brunelli’s. Mais sa prérogative principale est surtout de retrouver son frère le plus rapidement possible, mort ou vif.