Selon une grande partie des habitants de Marple Spring, ma ville natale, j'ai une vie de rêve. Pourquoi? Grâce à mon nom et à la fortune de ma famille. Et pourtant, l'argent ne fait pas le bonheur, je le sais. Je l'ai appris à mes dépens au cours de toutes ces années. Pour moi, ma vie ressemble plus à une chanson noire et triste. Bien que depuis quelque temps, celle-ci semble s'adoucir et aller de plus en plus vers le bonheur.
Pourtant, mon enfance et mon adolescence ont été des plus heureuse. Troisième enfant du couple Williams, j'ai grandi entouré par l'amour des miens, et notamment de mon frère aîné, Garrett. C'est à cette époque, grâce à ma mère, que je me suis passionnée pour la musique, et notamment pour le piano et la guitare, dont au cours du temps je suis devenue une grande pratiquante. Je pouvais jouer pendant des heures, pour le plus grand plaisir de mes parents qui aimaient m'écouter. Je jouais quand j'étais heureuse, mais aussi quand j'étais triste pour me remonter le moral.
Pendant ces années de bonheur, ma famille s'est encore agrandie avec l'arrivée d'un petit frère quand j'avais six ans, Lazlo, puis d'une petite sœur l'année suivante. Pour une petite fille comme moi, avoir un petit frère et une petite sœur c'était le bonheur, car je n'étais plus la dernière, et je pouvais leur apprendre tellement de chose, et partager mon expérience de la vie. C'est surtout de ma sœur que j'étais la plus proche, et en sa compagnie, j'ai fait pas mal de bêtise pendant mon adolescence.
Mais ce bonheur relativement parfait, s'écroula du jour au lendemain l'année de mes vingt ans. Mes parents, accompagnés de mon petit frère et de ma petite sœur eurent un terrible accident de voiture. Seul Lazlo, mon frère survécut. Ma sœur de treize ans et mes parents périrent sur le coup. J'adorais ma sœur, à un point que je ne saurai le dire, tout comme mes parents, et leur perte me brisa. À ce moment là, j'avais quitté Marple Spring depuis presque trois ans pour étudier à New York, à la Columbia University, le social.
Seule et triste dans cette grande ville, j'ai rapidement déraillé. Une fois mon année finie, dieu sait comment, j'ai abandonné la poursuite de mes études et me suit réfugiée dans la fête et les soirées. J'ai pris un poste de serveuse dans un restaurant pour la journée, ainsi je m'occupais l'esprit, et le soir, pour ne pas trop penser, je me donner corps et âme avec des amies ou des connaissances d'un soir dans la fête. Je ne faisais pas d'excès, comme certains ont pu le penser, mais je me suis éclater pour oublier mon malheur.
C'est dans ces journées sans fin, qu'un soir l'année suivante, j'ai rencontré un garçon qui m'a tout de suite plus. Mystérieux et ténébreux, il semblait aussi être gentil et doux. Tout ce qu'il me fallait à ce moment là. On a d'abord sympathisé, puis on s'est revu à de nombreuses reprises avant de se mettre ensemble. J'entamais ma vingt-unième année et pour moi, notre relation était du sérieux. On a même fini par s'installer ensemble au bout de quelques mois. On avait une notre petite routine tous les deux: la journée on travaillait, lui comme assistant dans un cabinet d'avocat du quartier, et moi au restaurant, et le soir on improvisait. Mais la routine a fini par tuer notre couple je pense, et un soir, il est rentré complètement ivre et il m'a frappé pour une histoire de vaisselle non faite. Je ne sais pas d'où est venu cet accès de colère, car il n'en avait jamais eu auparavant. Le lendemain, en voyant mes bleus, il s'est excusé, promettant de ne jamais recommencer, et moi, comme je l'aimais, je l'ai cru.
Sauf que les coups ont fini par revenir, mais à chaque fois Rick s'excusait, en mettant ces accès de colère sur le compte d'un stress dû à son travail. Un rien pouvait déclencher sa colère. Puis j'ai découvert que j'étais enceinte, et les coups ont cessé. Il était heureux de devenir père, d'après ses dire, tout comme moi de devenir mère. C'est ainsi qu'à vingt-deux ans passé j'ai donné naissance à une petite fille, prénommée Emily. La naissance de ma fille fit naître en moi un sentiment que je ne connaissait pas, et que je ne sais toujours pas définir. Mais en la voyant pour la première fois, j'ai su que je pourrais soulever des montagnes pour elle.
Les mois qui ont suivi sa venue au monde furent merveilleux, même Rick semblait heureux et ne levait plus la main sur moi. Je pensais cette phase de notre passé complètement terminée, jusqu'à ce qu'un jour il recommence pour une histoire de chemise mal repassée et tâchée. Sauf que ce jour là, il fut plus violent que jamais, et me jura que si je ne faisait pas attention, la prochaine fois il s'en prendrait à Emily. Ce fut la menace et les coups de trop: ce soir là, il m'a mit dans un sale état: j'ai eu deux côtes cassées et un poignet brisée. Le lendemain, je pris mes affaires et ceux de ma fille, et je me suis enfuie avec elle. Je suis retournée à Marple Spring par le premier train quittant New York, me jurant de ne jamais y retourner. J'ai ainsi retrouvé refuge auprès de Garrett, qui m’accueillit à bras ouvert et me soigna. D'ailleurs en voyant mon état, il entra dans une colère noire et se précipita le plus rapidement possible à New York pour régler son compte à Rick. Je ne sais pas exactement ce qu'il s'est passé entre eux, mais depuis ce jour là, je n'ai plus eu de nouvelles de mon ex. Pour mon plus grand soulagement. Et alors commença pour moi une épreuve encore plus dure: celle de ma reconstruction psychologique après tous ces coups.
Aujourd'hui, plus de six ans après ma fuite, j'ai avancé. Je suis restée auprès de Garrett à Marple Spring avec Emily, et petit à petit j'ai appris à avancer, à me reconstruire. C'est un long chemin la reconstruction, et celui-ci n'est pas encore fini pour moi. Pourtant, chaque jour, je sais que je vais mieux.
Je suis devenue institutrice, et l'une des meilleures selon mes élèves. Ce métier et tout ce qu'il m'apporte me plaît et me rend heureuse. En plus de cela, je me suis mise à la peinture, et je dois avouer que j'adore cela, c'est comme une thérapie. J'ai redécoré ma chambre et celle d'Emily avec des toiles de ma modeste signature. J'ai aussi repris contact avec mes amis d'enfances, et j'essaye de sortir avec eux de temps à autre.
Ainsi, je tente, à ma manière, d'oublier Rick un peu plus chaque jour, bien que cela soit difficile, notamment quand ses coups me hantent la nuit en cauchemar. J'ai aussi peur de le voir débarquer un jour, réclamant à grand cri de lui rendre sa fille, que, selon lui, je lui ai enlevé en venant me réfugier ici. Il a promis à Garrett de venir la chercher un jour, et je l'en sais parfaitement capable. Hors s'il venait m'enlever Emily, je sais que je ne le supporterai pas. Elle est désormais toute ma vie: j'aime passer du temps avec elle, la regarder grandir, lui apprendre de nouvelles choses, comme ma mère le faisait avec moi.
Enfin, depuis peu, j'ai retrouvé l'amour, moi qui n'y croyait plus. Il est doux, attentionnée, et il a su percer la carapace que je me suis forgée au cours des années. Ma fille aussi l'adore, ce qui est important à mes yeux, moi qui rêve de lui donner un père digne de ce nom. Mais la personne qui fait battre mon cœur, et à qui je me suis fiancée il y a quelques mois est un O'Connor, une autre famille fondatrice de la ville. Hors nos familles ne sont pas en si bons termes que cela depuis de nombreuses années. Et même si Garrett fait bonne figure et dit être heureux pour moi, je sais qu'au fond, la pilule passe mal. Mon histoire lui fait penser à celle de notre sœur aînée. Alors chaque jour, je tente de l'amadouer pour lui faire accepter Matthew. Voilà ma prochaine mission, avant mon proche mariage, qui signifie pour moi l'espoir d'un nouveau bonheur.