Je faisais toujours le même rêve. J'étais chez le psychologue, à monologuer comme si j'étais seule. Il était là en face de moi, à m'écouter, mais il ne disait rien. Je me rappelais cette scène, c'était ma première consultation chez le psychologue. J'avais besoin de conseils et je détestais parler de moi comme ça, me dévoiler. Je m'étais dit qu'avec un inconnu ce serait plus facile. Et j'y étais allé, un peu poussé par mes parents. "Vous savez docteur, tout avait l'air de commencer pour le mieux. J'étais une jeune fille pleine de vie, enfant. Je courais partout, mes parents me perdaient toujours. J'étais une  enfant souriante, qui adorait faire tourner en bourrique mes proches. Mais, plus important, j'étais heureuse. Tout ça me paraît bien loin. Il s'en est passé des choses en 20 ans. Puis, je grandis. J'appris à marcher à parler, à lire et à écrire comme tous les enfants. J'appris aussi la vie. J'appris la différence entre le bien et le mal. Mon père était au chômage quand j'étais jeune, alors il avait beaucoup de temps pour moi. Quand à ma mère, elle faisait des journées normales alors je la voyais bien assez. Mais tout changea, bien sûr, à quoi bon être heureux c'est vrai ! Mon père trouva un travail. J'étais heureuse pour lui à cette époque. Mais, il rentrait tard tous les soirs, je ne le voyais presque plus. Ce fut le tour de ma mère ensuite. Elle tomba gravement malade. Elle s'en est remise, oui, mais pour quoi au final ? Mourir quelques années plus tard ? Moi, je ne m'en suis jamais remise. Je me sentais abandonnée. En plus, je m'étais disputée avec ma meilleure amie à ce moment-là. Et mon frère et moi n'étions pas très proche étant enfant. Vous pensez peut-être que ce n'est rien, que vous avez vu des cas bien plus grave. Mais l'absence de quelqu'un dans votre vie, ça change quelqu'un. ça fait mal. Je pense que c'est comme ça que j'ai développé mon autophobie. Si, vous savez, ce pourquoi je suis venu ici. Je ne pouvais plus rester seule à la maison la présence de mon frère, bien qu'on se parlait peu, m'était réconfortante. C'était la même chose à l'école, je devais constamment être entourée. Puis, vint la douce période du collège. Je ne pouvais tout simplement plus me regarder dans un miroir. Toutes mes amies commençaient à grandir, à être jolies, à s'affirmer, et moi je me détestais. Je voulus me suicider alors que j'avais 13 ans. J'étais déjà bien dévastée... Pourtant, je n'étais même pas harcelée, mais je ne pouvais tout simplement plus me voir en face, même entendre ma voix m'était insupportable. Après un séjour à l’hôpital, je finis les années du collège et arriva enfin au lycée. Ma première année au lycée, c'était horrible. J'étais un cancre. Je me débrouillais eau collège, mais le lycée signa mon arrêt de mort. Je ne suivais pas les cours, me faisait constamment réprimander quand j'y était présent." Je fis une pause, détaillant la salle. Je voulais poser mes yeux partout ailleurs que dans ceux du psychologue. Devais-je parler de mon viol ? Non. Il était de toute façon trop tard pour en parler. Je n'en ai parlé à personne, et ce ne sera sûrement pas lui le premier au courant. "J'ai eu mon bac de justesse. Finalement j'ai quand même des bons souvenirs de mon enfance et adolescence, je n'ai pas eu une vie facile, mais je sais très bien qu'il y a des gens qui ont vécu des choses bien pire que les miennes. Mais, c'est dur d'en parler vous savez." Et le rêve s'arrêtait là. Je le voyais ouvrir la bouche, prêt à prendre la parole. Mais, je me réveillais toujours. Je n'arrivais même plus à me souvenir de ses conseils, maintenant que j'ai en ai le plus besoin. Je suis consciente qu'il pourrait m'aider, il m'a aidé auparavant. Mais, j'ai besoin de temps... La mort de mes parents est si récente. Je ne m'en suis toujours pas remise. La drogue me fait du bien, elle m'aide à passer cette mauvaise passe. J'ai conscience que c'est mauvais, que ce que je fais est juste une solution à court-terme, qu'elle ne me fait plus de mal que de bien... Mais je ne trouve pas d'autre solution. J'ai besoin d'aide... Et pourtant, je me lève, comme si tout allait bien, je mets mon masque, le masque de mon sourire, qui marche si bien sur les gens. C'est horrible, de faire semblant. De tout le temps faire attention à ce que tu dis, à ce que tu fais, pour ne pas paraître triste. Je n'ai pas besoin que les gens s'attristent sur mon sort.